Pourquoi des arbres ?
Ce tome fait suite à Trees Tome 2 (épisodes 9 à 14) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu car il ne s'agit pas des mêmes personnages. Néanmoins il vaut mieux avoir lu les 2 premiers tomes pour...
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le 11 sept. 2021
Ce tome fait suite à Trees Tome 2 (épisodes 9 à 14) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu car il ne s'agit pas des mêmes personnages. Néanmoins il vaut mieux avoir lu les 2 premiers tomes pour avoir une notion de la nature de ces Arbres. Il comprend les 5 épisodes de la minisérie Three Fates, initialement parus en 2019, écrits par Warren Ellis, dessinés, encrés et mis en couleurs par Jason Howard, avec l'aide de Dee Cunniffe pour les aplats.
Il y a onze de cela, Sasha sort en slip, en courant de la petite maison où il vit avec Klara Voranova, à l'écart du village de Toska en Russie. Il enfile son teeshirt, alors que Klara lui demande ce qui lui prend. Il répond qu'il n'arrive pas à penser alors qu'elle lui reproche à peu près tout ce qu'il fait. Les Arbres commencent leur descente à travers l'atmosphère terrestre. Sasha clame qu'il a retrouvé sa liberté et Klara ne peut pas l'obliger à faire quoi que ce soit. Piquée au vif, elle balance ses affaires dehors, en lui disant qu'il n'a qu'à partir pour de bon. Ils ne remarquent ni l'un ni l'autre le cercle d'ombre au centre duquel se trouve Sasha. Il meurt écrasé sous les yeux de Klara. Au temps présent, les Arbres, des cylindres gigantesques perçant les nuages, sont toujours au même endroit, sans aucun signe de vie, sans aucune interaction avec les êtres humains. Klara Voranova est l'officier de police de Toska, avec le grade de sergent pour un village de soixante-trois habitants.
Ce jour, Lev, l'un des deux aides de Klara Voranova, vient tambouriner à sa porte pour l'avertir que le cadavre d'un homme a été retrouvé au pied d'un des Arbres. Elle prend son manteau et son portable et suit Lev qui l'amène vers le cadavre. Lev ne tient pas à revoir le cadavre, et le sergent s'en approche seule. Elle observe le visage, les traces de sang, le manche du couteau qui dépasse de la blessure, l'état des mains. Elle tourne le dos à l'Arbre, elle ne se rend pas compte que les arabesques s'illuminent sur l'Arbre. Tim et Garvil arrivent dans un pick-up avec le robot de police Boris sur le plateau. Ils le déchargent et il se dirige vers le cadavre sur ses trois pattes, pour prélever des échantillons et enlever le corps. Sa tâche effectuée, Boris remonte sur le plateau avec le cadavre, et Klara Voranova donne l'ordre à ses subalternes d'emmener le défunt au docteur Osin. Tim attire son attention sur le fait qu'il ne pourra peut-être pas transmettre les données tout de suite au laboratoire parce qu'une chèvre a dormi sur les panneaux solaires, empêchant la recharge des batteries. Voranova se fait déposer à la gare pour aller parler avec Nina Pankov, la cheffe de gare, et son assistant Mik.
Les épisodes constituant le tome 2 étaient parus en 2015/2016, et les auteurs semblaient avoir laissé tomber cette série, s'associant à nouveau pour réaliser une autre histoire sans aucun rapport Cemetery Beach en 2018/2019. Le lecteur ne croyait plus vraiment au fait qu'ils reviennent à leur série précédente Trees. D'ailleurs, ils marquent bien la différence en ne reprenant pas la numérotation initiale, mais en la présentant comme une minisérie supplémentaire ou à part, intitulée Three Fates. De fait, le lecteur ne retrouve aucun des personnages des 2 tomes précédents, si ce n'est la mystérieuse présence des Arbres, toujours aussi énigmatiques, quasiment dépourvus d'interaction avec les êtres humains, sauf la mort malheureuse de Sasha, d'une horrible manière. S'il vient pour en apprendre plus sur les arbres, le lecteur s'en retrouve pour ses frais : il y a une remarque quant à leur potentiel électromagnétique, peut-être une forme d'amplification d'une charge émotionnelle, mais guère plus. En fait, il pourrait très bien ne pas y avoir d'Arbres, le récit resterait identique, avec la même touche de fantastique. C'est un choix narratif très intrigant : une série dont le titre met en avant ces Arbres, mais dont l'intrigue les limite à un élément de décor à l'interactivité très faible.
Le lecteur retrouve Jason Howard qui est le cocréateur de la série. Il dessine toujours dans une approche descriptive, avec des traits un peu griffés, que ce soit pour les contours ou pour les marques de textures et de relief dans les formes détourées. Ce rendu apporte une impression de quotidien sans joie, de personnages un peu usés par leur environnement et par la banalité de leur vie, ce qui est en phase avec une tout petit village où il ne survient pas grand-chose de nouveau à part l'arrivée du train et les pannes d'électricité ou de réseau satellite. L'artiste renfonce encore cette ambiance avec une palette de couleurs un peu sombres. Il n'utilise des couleurs plus vives que pour le sang et pour les accès de violence, physique ou psychologique. Cela ne rend pas la narration morne pour autant. Howard utilise essentiellement des cases rectangulaires, soit sagement alignées, soit se recouvrant sur une bande d'une faible épaisseur. Lors des dialogues, il évite la monotonie des suites de têtes en train de parler, en préférant des plans poitrine ou des plans taille, permettant de mieux observer le langage corporel des personnages.
Jason Howard met en œuvre une direction d'acteur avec une base naturaliste et prosaïque, et un jeu plus appuyé quand les émotions affleurent, ou quand l'action prend le dessus. Le lecteur voit le flegme un peu résigné de Klara Voranova, l'entrain un peu artificiel de Tim toujours souriant, la tranquillité posée de Nina Pankov du fait de son âge, une soixantaine d'années, la fougue de la jeunesse de Sasha, les gestes réservés du docteur Osin. L'empathie fonctionne bien avec les personnages, car le lecteur perçoit aisément leur état d'esprit. Le scénariste a choisi de situer son récit dans un coin reculé de la Russie, dans un village du sud-ouest de la Macédoine du Nord, situé dans la municipalité de Strouga. Ce village existe vraiment, mais il ne comprenait aucun habitant en 2002. Au fil des pages, le lecteur n'en perçoit que quelques habitations, plutôt espacées, ce qui est cohérent, et lors d'une vue de dessus, il voit la ligne de chemin de fer passer au milieu. Si le texte ne précisait pas que l'action se situe en Russie, le lecteur ne pourrait pas le deviner à partir des dessins, ni par le style des bâtiments ou des tenues vestimentaires, et il n'y a aucune inscription en cyrillique. Néanmoins les planches permettent de se projeter dans chaque endroit. Les différentes petites maisons présentent une apparence plausible, avec une dimension en rapport avec un aussi petit village. Il n'y a que la salle où le docteur Osin effectue son examen post-mortem qui semble de dimensions trop grandes. Klara Voranova se déplace à plusieurs reprises d'une maison à une autre, ou dans la nature environnant le village. Les rues sont bien évidemment sommaires, et les routes également. Les véhicules sont d'un modèle adapté pour circuler dans ce genre de voies. Scénariste et dessinateur ont également eu la bonne idée de faire prendre un vélo à Voranova, ce qui apparaît aussi naturel qu'adapté au vu de cet environnement.
Le lecteur part avec un a priori favorable pour se plonger dans cette histoire, les deux premiers tomes s'étant avérés réussis. Il comprend vite qu'il ne doit pas s'attendre à quelque révélation que ce soit concernant les Arbres, et il se focalise donc sur l'enquête en elle-même. Le scénariste ne met pas en scène une policière aux capacités de déduction extraordinaires : elle progresse un indice après l'autre, surtout favorisée par le fait que le ou les criminels essayent d'avancer plus vite qu'elle pour effacer leurs traces, et commettent des bourdes. Ellis sait faire en sorte que le village semble se contracter, avec une coupure réseau aussi bien téléphonique qu'internet. L'élément surnaturel est très visuel, mais le lecteur peut faire le choix de le prendre au pied de la lettre (l'interaction limitée avec les arbres), ou de l'interpréter comme une émanation de l'inconscient de Klara Voranova. Le pot aux roses s'avère très pragmatique, plutôt plausible. Et voilà. S'il a suivi la carrière de Warren Ellis, le lecteur se dit qu'il a dû passer à côté de quelque chose, que le récit recèle un niveau de compréhension discret et subtil. Il repense à la conversation entre Sasha et Klara, au fait que le premier citait Jean-Paul Sartre (1905-1980), et plus particulièrement l'un des tenants de l'existentialisme, à savoir qu'il appartient à l'individu de s'inventer. Certes, chaque personnage s'est un peu forgé son rôle dans ce village, en fonction des caractéristiques de l'environnement géographique et culturel. Faut-il penser que la présence des arbres a accentué ce phénomène ? Rien ne le laisse supposer. Il repense également à la fin du récit, à cette conviction qu'il faut aller de l'avant, qu'il est impossible de figer quoi que ce soit, et que cet avant se doit de prendre en compte ce que les générations précédentes ont fait, ont été. Il est possible d'y voir une forme de processus du changement, et une nécessité d'acceptation, sans que ce thème ne prenne un sens remarquable, sauf si on l'oppose à l'idée que la vie dans un petit village soit figée, mais ce n'est pas abordé.
Le lecteur attend beaucoup de ce troisième tome de la série, au moins autant que des deux premiers, et peut-être un peu plus du fait qu'il se soit laissé désirer. Il retrouve la narration très agréable de Jason Howard, entraînante et en phase avec le récit. Il retrouve les Arbres qui ne sont pas loin de ne servir à rien, et assiste à une enquête bien troussée, mais sans rien de vraiment remarquable.
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le 11 sept. 2021
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