Ce tome fait suite à Seven to Eternity Tome 1 (épisodes 1 à 4) qu'il faut impérativement avoir lu avant, sous peine de ne strictement rien comprendre. Il comprend les épisodes 5 à 9, initialement parus en 2017, écrits par Rick Remender, et mis en couleurs par Matt Hollingsworth. Jerome Opeña a dessiné et encré les épisodes 5, 6 et 9. Les épisodes 7 & 8 ont été dessinés et encrés par James Harren. Le recueil comprend les couvertures originales d'Opeña, ainsi que les couvertures variantes réalisées par Phil Noto, Rafael Albuquerque, James Harren (*3), Jerome Opeña, Farel Dalrymple, Tradd Moore.
Dans son journal, Adam Osidis a couché ses pensées sur la mort de Patchwork, ainsi que l'absence de nouvelles concernant Drawbridge. Il se console en pensant que leur petit groupe ne s'est pas retrouvé face à Piper depuis leur départ de Fengow. Ils continuent à aller de l'avant tout en se demandant pour quelle raison le roi de la fange ne leur a pas faussé compagnie quand il en a eu l'occasion : cela ne peut que signifier qu'il avait quelque chose à y gagner. Ils poursuivent leur route en silence, personne ne souhaitant évoquer les épines dans leur esprit, ou l'influence corruptrice qu'elles ont sur leur confiance l'un en l'autre. La petite troupe arrive dans la ville de Sussel. Ils y pénètrent alors que le cirque des lutins (sprites) vient d'arriver en ville. Le responsable de la ville indique au cirque qu'ils ne sont pas les bienvenus et qu'ils n'ont pas l'autorisation de s'installer. Le groupe mené par Adam Osidis a également poursuivi sa route : il se trouve sur un étroit chemin de montagne, à flanc de paroi escarpée et verticale. Il se compose d'Adam Osiris, Jevalia, White Lady, Goblin, Spiritbox (général Vellor). Ils parlent entre eux du rôle de la caste des Mosak, de l'identité probable de Spiritbox. Puis Jevalia et Adam Osidis continuent la discussion sous forme de dialogue, évoquant la maladie d'Adam et ses objectifs, peut-être assez égoïstes.
La petite troupe tombe dans une embuscade tendue par la troupe du cirque. La sorcière Penelope se positionne devant leur fourgon et leur lance un sort qui altère leur perception de la réalité, les faisant halluciner. Jevalia éprouve la sensation de se disloquer en petits cylindres. Goblin se retrouve devant un théâtre de marionnettes. White Lady est attaquée par un nuage de ténèbres lui donnant l'impression d'avoir régressé à un stade infantile. Penelope ouvre la porte arrière du fourgon et salue son père Garils Sulm. Les chevaux se sont emballés, sans que Jevalia ne parvienne à les maîtriser. Adam Osidis se tourne pour tirer sur Penelope, mais son fusil se transforme et devient inutilisable. Une roue du fourgon éclate et l'un des chevaux saute dans le vide avec Penelope et Adam Osidis accrochés à lui. Goblin plonge pour prendre la main d'Adam Osidis et le ramener sur le chemin. Osidis coupe la longe du second cheval et le premier chute dans le ravin entraînant Penelope vers une mort certaine. L'attaque est passée : Goblin a pu récupérer le sac d'Osidis qui contient l'armure Mosak de son père Zebadiah. La troupe reprend son chemin pendant une bonne semaine, Adam Osidis ruminant son besoin de se sentir inclus après la lâche exclusion dont a souffert sa famille.
Le lecteur se lance dans ce deuxième tome après avoir révisé le premier pour être sûr de bien situer les personnages et de se rappeler au moins des noms de ceux qui accompagnent Adam Osidis dans son périple pour amener Garils Sulm devant la sorcière Torgga afin de sauver tous les êtres humains qu'il avait mentalement subjugués. Ainsi préparé, il peut apprécier l'intrigue et les dessins. L'enjeu reste simple : amener le terrible Roi Fange devant la sorcière. Le petit groupe progresse cahin-caha tout en sachant qu'ils sont susceptibles d'être attaqués par n'importe quelle faction ayant eu vent de l'identité de leur prisonnier. Mais en fait le danger vient du retour de Piper, ce qui les incite à s'engager dans un Marais habité par des esprits. À la suite, de la traversée du marais, ils se retrouvent scindés en 2 groupes. Sur cette trame assez claire, le scénariste développe des intrigues secondaires comme l'identité de Spiritbox, la maladie d'Adam Osidis, l'intervention de la fille de Garils Sulm (et l'évocation de son fils aîné), la relation de Jevalia avec son frère Lovro Soldam, ou encore l'intervention du mercenaire Dragan et sa grenouille Kisop. Ayant fait l'effort d'assimiler et de retenir la situation des différents personnages dans le premier tome, le lecteur se rend compte que la lecture de celui-ci est beaucoup plus accessible, que ce soit pour reconnaître les protagonistes ou pour identifier les enjeux.
Le lecteur est également impatient de retrouver les dessins délicatement ouvragés de Jerome Opeña : il tique donc un peu en découvrant qu'il n'a dessiné que 3 épisodes sur 5. D'un autre côté, Matt Hollingsworth assure la continuité en réalisant la mise en couleurs de tous les épisodes. Les personnages d'Opeña sont toujours aussi marquants : nombreux et différenciés lors des scènes de foule (arrivée dans la cité de Sussel, et dans la cité céleste), uniques et détaillés pour les personnages principaux. Le lecteur retrouve donc Adam avec sa barbe et sa mine fatiguée, ainsi que ses postures montrant qu'il se sent accablé, Jevalia avec sa morphologie élancée et sa grâce naturelle, White Lady avec son visage caché par un masque et ses mouvements à moitié dissimulés par ses amples vêtements, Garils Sulm toujours massif avec un langage corporel attestant d'une incroyable confiance en lui. Penelope fait des gestes gracieux, ses mouvements étant accompagnés par les ondulations de sa longue queue de cheval et de son ample tunique. Le lecteur prend son temps pour admirer les différentes bêtes de somme, par contre les créatures des marais sont plus classiques.
Le lecteur éprouve vite la sensation que scénariste et artiste se sont bien entendus, et que le premier a conçu des scènes pour faire plaisir au second. L'arrivée du cirque en ville donne lieu à une magnifique case des 2 tiers de la hauteur de la page et de la largeur de la page, dans laquelle les fées virevoltent avec grâce juste au-dessus de la foule. Le guet-apens tendu sur la route en corniche se déroule dans une prise de vue qui coupe le souffle quant au risque de chute spectaculaire, tout en conservant toute sa lisibilité. Jerome Opeña prend grand plaisir à faire patauger ses personnages dans la boue à l'occasion de la traversée du marais. Le combat se déroulant sur la cité céleste est de toute beauté, essentiellement grâce à la mise en couleurs. Le lecteur s'aperçoit rapidement que le dessinateur s'investit de manière très relative dans les décors : il soigne ses arrière-plans le temps de quelques cases dans les villes, mais sans donner une impression générale des lieux, et il n'insiste pas trop sur les détails dès qu'il s'agit d'un décor naturel tout en une bonne idée de leur relief et de leur volumétrie. Le lecteur en ressort à la fois ébloui par les images, à la fois un peu en manque d'un environnement plus consistant.
Lorsqu'il passe aux épisodes 7 & 8, le lecteur se prépare à la différence visuelle d'avec les planches de Jerome Opeña, supposant en son for intérieur que la narration visuelle va marquer le coup. Effectivement les personnages perdent de leur grâce et de leur belle allure, James Harren forçant un peu les traits de contour et les visages. Il constate que les décors sont dessinés avec moins de minutie, mais avec plus de détails, de manière paradoxale ils en deviennent plus consistants car ils sont représentés beaucoup plus régulièrement. De la même manière, les tenues vestimentaires sont moins élégantes, mais tout aussi consistantes et originales, différentes pour chaque personnage. Rapidement, la narration visuelle devient plus agréable que celle des épisodes précédents, parce que plus énergique, plus exotique, et plus homogène dans chaque séquence. James Harren s'avère plus convaincant pour réaliser des environnements solides donnant l'impression de se poursuivre au-delà du cadre de la case, et ses personnages sont plus vivants, même s'ils perdent d'autant en tragique.
L'intrigue se poursuit sans grande surprise : Garils Sulm prend l'ascendant psychologique sur ses geôliers, le groupe se divise en 2 parties, et Adam Osidis prend peu à peu conscience que son dilemme moral se résout mieux avec du pragmatisme qu'en s'arc-boutant sur ses principes. Tout du long du récit, Rick Remender aborde des questions morales essentielles, avec une pertinence qui convainc le lecteur qu'il y a réfléchi pour son propre compte à de nombreuses reprises. Ces réflexions n'arrivent pas comme un cheveu sur la soupe, mais découlent à la fois des événements, de la personnalité des protagonistes, et de leur histoire personnelle. Le lecteur retrouve certains thèmes déjà présents dans le premier tome, s'entremêlant avec de nouvelles thématiques : la nature égoïste de toute motivation, la vengeance, l'envie de survivre mais par le biais de compromission, le principe de sacrifier un individu à ses idéaux (évoquant le sacrifice de Pélops par Tantale), la sûreté avec laquelle un père sait distinguer le bien du mal, le fait que les gens n'aiment pas ce qui est compliqué, la capacité d'un chef de faire croire qu'il est une extension des croyances de ses sujets, la conviction d'agir pour le bien (par exemple pour éviter une catastrophe que l'on tient pour certaine). Rick Remender sait entrelacer ces réflexions à une narration vivante et variée, avec des personnages secondaires savoureux (le mercenaire Dragan et sa grenouille Kisop, une décision faite en se fiant à une épée avec un œil).
Il est facile de faire une moue à la lecture de ce tome 2 pour la prestation critiquable de Jerome Opeña, pour l'intervention d'un autre dessinateur, pour une intrigue linéaire avec peu de surprise, pour le développement de thématiques prévisibles. Il est difficile de considérer cette série comme mineure dans la biographie de Rick Remender parce que les dessins d'Opeña sont toujours aussi élégants, parce que James Harren réalise une narration visuelle plus cohérente et très entraînante, parce que Rick Remender dit des choses pénétrantes et intelligentes.