Ce tome fait suite à Usagi Yojimbo T29 (épisodes 139 à 144) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, même s'il est incompréhensible de ne pas avoir lu tous les tomes de la série quand on y a goûté une fois. Il comprend les épisodes 145 à 151, initialement parus en 2015, écrits, dessinés, encrés et lettrés par Stan Sakai. Cette série est en noir & blanc. Ce tome (version VO) s'ouvre avec une introduction rédigée par Naomi Hirahara, un auteur de roman policier.
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- Épisodes 145 à 147 - Dans une ville, de nuit, une voleuse s'introduit subrepticement dans la maison du riche marchand Inouye, au nez et à la barbe des gardes qui patrouillent le long de l'enceinte. Elle pénètre dans la bâtisse principale, et dans la salle où ont entreposés les objets précieux. Alors qu'elle vient de forcer la serrure d'un coffre dont le contenu semble prometteur, elle entend un bruit dans la pièce d'à côté. Elle se croit découverte, mais elle tombe nez-à-nez avec une femme ninja également en train de voler un objet, un rouleau de parchemin en l'occurrence. Avant d'avoir pu s'entendre pour repartir chacune de leur côté, elles sont découvertes. Kitsune s'enfuit en ayant subrepticement subtilisé le rouleau, sans que Chizu s'en aperçoive. Elle réussit à franchir le mur d'enceinte et retrouve sa protégée Kiyoko en train de discuter avec Miyamoto Usagi.
Le lecteur découvre une entame composée de l'infiltration feutrée de la voleuse dans la maison, presque muette, les dessins racontant l'histoire, en se demandant bien de quoi il retourne. En effet, Stan Sakai décrit Kitsune en pleine action sans donner d'indice sur son identité au départ. Il raconte une histoire assez sombre, puisqu'il est question d'un document prouvant une entente pour monopoliser le commerce de ginseng, au profit du seigneur Hikiji, despote politique récurrent de la série. Usagi et Chizu vont devoir occire de nombreux hommes de main pour pouvoir garder le dessus, et ces derniers meurent passés au fil de l'épée, comme autant de chair à canon envoyés à la mort sans sourciller par leur employeur. Comme à son habitude, Stan Sakai évite de représenter les plaies et les blessures, mais le nombre de morts finit par peser, ainsi que le visage grave d'Usagi et de Chizu.
L'auteur utilise les conventions habituelles des récits d'aventure et des feuilletons : rencontres fortuites et coïncidences bien opportunes, prouesses au combat des héros, et inefficacité atterrante des hommes de main. Il raconte une intrigue à base de vol et de récupération de cet objet volé, preuve incriminante d'un complot. Chizu et Usagi se montrent assez intenses, très focalisés sur leur mission, sans sourire. Kiyoko n'a pas droit à beaucoup de cases, et est reléguée à l'arrière-plan n'apportant pas de sourire par sa bonne humeur. Néanmoins Sakai entrelace cette aventure sanglante, avec la franche inimitié immédiate entre Chizu et Kitsune. Cette dernière conserve son caractère enjoué et insouciant. Elle vit comme elle l'a toujours fait, en s'appropriant le bien d'autrui, sans penser aux conséquences de ces actes pour les individus ainsi volés. Mais dans ces épisodes, elle apparaît comme une personne irresponsable, au regard du degré d'implication de Chizu motivée par des valeurs politiques, et du degré de responsabilité d'Usagi. De ce fait, le lecteur ne peut pas prendre fait et cause pour Kitsune, et a bien du mal à rentrer dans la comédie de situation mettant en scène l'inimitié comique entre elle et Chizu. Le décalage est trop important avec le ton sérieux du reste, et les 2 femmes semblent être en train de surjouer sur un mode enfantin avec une exagération de leurs émotions qui détonne par rapport à l'intrigue.
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- Épisode 148 - Miyamoto Usagi pénètre dans un restaurant et remarque un autre rônin attablé qui le regarde d'un air dur. Alors que l'autre s'en va, Usagi constate qu'il lui manque la main droite, remplacée par un moignon en bois. Après avoir fini son repas, il reprend la route et tombe sur Mizuna Takashi (le rônin manchot) victime d'une embuscade. Après le combat, ce dernier lui explique comment il a perdu sa main à l'issue d'un duel avec Te.
Le ton reste sombre pour cette deuxième histoire. Le lecteur est toujours autant surpris de constater que, passée la première page, il oublie totalement que les personnages n'ont que 4 doigts à chaque main, et qu'ils ont des visages évoquant vaguement des animaux, pas toujours reconnaissables. La complémentarité entre dessins et dialogues est impeccable, sans redondance, les dessins montrant clairement ce qui se passe. Les expressions des visages sont parfois un peu appuyées, mais elles transcrivent clairement la surprise ou la douleur éprouvée par les protagonistes. Les décors sont soignés, et le lecteur se projette bien volontiers et avec aisance à cette époque, dans cette région du monde. Le récit propose une vengeance opiniâtre de Mizuna Takashi à l'encontre de Te. L'intrigue se déroule de la manière dont s'y attend le lecteur, avec l'ajout d'un personnage organisant des paris pour rentabiliser des combats où des individus trouvent la mort, ou finissent estropiés. La dernière réplique révèle une motivation inattendue rendant le récit encore plus sombre, cueillant le lecteur qui pensait avoir tout anticipé.
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- Épisode 149 - En train de marcher dans l'artère principale d'une ville, Miyamoto Usagi s'écarte pour laisser passer un groupe d'individus armés, assurant la garde d'un palanquin. Il poursuit son chemin et retrouve cet équipage en dehors de la ville, alors qu'ils sont attaqués par un autre groupe d'individus armés. Il ne reste qu'un survivant : Yoshi qui révèle à Usagi la nature de l'objet précieux contenu dans le palanquin. Usagi accepte de l'aider à convoyer cet objet jusqu'à son destinataire.
Ce n'est pas la première fois qu'Usagi se retrouve à prêter assistance à des hommes chargés de convoyer un bien précieux, ou une personne de marque. La dernière fois, il s'agissait d'un bloc de glace. Cependant rien ne pouvait le préparer à la nature du bien précieux. Stan Sakai déroule son histoire comme le lecteur s'y attend, avec une nouvelle attaque dont les dessins montrent la férocité et la détermination. Comme à chaque fois, les scènes d'affrontement physique ou de bataille ne se réduisent pas à un point de passage obligé. Il s'agit d'un aspect essentiel de la narration pour l'auteur, car Usagi est un rônin, et donc un maître bretteur. Même si les blessures ne sont pas représentées et le sang n'apparaît pas, le lecteur ressent la sauvagerie des assaillants, il voit les combattants tomber après avoir été tués. Ces représentations sont édulcorées, mais pas innocentes, encore moins du remplissage pour atteindre le quota d'action.
Quant à l'art du suiseki, Stan Sakai indique au travers de son histoire qu'aucune œuvre d'art ne justifie qu'on lui sacrifie une vie humaine ou plusieurs, et que les collectionneurs ne sont pas forcément très éclairés. Le lecteur occidental abonde forcément dans son sens en découvrant la nature de cet art, et se trouve fortement tenté de se moquer du destinataire. Il se retient quand même parce qu'il est étonné que l'auteur raille aussi ouvertement un individu, ce qui n'est pas dans ses habitudes. Cela l'amène alors à remettre en cause la manière dont il envisage l'art, et les œuvres matérielles dans lesquelles il s'incarne, soit un bel effet pour une simple histoire de lapin samouraï de 24 pages.
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- Épisode 150 - Le seigneur Odo accueille dans son entourage l'étranger Rodriguez, épéiste espagnol qui n'hésite pas à affronter des samouraïs avec son fleuret. Ayant remporté une victoire, il demande au seigneur Odo, comme récompense, que son maître du thé Nobu commette un seppuku. Le seigneur Odo ayant donné sa parole, il se voit contraint d'accéder à la requête de Rodriguez, et envoie chercher Nobu alors qu'il prend le thé avec Usagi.
Cette histoire prend le lecteur par surprise, l'auteur mettant en scène un des rares étrangers autorisés à séjourner sur l'île du Japon à cette époque. Il lui donne une tête de personne fourbe et agressive, et un comportement manipulateur et égoïste. Il s'agit d'une histoire très cruelle, dans laquelle un étranger utilise le code de l'honneur des japonais contre eux. Les dessins opposent le rituel paisible du la cérémonie du thé, avec le comportement méprisable de Rodriguez. Stan Sakai raconte à nouveau une histoire de vengeance dans laquelle Usagi n'hésite pas à se mettre en danger sous l'effet de la colère provoquée par l'injustice du sort de Nobu. À nouveau c'est un récit noir et adulte, qui laisse un goût amer dans la bouche du lecteur.
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- Épisode 151 - Lors de ses vagabondages, Miyamoto Usagi aperçoit un palanquin dans une clairière, avec de nombreux cadavres autour. En écartant le rideau, il découvre Haruko, une jeune femme saine et sauve dans le palanquin. Elle lui explique qu'elle était escortée par des gardes employés par son père, pour se rendre à la ville voisine, afin de rencontrer Eiji, son futur époux. Ce mariage devait sceller l'alliance de son père avec le propriétaire de la distillerie de saké de la ville voisine.
Le dernier épisode de ce tome se présente sous la forme d'une histoire d'amour devant surmonter l'obstacle d'un mariage arrangé et d'un autre alcoolier souhaitant empêcher l'alliance de 2 de ses concurrents. Les dessins font apparaître la jeunesse d'Haruko, par comparaison avec le comportement plus assuré d'Usagi. Le lecteur se projette sans difficulté sur le chemin traversant cette forêt, puis dans la maison au milieu des bois. Le jeu d'acteurs transcrit les états d'esprit des personnages avec naturel, ainsi que le déroulement des actions. Le lecteur se doute bien de qui a commandité l'assassinat d'Haruko, mais à nouveau en seulement 24 pages, Stan Sakai raconte un drame en sachant donner vie aux protagonistes et ainsi impliquer émotionnellement le lecteur.