Une vie de souffrance s’annonce comme le premier véritable virage de Walking Dead, celui qu’on peut rater, ou utiliser pour prendre de la vitesse. Les sept premiers volumes ont mis en place et fermé un contexte général, posé les grands thèmes de la série, permis de situer les personnages les uns vis-à-vis des autres et proposé un méchant ancré dans la tradition des comics, qui vaut ce qu’il vaut mais constitue un réel danger pour les héros : il s’agit maintenant de prendre une direction.
Inutile de dire qu’on s’attendait à un bain de sang… On l’a. Aucun volume – en tout cas avant celui-ci – ne compte plus de morts. En trois vagues : l’assaut sur la prison, repoussé ; la contre-attaque de Michonne et Tyreese, meurtrière à plusieurs égards ; l’assaut final sur la prison, qui annihile tout. Comme dans l’Iliade, on meurt sous toutes les formes dans Une vie de souffrance : en héros, anonymement, d’une balle perdue, par la force des choses, cruellement ou sans panache…
Alors que les deux albums précédents tournaient principalement autour d’une psychologie de bazar, on notera que celui-ci s’en tire bien mieux : ici, c’est dans l’action que la psychologie des personnages prend de l’épaisseur et de la cohérence. Chaque harangue du Gouverneur à son peuple, par exemple, ressemblait précédemment à un discours ordinaire de dictateur démagogue – du pain et des jeux, notre peuple est menacé par des fous qu’il faut exterminer, tout ça, tout ça. Dans Une vie de souffrance, il devient clair qu’il croit lui-même à ses mensonges : il ne s’agit plus de manipulation, mais de folie.
C’est d’ailleurs dès ce moment que la mort du chef de Woodbury est écrite. Et ce sera une bonne idée que de le faire mourir de la main d’une anonyme, d’une mort de chien – ou d’une mort mussolinienne, c’est selon, et ça revient sans doute au même.
Ce huitième volume marque donc la fin d’un cycle. Quelques planches, d’ailleurs, sont reprises telles quelles des tomes 6 (comparer la page 5 avec la page 68 de Vengeance) et 7 (les pages 28-30 avec les pages 136-138 de Dans l’œil du cyclone), proposant des flash-backs finalement assez rares dans la série. Quant à la fin d’Une vie de souffrance, elle est entièrement ouverte : l’essentiel de ce que les personnages principaux avaient réussi à bâtir jusque là doit être reconstruit.
L’Iliade est finie, passons à l’Odyssée. À mon sens, c’est bien celui-là, le fameux « album de transition ».
Critique du volume 7 ici, du 9 là.