Quand l’érotisme flirte avec la science… et la bienséance prend la porte

Avec Le Déclic, tome 1 (1984), Milo Manara, maître incontesté de la sensualité en bande dessinée, livre une œuvre où le corps prend le dessus sur la raison… au sens propre comme au figuré. Ce récit sulfureux, oscillant entre satire sociale et exploration des désirs enfouis, n’est clairement pas destiné à être lu dans le train à côté de mamie. Bienvenue dans un monde où un petit "déclic" suffit à court-circuiter la pudeur.


L’histoire suit Claudia, une femme aussi élégante que froide, mariée à un homme influent. Mais voilà qu’un savant aux intentions douteuses et à la moustache suspecte (comme toujours chez Manara) lui implante un dispositif capable de libérer ses instincts les plus charnels d’une simple pression sur une télécommande. L’élégance raffinée de Claudia cède alors à des pulsions incontrôlables, déclenchant un cocktail d’humour, de malaise et de volupté. Ce n’est ni Madame Bovary, ni Fifty Shades of Grey, mais quelque part entre une farce décomplexée et une critique du carcan bourgeois.


Manara joue ici avec un thème à double tranchant : le contrôle des désirs. À travers Claudia, il interroge, à sa manière, les notions de libre arbitre, de répression sociale et de libération des pulsions. Mais soyons honnêtes, l’histoire reste avant tout un prétexte à dessiner des corps féminins sublimés sous toutes les coutures. Ce n’est pas tant la subtilité du message que la maîtrise du trait qui impressionne.


Visuellement, Milo Manara est au sommet de son art. Ses dessins sont d’une beauté saisissante, chaque courbe est travaillée avec une précision quasi chirurgicale, et chaque planche respire la sensualité. Les décors soignés, l’attention aux détails et le talent de Manara pour capter l’élégance féminine font que même les scènes les plus osées conservent une dimension artistique indéniable.


Cependant, le scénario est loin de tenir toutes ses promesses. L’intrigue, si elle démarre avec une idée provocante et originale, reste assez légère et répétitive. Les situations s’enchaînent selon un schéma assez prévisible : un clic, un dérapage incontrôlé, puis un retour à la case départ. L’humour est présent, notamment dans le contraste entre la dignité de Claudia et ses réactions débridées, mais il manque parfois un peu de finesse pour éviter l’effet "répétition coquine".


On pourra aussi reprocher au récit un traitement des personnages assez caricatural. Claudia, bien qu’étant au centre de l’histoire, reste davantage un objet qu’un sujet, ce qui donne au message sur la libération des pulsions une teinte un peu datée. Mais après tout, c’est aussi le jeu dans ce type d’œuvre où l’érotisme prime sur la complexité psychologique.


En résumé, Le Déclic, tome 1 est un classique de l’érotisme en bande dessinée, porté par le talent graphique exceptionnel de Milo Manara. Si l’intrigue manque de profondeur et de subtilité, l’audace du concept et la beauté des planches suffisent à captiver. Une œuvre qui joue avec le feu, entre satire sociale et plaisir visuel, mais qui laisse parfois le lecteur en quête d’un peu plus de substance… et d’un peu moins de clics.

CinephageAiguise
7

Créée

le 17 déc. 2024

Critique lue 2 fois

Critique lue 2 fois

D'autres avis sur Une femme sous influence - Le Déclic, tome 1

Une femme sous influence - Le Déclic, tome 1
Cinemaniaque
2

Critique de Une femme sous influence - Le Déclic, tome 1 par Cinemaniaque

Mouais... Certes le dessin est joli, les courbes des personnages féminins sont superbes mais... c'est chiant ! Un scénario naze, à peine digne d'un mauvais porno, un érotisme répétitif, des dialogues...

le 9 oct. 2010

8 j'aime

Du même critique

L'Iris blanc - Astérix, tome 40
CinephageAiguise
7

Peace, amour et baffes gauloises

Astérix, c’est un peu comme un banquet chez Abraracourcix : on y revient toujours avec plaisir, même si parfois le sanglier est un peu moins savoureux que d’habitude. Avec L’Iris Blanc, Fabcaro prend...

le 31 janv. 2025

4 j'aime

La Serpe d'or - Astérix, tome 2
CinephageAiguise
7

Quand Astérix et Obélix découvrent Lutèce

Avec La Serpe d’or (1962), René Goscinny et Albert Uderzo emmènent Astérix et Obélix dans leur première grande aventure hors du village, direction Lutèce. L’occasion de découvrir que les Gaulois ne...

le 20 déc. 2024

4 j'aime