Ce tome fait suite à Invincible T20: Amis et alliés (épisodes 109 à 114) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 115 à 120, initialement parus en 2014/2015, écrits par Robert Kirkman, dessinés par Ryan Ottley, et mis en couleurs par Jean-François Beaulieu. Cliff Rathburn a encré l'épisode 115, les pages 1 à 7, 9 à 16 et 18 à 20 de l'épisode 116, l'épisode 119, et les pages 4 à 19 de l'épisode 120. Ryan Ottley a encré les pages 8 & 17 de l'épisode 116, les épisodes 117 & 118, les pages 1 à 3 et 20 de l'épisode 120.


À bord de son vaisseau spatial, Thokk (Battle Beast) vient de faire l'amour avec Thresha, et ils sont encore tous les deux couverts de sang pour leur plus grande satisfaction. Alors qu'ils s'apprêtent à remettre le couvert, ils sont interrompus par Space Racer qui les informent qu'ils sont arrivés : le vaisseau se trouve en orbite au-dessus de la planète Thraxa où réside Thragg. Thokk s'empare de deux armes (un marteau de guerre et une lame énorme) et s'élance vers la planète depuis son vaisseau. Il atterrit en créant un énorme cratère et en émerge une arme dans chaque main. Thragg arrive de suite en lui indiquant qu'il a compris que Battle Beast a été envoyé pour le tuer : ça ne lui fait pas très peur, car il l'a déjà battu par le passé. Battle Beast lui répond qu'il ne craint pas l'affrontement : au contraire ce serait un honneur et une délivrance de mourir sous les coups de Thragg. Mais il n'a aucun doute que la victoire ira à lui, Battle Beast. Avant qu'ils n'aient eu le temps d'engager la bataille, des ragnars semblent pleuvoir du ciel, libérés par Thresha. Battle Beast est furieux car les ragnars ne devaient être déployés qu'après sa mort. Thresha lui répond que ce sont les ordres d'Allen l'alien, maintenant président de la coalition. Alors que Thragg et Battle Beast se battent ensemble contre les ragnars, ils sont à nouveau interrompus par l'arrivée des soldats de Thragg qui tirent sur les ragnars.


Sur Terre, Samantha Wilkins et Mark Grayson sont en train de discuter avec William Clockwell et Rick Sheridan, chez ces derniers. William leur explique à quel point la situation de l'humanité a progressé dans le bon sens ces derniers mois. Samantha & Mark expliquent leur manque d'enthousiasme par le fait qu'ils sont préoccupés par leur fille, en particulier lui trouver un prénom. Il faut d'ailleurs qu'ils s'éclipsent pour aller la chercher chez les parents de Samantha. Deborah et Nolan se tiennent devant les ruines de leur pavillon, Nolan estimant que sa destruction lui permet de se convaincre qu'ils vont bien de l'avant, et dans le bon sens. Une voisine sort et avance vers eux : elle reconnaît Deborah et même Nolan, mais ils sont partis avant qu'elle n'ait pu leur parler. Elle les prend pour des fantômes. En volant vers leur nouvelle maison, Mark demande à Samantha comment va sa jambe, ce qui la rend triste. Sur Thraxa, le combat continue de faire rage. Sur Terre, Mark et Samanthe dînent chez les parents de Samantha et avec eux. Samantha n'en revient de constater à quel point ils sont étroits d'esprit et réactionnaires. Une fois couchés, Samantha et Mark pensent à ce qui les attend demain 3 enterrements supplémentaires. Rudolph Conners assiste aux deux premiers.


Comme d'habitude, le lecteur éprouve une grande impatience en entamant un nouveau tome de la série Invincible. Robert Kirkman tisse une tapisserie ouvragée avec un sens de l'équilibre remarquable, dosant à la perfection le fil directeur (la vie de Mark Nolan) avec des intrigues secondaires courant sur quelques épisodes, ou sur plusieurs tomes. Sa narration est d'une clarté exemplaire, ce qui fait que le lecteur n'éprouve jamais aucune difficulté à se souvenir de qui est qui, ou qui en était où. En revanche il peut comprendre que celui qui découvrait un nouvel épisode par mois puisse parfois être laissé sur sa faim. Par exemple, l'épisode 115 est tout entier consacré au combat entre Thragg et Battle Beast, sans être terminé à la dernière page. Ryan Ottley s'en donne à cœur joie du début jusqu'à la fin, avec une narration visuelle aussi fluide que percutante, percutante comme un 5 tonnes en pleine face. La première page montre les trainées de sang sur le corps des amants, rien de gore, juste quelques égratignures, mais on sent que ça a été chaud et primal. La silhouette de Battle Beast émergeant de la poussière du cratère est aussi cliché qu'imposante, avec sa lame mesurant un peu plus que la hauteur de celui qui la manie. Et ce combat !!! Après les préliminaires (éliminer les ragnars et renvoyer les soldats) : ça fait mal. Le lecteur médusé voit Battle Beat s'infliger une blessure à la cuisse pour ne pas profiter de la blessure qu'a subi Thraag et qui n'a pas été infligée par Battle Beast. Le sang commence à couler et à tacher, comme Ottley sait si bien le représenter. L'affrontement est d'une violence inouïe. L'artiste sait varier les découpages de cases en fonction de la direction des coups portés, d'un dessin en double page, à des cases de la hauteur de la page. Et… le lecteur tourne la page et c'est déjà fini. Une attente insupportable en lecture mensuelle, mais propice à relire l'épisode pour mieux en apprécier la furie visuelle.


En plus, les bonnes choses ont peut-être une fin… mais pas tout de suite. Ce combat va se poursuivre, et le lecteur en aura des aperçus à chaque épisode, apportant une touche de violence effarante, à nouveau d'une force visuelle brutale. Une autre source de frustration pour le lecteur mensuel a pu être le délai de parution de 4 mois entre l'épisode 115 et l'épisode 116… que Robert Kirkman n'hésite pas à railler en se moquant de lui-même. En effet au début de l'épisode 117, Mark Grayson va chercher ses comics à sa boutique : 2 ans de parution mise de côté. Mark se moque des séries dans lesquelles le personnage principal est remplacé par un autre sous le costume (un peu comme Kirkman l'avait fait avec Zandale Randolph) et le libraire se plaint des créateurs qui ne sortent pas leur comics en temps et en heure (comme pour le hiatus de 4 mois d'Invincible entre les numéros 155 et 116). Bref, tout est pardonné… surtout pour le lecteur qui lit la série en recueil. Mais voilà la situation reste intenable pour Mark Gayson sur Terre. Il a connu sa plus grande défaite dans le tome précédent et il doit choisir s'il veut prendre la tête de la rébellion ou non, comme lui demande Immortal et D.A. Sinclair. Il y a aussi les répercussions de l'agression d'Anissa, qui pèsent lourdement sur ses relations de couple. Il doit faire face à la différence de points de vue avec son père, ce qui les place en opposition.


Ryan Ottley est également tout feu tout flamme dans ces épisodes. Le lecteur n'en attend pas moins de lui car il compte bien sur un spectacle visuel divertissant digne de son nom. Il pense avoir eu son quota de violence graphique avec l'épisode 115 et c'est loin d'être le cas, avec en particulier une blessure ouverte faisant apparaître la boîte crânienne, et bien d'autres. Il y a un très bref combat (1 page) d'Invincible dans l'épisode 117, contre un robot géant, par un beau ciel bleu. L'autre acte de violence le plus terrible est le poing d'un bébé dans l'œil d'Allen l'alien, un beau moment comique visuel, très réussi. L'artiste se montre tout aussi facétieux que le scénariste pour les moments de la vie de tous les jours des époux Grayson : l'air embarrassé de Mark & Samantha en écoutant William exprimer sa satisfaction de l'amélioration de l'état du monde, les expressions de visage des parents de Samantha, réactionnaires au point d'en être rétrogrades et ramenant tout à eux, Mark se baffrant de nourriture extraterrestre (à la fois drôle et repoussant, avec une mise en couleurs pétante ajoutant au malaise gustatif), et les troubles digestifs qui s'en suivent, et bien sûr l'apparence de la copine d'Oliver Grayson, et la réaction de la petite fille dans le parc, dont Mark a sauvé l'animal de compagnie. Comme à son habitude, Ryan Ottley est tout aussi habile à transcrire les émotions délicates et la peine, par le langage corporel et les expressions de visage.


Ce tome est également l'occasion pour Ryan Ottley de se lâcher avec les décors. La maternité et la nurserie sur la planète Thraxa valent le déplacement. Le lecteur éprouve un pincement au cœur en contemplant les ruines du pavillon des Grayson, lieu qu'il a fréquenté très régulièrement depuis le début de la série, où les personnages ont vécu des moments d'émotion intense. Il aimerait bien pouvoir participer au barbecue organisé par Immortal. Il aimerait tout autant se promener sur Talescria, lorsque les héros s'y retrouvent, pour profiter encore plus du tourisme sur cette planète extraterrestre, et l'appartement de Mark a l'air vraiment très accueillant et aussi bien aménagé que meublé. Même l'hôpital de la capitale est accueillant et le personnel a l'air aussi agréable qu'efficace. La narration visuelle s'avère tellement riche et dépaysante, que le lecteur peut passer à côté d'un discret détail, comme le naturel avec lequel Samantha donne le sein à sa fille, sans aucune connotation graveleuse ou déplacée (sauf la réaction de son père).


Les tomes se suivent, l'histoire se poursuit et la qualité ne montre aucun signe de baisse, au contraire. Pour le lecteur présent depuis le premier tome, il s'agit d'une œuvre extraordinaire, d'une grande richesse sans être difficile à suivre, respectant toujours les conventions du superhéros, mais sans aucune impression de rabâchage, ni même redite par rapport à d'autres comics. À chaque tome, le lecteur éprouve la sensation que Ryan Ottley a encore progressé dans la fluidité de sa narration, la finesse de sa direction d'acteur et le degré de spectacle. Robert Kirkman continue d'aller de l'avant, en continuant de faire évoluer son personnage principal, sans qu'il ne se retrouve noyé ou dépassé par les personnages secondaires, sans que ceux-ci ne manquent de consistance, mariant aventure grand spectacle, combats effroyables, épreuves psychologiques, dilemmes moraux dépassant le clivage Bien/Mal, et réalité de la complexité du monde.

Presence
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le 24 juin 2020

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