J’aime les Furyo manga qui sont toujours bien plus que des manga de bastons. Quand Glénat a annoncé la sortie de Tokyo Revengers, évidemment j’ai été emballé…
Voir enfin du Furyo manga (re)débarquer dans les étals de ma librairie me comble de joie…. Quand en plus il est de cette qualité je suis encore plus joie.
De base, les Furyo manga s’inscrivent plutôt dans la réalité. Pas de super-pouvoirs, pas de mondes imaginaires, de monstres etc… Pourtant ici l’auteur utilise un point de départ très largement utilisé dans le genre « tendance » du moment, les Isekai. En gros ; l’accident du héro suivi de son transfert dans un autre monde/lieu. Ici dans le passé. Wai, dans le passé ! Et les voyages dans le temps c’est pas commun pour du Furyo manga !
Soyons francs, le coup de l’accident comme point de départ c’est du vu, revu et re-re vu… Et pas que dans les Isekai. Heureusement c’est juste un prétexte pour lancer le truc et basculer rapidement dans du bon gros Furyo qui envoie et qui saigne ! Il ne faut d’ailleurs que quelques dizaines de pages à l’auteur pour poser son contexte, les persos, les « règles » du saut temporel et surtout les enjeux… Pour le reste, y’a tout ce qui fait un bon Furyo comme des personnages badass et charismatiques, des bastons de folies, des punch-lines bien senties et comme toujours des valeurs (pasque oui les voyous ont aussi des valeurs), du fond et une intrigue solide.
Du fond? Oui du fond ! Car en plus de servir de point de départ, le retour de Takemichi dans son passé permet aussi a celui-ci d’exécuter une vraie remise en question. Il n’avait jamais compris qu’il avait des amis solides sur qui compter, une super relation avec Hinata et surtout il n’avait jamais imaginé son avenir seul dans un studio minable en vendant des DVD pour survivre… Et ce retour dans le temps est LA bonne occaze pour changer tout ça en plus de sauver Hinata. Si en plus, on n’a plus vraiment grand chose à perdre, ça motive évidemment…
Et pour l’intrigue solide on y est aussi ! Car oui Takemichi est retourné 12 ans en arrière avec le savoir de son moi du présent, mais pour autant, il n’a que quelques indices et dates clefs pour empêcher la cascade d’événements qui a causé la mort d’Hinata.
De là on suit son double parcours. Son intégration au Tokyo Manjikai et son enquête pour empêcher la suite d’événements qui mènera à la tragédie. Et les deux sont intimement liés. Afin de comprendre ce qu’il s’est passé, Takemichi va devoir pénétrer les méandres du gang et de ses membres clefs. Pourquoi et comment le Tokyo Manjikai est passé d’un petit gang d’ados « bon-enfant » à un gang criminel pratiquant vols, trafics ou extorsions ? Et surtout qui causent la mort d’innocents, ce qui est à l’encontre des valeurs du gang en 2005. Takemichi va devoir démêler ce sac de nœud pour comprendre et surtout empêcher tout ça d’arriver…
Et pour ça il devra prendre part aux guerres entres gangs rivaux, aux querelles internes et autres luttes de pouvoirs au sein du Tokyo Manjikai. Et tout ça à la force de ses poings et surtout de ses convictions !
En résumé, Ken Wakui nous livre un titre mêlant subtilement action, enquête, persos badass, remise en question et surtout une intrigue bien ficelé. C’est prenant, immersif et addictif. Le tout servi par un dessin fin et réaliste, un découpage classique mais efficace.
Le fond et la forme…
Ce titre est surtout une excellente porte d’entrée au genre Furyo, car s’il en reprend la plupart des codes, son angle d’attaque avec le voyage dans le temps est totalement original par rapport aux schémas classiques du genre. Et beaucoup plus accessible que l’habituel petit nouveau/gars (et son éventuelle bande de potes) qui débarque dans un nouveau collège/région/quelque part et qui va devoir se faire un chemin à la force des poings qui sert de point de départ a beaucoup de titres. Un mélange de genres équilibré et réussi qui a le mérite d’être accessible a une plus large palette de lecteurs qu’un Furyo manga pur et dur.
Bon attaquons ce qui fâche, l’édition :
On est ici dans du Glénat très classique, type One Piece, Berserk et autre. A ce niveau rien de nouveau, par contre la traduction, elle, pèche salement. Déjà le traducteur emploie des termes d’un autre temps :
Il qualifie les furyo de Bad-boys qui est un terme un peu connoté et qui ne correspond tout simplement pas… Sans oublier des expressions « djeuns » qui malgré mes 38 ans me paraissent ultra vieilles. En vrac: ti-par, kis-dé, blarf, cailleras j’en passe et des meilleures. Si la trad’ voulait coller au langage des rues , c’est le langage des gars des années 80-90, donc pas la bonne période :S Le Furyo a ses propres codes et ses termes précis. Ces termes n’ont généralement pas d’équivalents européens et sont quasiment intraduisibles. Des titres comme Bakuon Rettô (Kana) ou Young GTO/Shonan Junai Gumi (Pika) ont d’ailleurs choisis de ne pas traduire ces termes et de les légender grâce un lexique à la fin du tome ou des clefs de compréhension en bas de page.
Pourquoi Glénat choisi encore aujourd’hui de traduire des termes précis et généralement intraduisibles correctement et de ne pas simplement les laisser comme le font la plupart des éditeurs depuis des années? Chuis le premier a dire que traduire c’est trahir mais y’a des limites. Même si je reconnais qu’a ce niveau il y a du mieux a partir du tome 3.
Ca c’est pour les soucis qu’un néophyte en japonais amateur de Furyo comme moi remarque à la lecture. Mais apparemment les erreurs sont légions dans cette traduction; noms de personnages et de collèges mal traduits et faux, erreurs de traductions et adaptations/raccourcis inutiles etc. Le Furyo Gang -particulièrement Sowon qui parle et lis le Japonais- à comparé la version originale japonaise et la version française et réalisé un dossier plutôt très complet sur le sujet : https://Furyo-Investigation
Néanmoins, malgré ces bourdes, pas de raisons de passer à coté de ce super titre qui vaut clairement le détour ! En plus ça permet de supporter l’initiative et de peut être voir arriver d’autres titres du genre ici.
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