Les limites du fantasme de Vivès

J'ai adoré et détesté cette BD.

Adoré, car le dessin, le cadrage et la mise en page de Vivès sont comme toujours un plaisir. Il démontre une nouvelle fois dans cet album sa maîtrise et en trois coup de crayon il réussit magnifiquement à rendre désirable n'importe quel personnage. C'en est presque prétentieux sur certaines pages. Et comme pour "Dans mes yeux", Vivès a l'art de nous faire adorer un personnage féminin et de tomber amoureux de lui en même temps que le personnage principal (souvent le double de l'auteur).

Détesté, car l'hyper-sexualisation d'une gamine de 16 ans est quand même problématique. Et j'en ai juste marre du regard libidineux des auteurs masculins qui transpire sur toutes les pages. Le personnage d'Hélène est constamment à poil, ses seins et ses fesses sont exagérés pour une adolescente de son âge et elle ne parle que de sexe. Son attitude avec le héros de 13 ans est juste poussée à l'extrême, et en est même ridicule. Et c'est dommage, car elle est beaucoup plus séduisante dans les passages où l'auteur se concentre uniquement sur son regard et sa manière nonchalante de se comporter avec les autres. Mais Vivès veut du cul, constamment, et en montre constamment. Son histoire perd en intensité à mesure qu'il s'embourbe dans ses propres fantasmes.

On comprend très vite que Vivès se fait plaisir avec cette histoire. Que ce petit garçon de 13 ans vit ce qu'il aurait lui-même adorer vivre. Dessiner une adolescence fantasmée, c'est sympa, mais pitié, il faut renouveler les points de vue dans le monde de la BD. A quand une BD qui prendra le point de vue d'une jeune fille comme Hélène? A quand une BD qui donnera la parole à des adolescentes en évitant de les sexualiser sur toutes les cases? Eh oui, je sais il y en a quelques-unes, mais elles sont rares. Et surtout, elles ont largement moins de succès qu'une BD comme celle de Vivès...

Vivès a du talent, mais le regard masculin et sans recul qu'il porte sur ses personnages féminins limite la portée de son travail.