Critique de Une petite mort par Ohouwen
Des fois dans les magasins Noz, on trouve de ces trucs qu'on oubli pas !
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le 28 sept. 2010
En 1991, à la surprise générale, Alan Moore et Oscar Zarate créent une bande dessinée qui est publiée par Victor Gollancz, un éditeur anglais renommé ayant dans son catalogue des écrivains comme Arthur Clarke, Terry Pratchet, William Gibson parmi tant d'autres. Alan Moore a décidé de se lancer dans le roman existentialiste, sans s'appuyer sur des superhéros ou des péripéties appartenant au genre de l'aventure pour adolescents. Il ne s'agit pas d'une adaptation d'un texte en prose d'Alan Moore, mais bien d'une bande dessinée originale.
Timothy Hole est un homme d'une quarantaine d'années qui a connu une rapide ascension dans la société. Il est concepteur de publicités et il vient de décrocher une mission de rêves : concevoir la prochaine campagne de Flite (une version fictive de Coca Cola) pour l'URSS (qui existait encore en 1991). Avant de se rendre à Moscou, il a choisi de faire un retour dans le passé en se rendant en Angleterre, sa terre natale. Un soir de déprime passagère, il manque d'écraser un jeune garçon qu'il va recroiser dans les endroits inattendus. Le récit met en parallèle le voyage de retour en Angleterre et les retours dans le passé au cours desquels le héros se souvient d'expériences structurantes dans sa vie.
Les illustrations d'Oscar Zarate sont de toute beauté. Alan Moore a été dénicher un collaborateur qui n'appartient pas au monde des comics américains ou des bandes dessinées anglaises pour bien marquer la rupture d'avec ses travaux antérieurs tous frappés du sceau infamant de la littérature de genre. Zarate a recours à un mélange de gouaches, d'aquarelles et de pastels. Il conçoit ses cases de manière à exprimer les émotions dont le héros est l'objet. Il n'hésite pas utiliser des couleurs criardes ou au contraire éteintes pour transmettre l'état d'esprit de Timothy. Il insère avec parcimonie quelques éléments non figuratifs ou des déformations de décors pour traduire la vision empreinte de subjectivité du personnage principal. Il s'agit d'illustrations sophistiquées canalisées dans un style mûrement réfléchi qui s'adressent à un lecteur adulte. À l'évidence, l'amateur de superhéros n'y trouvera pas son content. Même si leurs styles sont très différents, on peut comparer cette démarche graphique à celle effectuée par Eddie Campbell pour From Hell.
De son coté, Alan Moore s'en sort moins bien que l'illustrateur. Il a choisi une trame très classique dans les romans : la recherche des bouleversements affectifs qui conduisent un individu à un état de mal être. Ces histoires d'analyse thérapeutique ne sont pas vouées à l'échec a priori, mais elles requièrent un savoir faire, un doigté et une structure sophistiquée pour pouvoir supporter le format de la bande dessinée et pour être chose qu'une redite inutile et fade d'excellents romans. Et là, Alan Moore n'est visiblement pas à l'aise dans une forme dont il ne maîtrise pas les codes. En particulier l'utilisation du petit garçon est cousue de fil blanc dès sa première apparition. Et même pour un inconditionnel d'Alan Moore comme moi, cette ficelle est trop grosse et gâche fortement le plaisir de la lecture. Au final, cette histoire n'est pas désagréable, elle juste très en dessous des autres chefs d'oeuvre du maître. Alan Moore s'est heurté aux mêmes écueils que Philip K. Dick quand il avait voulu abandonner la littérature de genre (avec Confessions d'un barjo, par exemple). Il commet des erreurs de romancier débutant et il donne une forme maladroite à une histoire qui en devient banale et convenue.
Créée
le 27 août 2019
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