Avant de commencer, quelques explications techniques. Plus qu'un auteur, Go Nagai est avant tout un système, fait de projets multi-supports dont les versions manga ne sont pas systématiquement de son fait, loin s'en faut. Il en devient difficile de saisir son implication réelle, et c'est le cas ici.
Autre point important : même si cette relecture de Goldorak s'éloigne énormément de l'anime que nous connaissons en France, il ne faut pas croire qu'il s'agisse de deux œuvres séparées. Car, concrètement, certains points du manga ne peuvent être compris qu'en connaissant la série TV, car passés trop rapidement et traités comme si les lecteurs savaient déjà de quoi il retournait. Donc si vous n'avez pas vu l'anime, pas la peine de vous attardez sur cette publication.
Ce manga de Goldorak est celui de tous les paradoxes, apportant des nouveautés brillantes mais traitant le tout dans une ambiance comique, voire grotesque, qui décrédibilise nombre d'enjeux pourtant fascinants.
Cela tient en deux choses : le dessin et le traitement. Le trait de Gosaku Ota mise énormément sur les mimiques outrancières et les personnages rabougris, paraissant beaucoup plus jeunes que leur âge réel, pour un résultat qui ne peut que surprendre le spectateur se souvenant du superbe chara-design de l'anime de Tomoharu Katsumata. Une approche qui empêche de prendre trop au sérieux ce qui se déroule sous nos yeux. Et cela va de pair avec le traitement évoqué plus haut, avec des protagonistes aussi immatures que pervers, tellement outranciers qu'il en devient difficile de s'attacher à eux. Et cela vaut aussi pour le héros.
Et c'est d'autant plus dommage que ce Goldorak se montre, dans le même temps, beaucoup moins édulcoré que l'anime, et propose de nombreuses pistes de réflexion parfaitement pertinentes, dont certaines dignes de ce que Go Nagai décrivait dans Devilman. Rien que ça.
Cette fois, la violence est réelle, et le mangaka ne fait rien pour nous cacher les massacres touchant la population civile, pour un résultat forcément choquant, là où la série TV semblait avoir du mal à l'assumer.
Le côté Devilman se ressent à la fois dans sa dénonciation des conflits armés, mais aussi et surtout dans sa vision pessimiste des êtes humains, lesquels n'hésitent pas un seul instant à défendre leur propre intérêt quitte à laisser mourir leurs congénères, ou à s'en prendre à Actarus. Le tout pour se fermer sur une fin d'une noirceur extrême qui serait aujourd'hui inimaginable.
Mais la meilleure idée concerne sans doute le personnage de Horos, présenté comme un écoterroriste avant l'heure, qui souhaite faire disparaitre les humains non pas pour conquérir la planète, mais pour que ces derniers arrêtent de la polluer. L'auteur a tout compris. Ainsi, même si ses méthodes et sa cruauté en font une figure démoniaque, nous pouvons reconnaitre que ses idéaux méritent d'être défendus.
Avec de tels thèmes et une telle noirceur dans le propos, Goldorak devrait être un chef d’œuvre. Mais il rate le coche, la faute à cette impression déplaisante de ne lire qu'un bonus à l'anime, tombant trop souvent dans la farce bien grasse. Un véritable paradoxe ambulant, avec ses moments de grâce - qui justifient de le lire malgré tout, à condition d'apprécier la série TV - et ses lourdeurs.