Quand "La Vision" teste son humanité de beaucoup trop près

Dans le flot de comics qui paraissent chaque semaine en France, on tombe parfois sur une petite pépite. C'est le cas du premier tome de La Vision (éd. Panini Comics) disponible depuis quelques semaines et auréolé de critiques dithyrambiques outre-Atlantique. On vous le confirme, si vous ne devez lire qu'un seul comic paru en 2016, c'est celui-là.


De quoi ça parle ?


Sans surprise, du super-héros qu'on appelle la Vision. Ou plutôt, de la nouvelle famille qu’il s’est créé de toutes pièces après l’échec monumental de son mariage avec la Sorcière rouge. Car ce synthézoïde (une sorte de robot ultracomplexe qui ressemble parfois étrangement à un humain) rougeaud, n’aspire en vérité qu’à une seule chose, mener une vie tranquille et rangée avec femme et enfants.


Désormais représentant des Avengers à la Maison Blanche, la Vision emménage donc dans un pavillon de la banlieue d’Arlington (en Virginie) avec sa femme Virginia (vous l'avez ?) et ses jumeaux Viv et Vin (huhu). Mais en dépit de lourds efforts, cet idéal familial récemment constitué (synthétiquement) va voler en éclats. Pire, il menace la paix dans le monde...


Pourquoi j'adore ?


Parce que, bien que le personnage existe depuis les années 40, c’est la première fois que Marvel se penche vraiment sur l’intimité de ce robot qui, malgré tous ses pouvoirs, ne souhaite qu’une chose : s’humaniser.


Parce qu'on l'oublie souvent mais vouloir vivre comme des êtres humains apporte son lot de problématiques. La famille de la Vision va devoir apprendre à cacher sa vraie nature pour rentrer dans le moule. Il faudra par exemple faire bonne figure auprès de voisins méfiants ou bien aider ses adolescents à s’intégrer dans un milieu scolaire ultraconformiste. Tant de paramètres qui vont à l’encontre de la logique binaire de cette famille de "grille-pains de luxe". Il suffira d'ailleurs d’une seule visite du Moissonneur pour que la machine se grippe et provoque un enchaînement de réactions dévastatrices.


Parce que cette première collaboration entre le scénariste Tom King et Marvel - lui qui est plutôt branché DC et, en ce moment, à fond sur Batman - est une franche réussite. Surtout qu'elle est magnifiée par les dessins épurés de Gabriel Hernandez Walta et la colorisation au poil de Jordie Bellaire (primée aux Eisner Awards). Mention spéciale à la géniale couverture réalisée par Mike Del Mundo qui traduit parfaitement la rupture occasionnée par ce mini run (de seulement deux tomes) dans l’univers Marvel.


Parce que même s'il met au cœur de son récit un super-héros, Tom King nous livre ici une histoire dénuée d’exploits (sauf lorsque la Vision se remémore les 37 fois où il a sauvé la planète). Il n’est ici question que de tracas quotidiens où le seul combat est ordinaire, comme dirait Manu Larcenet. Quelle que soit l'intensité de ses efforts, la Vision restera à jamais un robot qui joue à être un humain. Et qui, trop occupé à sauver le monde, délaisse sa famille au même titre qu'un être de chair.


Parce que ce premier tome de La Vision n’est rien moins qu’une critique violente de l’American way of life, de ses suburbs aseptisées et du conformisme ambiant qui l'étouffe lentement. C'est pas nouveau mais ça fait du bien, surtout quand c’est un grille-pain robot qui nous le fait remarquer.


C’est pour vous si…


Vous êtes un lecteur de BD parfois déçu par la qualité des titres qui mettent en scène les super-héros et aimez les histoires intelligentes, matures, qui font écho à l'actualité de notre monde. Et si vous accordez votre confiance aux traditionnels tops de fin d'année, sachez que La Vision a été classée par de nombreux sites américains parmi les meilleurs comics de l’année 2016. Et puis évidemment, si vous vous demandez toujours ce que vous faites là lors de la traditionnelle fête des Voisins de votre quartier.


Critique publiée sur Pop Up'.

Elodie_Drouard
8
Écrit par

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Créée

le 14 janv. 2017

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Elodie Nelson

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