Transmetropolitan se déroule dans un futur pas très gai, où la censure est toujours présente, où la moralité a bien changé, où le peuple est toujours un peu con. C'est du futur pas très ragoutant, où des nains-Hitler se prostituent, où les émeutes sont calmées dans le sang, avec tout ce qu'il faut de manipulation derrière pour arranger les choses à sa manière.
Spider Jerusalem est certainement le plus grand journaliste actuel. Depuis des années, il vit en ermite, loin de ce monde qui ne veut pas voir la vérité. Mais certains événements le poussent à reprendre ses activités, accompagnés de une puis deux apprenties collègues, ses "sordides assistantes", et de quelques personnages secondaires sidérants comme sa chatte à trois yeux, qui clope plus que n'importe qui.
Spider Jerusalem est donc de retour, dans son combat pour l'information. Et croyez moi, ça va faire mal. Car il est complètement dérangé, drogué, obsédé par la quête de la vérité. Il a un bon fond, mais il faut le mériter pour le voir. Sinon, il sort son flingue à coliques, puis un article bien saignant. L'information avant tout.
Un journaliste exalté, dont la majeure partie de son histoire va être de montrer au peuple à quel point le dernier président, "le sourire" est un fieffé trou du bip mais aussi livrer son avis sur le monde qui l'entoure, qu'il déteste autant qu'il aime. C'est assez brut, parfois dérangeant mais le scénariste sait aussi ménager des moments plus intimistes autour de cet univers.
Warren Ellis, le scénariste de ce comics culte est certainement un des plus grands scénaristes de ces vingt dernières années. Il a souvent fait du caca quand il s'est attaqué à des personnages iconiques de chez Marvel ou DC, moins pour des personnages de seconde-zone, mais quand on lui laisse les clés pour créer des nouveaux personnages ou concepts, ça déménage. Pour s'en convaincre, il suffit de se plonger dans Authority (une équipe de super-héros prête à tout pour arriver à ses fins) Ministry of space (la Grande-Bretagne après la seconde guerre mondiale a conquis l'espace, au prix d'un lourd secret) et surtout Planetary (qui brasse énormément de thèmes de la culture pop au profit d'une histoire bien ficelée, peut-être son meilleur titre), et j'en oublie.
Aux dessins, Darick Robertson pendant toute la série (hormis quelques épisodes). Un trait très comics, mais complètement maîtrisé. C'est précis, c'est net, et surtout il ne s'est pas privé de mettre dans ses pages de nombreux détails qui donnent littéralement vie au monde de Transmetropolitan. Il ne serait pas aussi vivant et sordide sans lui. Darick Robertson s'est aussi illustré (normal pour un dessinateur) récemment sur The Boyz, avec Garth Ennis, une autre série excellente, bien barrée et à ne pas mettre entre toutes les mains, qui voit une équipe pas très nette d'humains veiller à ce que les super-humains ne profitent pas de leurs pouvoirs.
Transmetropolitan est donc une série tout simplement géniale, un peu punk dans l'esprit, certains diront cyberpunk, mais qui coupe littéralement le souffle, et donne envie à ce que la vérité éclate enfin, libérée de toutes ses manipulations. Le prix à payer pour l'information peut être élevé, mais il doit être payé.
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