Avant que vous ne lisiez cette critique, je souhaiterais vous dire ceci.

J'ai beaucoup hésité avant de parler de cet album mais je m'y suis mise parce que j'ai trouvé une bonne raison que je vais vous expliquer dans cette intro.

Le cas de cet album est un peu particulier à aborder.

En effet, Tintin et le Lac aux requins n'est pas une histoire se situant dans la chronologie officielle des albums de Tintin mais une aventure inédite étant, à la base, un film d'animation Belvision dont le scénario est écrit par Greg.

Toutefois, Hergé ayant totalement redessiné le film sous forme de bande-dessinée, je ne vais pas parler, ici, de l'album Tintin et Lac aux requins en tant que produit dérivé d'un film existant mais à la manière d'un album situé dans les aventures papiers de notre reporter préféré.

Pourquoi? Parce que Belvision avait sorti, quelques années auparavant, un film d'animation Tintin nommé Tintin et le Temple du soleil: film adaptant le diptyque d'albums Les 7 Boules de cristal/Le Temple du soleil.

En effet, étant donné que Tintin au Pays de l'or noir se situe après Le Temple du soleil dans la continuité des albums d'Hergé et que le film Belvision Tintin et le Lac aux requins est une sorte de suite spirituelle au film Tintin et le Temple du soleil, réalisé par le même studio, on peut supposer que Tintin et le Lac aux requins pourrait se situer entre les albums Le Temple du soleil et Tintin au Pays de l'or noir.

Voilà, maintenant que j'ai trouvé le parfait prétexte pour parler de Tintin et le Lac aux requins malgré le fait que je ne devrais pas placer cet album dérivé en tant qu'aventure de Tintin officielle, je peux, désormais, en toute tranquillité, faire la critique de cet album tout en étant apaisée de me dire que je peux le faire.

(Je vous suggère également de lire ma critique du film d'animation afin que vous sachiez également ce que je pense du film lui-même https://www.senscritique.com/film/tintin_et_le_lac_aux_requins/critique/291969971)

Sur ce, bonne lecture!

Tintin et le Lac aux requins OU l'album connu comme étant la rare aventure de notre reporter préféré n'ayant pas été écrite par Hergé. En effet, pour la première fois, il n'est présent qu'en tant que dessinateur dans une histoire écrite par Greg. Ce dernier a-t-il réussi à rester fidèle l'esprit Tintin. C'est ce que nous allons voir tout de suite?

Dès les premières pages de cet album, on sent tout de suite que Tintin et le Lac aux requins va être une aventure de Tintin comme on les aime.

En effet, tout comme dans L'Oreille cassée, l'histoire commence par un vol d'objet d'art dans un musée et le remplacement par un faux. Ici, le fétiche arumbaya du musée éthnographique est remplacé par une perle du musée océanographique.

Cependant, contrairement au fétiche arumbaya, la perle n'est pas le McGuffin de l'intrigue.

En effet, Tintin ne se lance pas à la poursuite de la perle préférant se prélasser en Syldavie avec ses amis dans la villa Sprok où le farfelu Tournesol se livre à de sympathiques expériences.

Toutefois, près du soi-disant maudit lac artificiel de Fléchizaff, des activités louches liées à des vols d'autres oeuvres d'art comme la perle vont faire que le séjour de Tintin va être perturbé.

Que vaut donc cet album?

On sent dans Tintin et le Lac aux requins une envie de faire un retour aux sources en faisant voyager nos héros en Syldavie, pays imaginaire déjà visité par Tintin dans Le Sceptre d'Ottokar.

Et ce n'est pas la seule chose: contrairement à l'album cité, on ne voit pas Klow, la capitale 'moderne' de la Syldavie mais tout simplement la partie isolée du pays où la civilisation 'moderne' n'est pas très présente (région isolée du monde extérieur, habitants vêtus à "l'ancienne"...)

De plus, l'aménagement du lac de Fléchizaff ayant exigé l'évacuation d'un village entier pour être conçu fait référence à la mise en place du lac du Salagou ayant exigé l'évacuation du village de Celles pour aménager un barrage (village qu'on tente actuellement de repeupler depuis quelques années cinq décennies après son évacuation)

Ainsi, après plusieurs albums où il n'y avait aucune tentative de s'inspirer du monde réel, Tintin revient dans une aventure faisant référence à notre réalité.

Malheureusement, cette inspiration du réel n'est qu'une toile de fond et n'est pas exploitée dans le récit pour critiquer notre monde mais seulement survolée pour que le lac serve à autre chose dans l'intrigue.

Mais parlons plutôt des qualités.

Contrairement à Le Sceptre d'Ottokar où on ne s'attardait pas vraiment sur les vies des Syldaves, Tintin et le Lac aux requins s'attarde sur deux habitants de la région. Il s'agit de deux enfants: Niko et sa soeur Nouchka avec lesquels Tintin devient ami comme cela arrive avec de nombreux enfants de l'univers de Tintin.

L'amitié entre ces trois-là, bien qu'elle naisse trop rapidement et soit trop peu exploitée, est assez touchante étant donné que Tintin partage des moments complices avec les deux mômes...

...et qu'ils se sauvent les uns, les autres lors de certains dangers se déroulant durant l'album.

Quant aux autres personnages, ils sont fidèles à eux-mêmes: les Dupondt sont toujours aussi hilarants dans leur stupidité, le Capitaine est toujours aussi drôle dans ses exaspérations et ses colères (avec ou sans ses insultes).

De plus Tournesol sort de son statut de damoiseau en détresse qu'il était dans Le Temple du soleil en faisant des expériences très utiles à l'intrigue et en aidant Tintin au cours du récit avec un objet faisant référence à l'album Le Trésor de Rackham le Rouge.

Nous revoyons également la Castafiore. Personnage se révélant surprenamment utile à l'histoire et ayant ses caprices de diva passant à la trappe.

Cependant, alors que le Capitaine Haddock semblait partie pour être utile, il ne l'est finalement que trop peu et est réduit à un statut de personnage comique...

...bien qu'il aide également Tintin une fois au cours de l'histoire.

Et encore, les personnages mal utilisés ne sont pas les seuls défauts.

En fait, le véritable problème de Tintin et le Lac aux requins est que, contrairement à Le Temple du soleil où s'enchaînaient voyages vers l'inconnu à la fois contemplatif et plein d'action, cet album-ci se déroule dans un pays déjà visité (bonjour le manque d'originalité) ainsi que dans un endroit avec très peu de lieux aux alentours au point que des allers et retours entre ces derniers s'enchaînent de façon plus que bancale et rendent le récit mollasson.

Sans compter un final bien trop bâcle n'ayant pas sa place dans un film d'aventure supposément pleins de dangers. Ce qui ôte au récit la possibilité de se finir de façon satisfaisante.

Et ce n'est pas tout. Alors que dans les albums d'Hergé, on a souvent des cases et des pages sans dialogues où les personnages s'expriment uniquement avec leurs visages ou des passages où les dialogues expliquent très bien les situations, Greg s'est senti obligé d'inclure beaucoup de passages narratifs durant l'album alors que le lecteur voit déjà ce qui se passe à l'image sans que cela n'ait besoin d'être expliqué. De plus, le fait que l'album ne fasse que 45 pages fait que l'histoire est bien trop courte pour être considérée comme une vraie aventure de Tintin les albums d'Hergé ayant toujours fait jusqu'à 65 pages ou un peu plus.

On sent qu'on est loin de la maestria narrative d'Hergé dans une histoire n'étant pas la sienne et peinant à retranscrire ce que Greg attends de lui.

Mais revenons sur les qualités.

Parlons des méchants. Rastapopoulous est de retour pour notre grand plaisir. Quoi de mieux pour faire une bonne histoire de Tintin en faisant revenir le pire ennemi du reporter? De plus, il est fidèle à lui-même pour le pire: faussement distingué et sadique à souhait...Avec de telles anti-qualités, on ne peut qu'adorer le détester.

Et n'oublions pas sa base peur accueillante sous-marine sous l'immensité du lac artificiel peu accueillant donnant une véritable sensation de danger pour nos héros; et d'aventure pleine d'adrénaline et de suspense comme on les aime. Dommage qu'ils arrivant bien trop tardivement dans le récit pour qu'on ait le temps de pleinement les apprécier.

Cependant, il est fort dommage que les hommes de main de Rastapopoulous soient tous stupides car cela atténue la dangereuse menace qu'il est censé représenter.

Bref, un album couci-couça n'étant pas à la hauteur de la maestria de ses prédécesseurs mais étant néanmoins appréciable à lire quand on veut se détendre.

Heureusement, Hergé fut à la fois dessinateur et scénariste de l'album suivant qui fut bien meilleur que le précédent.

Mais ça, c'est une autre histoire.

Et pour finir, voici une fois de plus, une review de The Reg sur l'oeuvre traitée dans cette critique. Cependant, celle-ci n'est pas sur cet album dérivé du film mais bel et bien sur le film lui-même. Bon visionnage https://www.youtube.com/watch?v=oYzdrUGN6Y0

BlackBoomerang
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le 12 août 2023

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