Une métamorphose iranienne, c’est un peu comme si Kafka avait pris un thé avec Mana Neyestani à Téhéran : absurde, terrifiant, et étrangement poétique. Cette autobiographie graphique nous plonge dans les méandres d’un système judiciaire kafkaïen – littéralement – où un simple dessin devient le point de départ d’un cauchemar.


Mana Neyestani raconte son propre calvaire après avoir été arrêté pour une caricature jugée offensante en Iran. Ce n’est pas seulement un récit, mais une descente dans un labyrinthe bureaucratique et oppressant, où la liberté semble toujours à portée de main mais jamais accessible. Ce qui frappe, c’est la manière dont Neyestani capte l’absurde avec une précision glaçante. Son récit est à la fois terrifiant et teinté d’un humour noir qui agit comme une soupape face à l’angoisse.


Visuellement, le style est simple, presque dépouillé, mais d’une efficacité redoutable. Les traits précis et les aplats de noir et blanc servent à amplifier le poids émotionnel de chaque scène. Les moments de pure absurdité – où des métaphores visuelles viennent représenter l’oppression ou la paranoïa – donnent une dimension onirique au récit, tout en renforçant son impact.


Neyestani excelle à nous faire ressentir l’étau qui se resserre autour de lui. Chaque case transpire l’angoisse, chaque page te plonge un peu plus dans ce tourbillon de peur et d’impuissance. Et pourtant, au milieu de tout ça, il y a une humanité palpable, un regard lucide sur son propre sort qui empêche le récit de sombrer dans le désespoir total.


Cependant, Une métamorphose iranienne n’est pas une lecture facile. Le sujet est lourd, et la répétition de l’absurde peut devenir éprouvante pour le lecteur, tout comme elle l’est pour Neyestani lui-même. Mais c’est précisément ce qui rend l’œuvre si percutante : elle ne cherche pas à adoucir la réalité, mais à la montrer telle qu’elle est.


Le seul petit défaut qu’on pourrait pointer, c’est que certains passages, bien qu’intenses, semblent un peu longs. Cette lenteur participe à l’immersion, mais elle pourrait décourager ceux qui s’attendent à un rythme plus soutenu.


En résumé : Une métamorphose iranienne est une plongée brillante et troublante dans un système oppressif, portée par un dessin qui transcende l’autobiographie pour devenir universel. Un témoignage fort, à la fois intime et politique, qui laisse un goût amer mais nécessaire. Une œuvre à lire pour comprendre, ressentir… et ne jamais oublier.

CinephageAiguise
8

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le 22 nov. 2024

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