En 1984 à Vienne, deux jeunes punkettes crête et dreadlocks au vent, désœuvrées de se confectionner des tatouages "anarchie" et de se confronter aux skinheads, décident sur un coup de tête de partir en Italie. Elles s'en vont sans argent, sans bagages, sans papiers et sans interdits.
Mineures, Ulli et Edi sont en quête d'aventures, d'émotions, de rencontres, d'absolu. Elles ne seront pas en reste. Ce récit autobiographique qui démarre sur l'idée d'un trip rigolo se révèle être une descente aux enfers.
C'est avec beaucoup de subtilité et de recul qu'Ulli Lust, aujourd'hui quarantenaire établie à Berlin, revient sur ce séjour itinérant qui devait durer deux mois avec force détails - la bande dessinée est entrecoupée d'extraits de journaux intimes. Malgré la gravité de certaines séquences, l'auteur ne se départit jamais de son ton léger pour lentement - 464 pages - dérouler le cours des événements.
Les deux punkettes vont apprendre à leurs dépens que la liberté se paie au prix de la solitude, de la peur, de la crasse, de la faim et de la violence. Ulli et Edi, dépourvues de tout, sont dépendantes de leur entourage, qui trouve toujours un moyen de le leur faire payer.
Si le voyage commence avec quelques bon plans (un concert des Clash par exemple), la situation va constamment s'enfoncer, jusqu'à aller se frotter à la prostitution, les drogues dures et la mafia.
Servi par une déroutante bichromie verte, un passionnant roman graphique, moins calme qu'il n'en a l'air, sur la violence des rapports hommes/femmes mais aussi sur le passage à l'âge adulte. En somme, une bande dessinée qui triture l'esprit au moins autant que l'héroïne se fait tripoter, mais qui devrait résonner davantage dans les cerveaux féminins.
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