Ce tome contient les épisodes 46 à 52, initialement parus en 2001, écrits, dessinés et encrés par Stan Sakai. Ces épisodes sont en noir & blanc. Ce tome bénéficie d'une introduction de Scott Shaw!, un scénariste et dessinateur de comics (par exemple Captain Carrot & his amazing zoo crew), et un animateur dans l'industrie des dessins animés.


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- Épisodes 46 & 47 – Usagi Yojimbo et Murakami Gennosuke (surnommé Gen) viennent de faire leurs adieux au prêtre Sanshobo, et voyagent ensemble sur la route. Il arrive à une ville où règnent 2 gangs opposés. Usagi propose à Gennosuke de gagner un peu d'argent en se faisant embaucher chacun comme samouraï dans un clan opposé, pour également les mettre hors d'état de nuire. Gennosuke ne peut pas résister à la possibilité de renflouer sa bourse.


Stan Sakai s'amuse avec une histoire de guerre des clans, dans laquelle Usagi et Gen viennent faire les chiens dans un jeu de quilles. Cela commence par Usagi décidant d'aider la ville à se débarrasser de ces individus qui font régner leur loi par la force. Il y a donc un stratagème pour aboutir un règlement de compte au final. Le scénariste pimente un peu la situation avec un policier corrompu qui sert également de balance. L'intrigue débouche sur une résolution prévisible.


L'auteur donne de la consistance à l'intrigue par le biais des personnages. Il y a cette amitié un peu bourrue entre Gen et Usagi. Elles se matérialisent par des petits détails comme Gen se moquant d'Usagiqui s'est enfoncé une épine dans le pied chemin faisant, ou par la réticence de Gen à expliquer ce qu'il a fait de son argent, ou encore par le fait que Gen n'a pas la fibre altruiste d'Usagi.


D'un point de vue visuel, le lecteur apprécie toujours autant de pouvoir se promener aux côtés des personnages dans une ville à la reconstitution intelligente, même si le rendu n'en est pas photographique. Il éprouve la sensation de marcher dans ces rues en terre, au milieu d'habitations à 1 étage, en côtoyant des individus vêtus de kimonos aux motifs divers. Il y a également des moments visuels mémorables : Gen se moquant d'Usagi avec son épine, le jeu d'acteur du policier corrompu (sous les traits d'une fouine anthropomorphe), ou encore l'attitude de commandement des 2 chefs de gangs. Gen et Usagi sont magnifiques lorsqu'ils adoptent une posture de dur à cuire, chacun pour impressionner un gang de leur côté.


Cette première histoire utilise les conventions du récit où un étranger arrive en ville pour y remettre de l'ordre, tout en mettant en valeur les 2 personnages principaux. 5 étoiles pour un récit de genre bien maîtrisé (avec en prime la première apparition du samouraï Shizukiri).


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- Épisode 48 - Kashira Chizu se présente devant le seigneur Hebi pour rendre compte de ses agissements et de ceux de son clan de ninjas Neko. Mais Kagemaru, son second dans le clan Neko, l'a devancée.


Stan Sakai met à profit le fait qu'il est seul maître à bord de sa série, pour consacrer un épisode à Kashira Chizu, une femme, cheffe du clan ninja Neko. Bien sûr, le choix des personnages sous forme d'animaux anthropomorphes donne une apparence simpliste et dédramatisée au récit, le rendant accessible aux lecteurs de tout âge. Le choix d'un énorme serpent pour le seigneur Hebi indique clairement qu'il est à ranger parmi les méchants.


Mais en découvrant le récit, le lecteur constate qu'il est question de politique, de rendre des comptes à son employeur, de convictions, d'arrivisme et d'ambition. Au travers de la jeune ninja Kimi, il est également question de valeurs, de questionnement de l'autorité. Finalement ce simple épisode met en jeu beaucoup plus que des animaux à l'apparence inoffensive. Par contre il ne révèle sa saveur qu'aux lecteurs qui ont suivi la série sur le long cours.


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- Épisode 49 - Dans un village, 3 individus évoquent à tour de rôle leur rencontre avec Miyamoto Usagi, dont une anecdote au cours de laquelle il s'est retrouvé à combattre des hommes de main, en utilisant des poissons et une pieuvre.


Stan Sakai se sert du dispositif narratif où un interlocuteur non visible interroge plusieurs personnes qui évoquent le personnage principal. Pour la première anecdote, il reprend une trame déjà utilisée dans un tome précédent (le convoyage d'une forte somme qui attire les convoitises), et pour la troisième le comportement d'Usagi dissuade un apprenti bandit de grand chemin. À nouveau, la manière de raconter l'histoire confère un minimum de personnalité à celui qui la raconte, au travers de son point de vue et de l'incidence des actions d'Usagi sur son propre comportement.


Dans l'histoire médiane, Miyamoto Usagi aide un poissonnier à se défendre contre un voleur à la tire, ce qui aboutit à une bagarre dans laquelle Usagi manie des poissons pour donner des baffes à ses opposants. Scott Shaw y fait directement référence dans son introduction, où il explique qu'il collectionne toute sorte de comics sortant des sentiers battus avec une catégorie spéciale pour les combats à coup de poisson. Stan Sakai dessine cette partie au premier degré, avec quand même quelques petits symboles pour introduire un effet de dérision.


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- Histoire courte (6 pages) – Katsuichi raconte un conte à Miyamoto Musashi encore enfant, celui d'un homme dont la hache est tombée dans un étang glacé, et qui a réveillé un kami.


Cette courte histoire repose sur le mentor donnant une leçon à son élève par le biais d'une histoire. Stan Sakai ajoute un degré de sophistication dans sa narration car le jeune Miyamoto essaye d'anticiper la chute pour montrer qu'il est un bon élève et plus futé que ne le pense son maître. La chute retourne la situation avec habileté. La narration visuelle est impeccable qu'il s'agisse du comportement un peu apeuré du paysan devant le kami, du visage plein d'entrain de Miyamoto, ou de celui fermé de Katsuichi, un peu agacé par le manque de sérieux de son élève.


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- Épisodes 50 & 51 The shrouded Moon – Dans une ville de moyenne importance, Kitsune (une voleuse) a dérobé une amulette en forme de petit crabe en ivoire. Il se trouve qu'il s'agit du porte bonheur d'un puissant chef de gang et qu'elle se retrouve la cible de ses hommes de main. Fort heureusement Miyamoto Musashi et Murakami Gennosuke viennent à passer par cette ville.


Une nouvelle fois, Gen et Usagi se retrouvent dans une ville sous la coupe d'un gang bien organisé. Stan Sakai concocte une intrigue mêlant enquête (qui est le mystérieux commanditaire de Kitsune ?), suspense (comment libérer Kitsune ?) et quelques passes d'armes (toujours avec ce rendu inoffensif, sans sang, sans blessures, mais avec les rictus caricaturaux). Néanmoins le personnage de Kitsune apporte une ambiguïté par rapport à Usagi. Cette femme vit de larcins, sans remords, sans volonté d'amender son mode de vie, sans projet plus stable. Elle dispose d'un caractère enjoué et facétieux, et elle joue avec les sentiments d'Usagi. À nouveau le comportement des personnages dépasse les apparences inoffensives, pour une comédie humaine à base de sentiments complexes.


Stan Sakai réalise une superbe séquence d'ouverture centrée sur Kitsune qui se promène dans la rue, repère une victime, lui vole sa bourse et échappe à ses poursuivants. Le lecteur peut voir le plaisir que prend cette femme (une renarde anthropomorphe) à réaliser son larcin, et à improviser pour semer les hommes de main. Le découpage est très vivant, avec une pleine page pour montrer la foule vue du ciel, puis 5 cases de la largeur de la page pour montrer Kitsune en phase d'observation. Enfin les 4 pages de course-poursuite sont réglées comme du papier à musique, avec un grand sens du rythme.


Le deuxième épisode apporte une autre forme de divertissement visuel. La fourrure d'Usagi est imprégnée de teinture verte. Bien évidement la couleur n'apparaît dans ces pages en noir & blanc. Par contre l'artiste montre que les poils d'Usagi sont plus hirsutes et collants que d'habitude ce qui lui confère une apparence plus menaçante.


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- Épisode 52 Kitsune's tale – Alors que Musashi a poursuivi ses pérégrinations de son côté, Gennosuke continue de faire route avec Kistune. Il se fait dérober sa bourse par Kiyoko une enfant qu'il réussit à attraper. Kitsune lui demande de la laisser partir. Arrivés à leur étape suivante, elle lui raconte son enfance, et sa rencontre avec Sachiko qui lui a appris les ficelles du métier de voleuse.


À nouveau, Stan Sakai peut s'offrir un épisode dans lequel Miyamoto Usagi n'apparaît pas du tout. Le lecteur retrouve avec grand plaisir cette femme étonnante qu'est Kitsune, et qui tient tête à Gennosuke sans difficulté. Il découvre son histoire personnelle qui met en évidence la dimension arbitraire de la vie d'un individu à cette époque, et l'absence de protection de l'enfance. Le lecteur peut à nouveau apprécier le parti pris graphique simplifié de l'artiste qui évite au récit de tomber dans le misérabilisme, alors que les épreuves subies par Kitsune sont terribles dans leur caractère plausible.


La narration visuelle de Sakai se place au niveau de Kitsune y compris quand elle n'est encore qu'une enfant. Le lecteur voit donc les agissements des adultes par le biais du regard d'une enfant, ce qui rend encore plus abject leurs trahisons et leurs motivations


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Ce seizième tome constitue la preuve manifeste de la diversité de l'écriture de Stan Sakai, tant du point de vue des intrigues, que de la création et du développement de personnages. Il sait aussi bien créer de courtes histoires indépendantes, que prouver qu'il n'y a pas de personnage secondaire dans ses récits (tous sont intéressants), que développer des intrigues secondaires, ou encore aborder des thèmes adultes, avec une narration visuelle qui reste accessible aux lecteurs de tout âge.

Presence
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le 7 juil. 2019

Critique lue 85 fois

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