Ce tome contient les épisodes 53 à 60, initialement parus en 2002, écrits, dessinés et encrés par Stan Sakai. Ces épisodes sont en noir & blanc.
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- Vendetta (épisode 53) - Arrivant dans un village, Miyamoto Usagi assiste à un duel entre un samouraï portant un bandeau sur lequel est marqué Vengeance, contre ce qui semble être un brigand. Koyama Matabei s'est lancé dans une quête pour venger la mort de son père assassiné par 4 rônins sous l'influence de l'alcool.
Sous un certain angle, le lecteur se dit qu'il est en terrain familier : un nouveau village sans nom, un samouraï cherchant à venger son père, un bout de chemin fait ensemble par Usagi et Matabei. Sous un autre angle, il se dit que le scénariste utilise les conventions habituelles du chanbara pour un récit de vengeance, une variation inédite jusqu'alors dans la série. Il est donc question d'honneur, et d'une mission à laquelle Koyoma Matabei a sacrifié sa vie. Ce samouraï consacre chacun de ses jours à chercher les assassins de son père, à les poursuivre et à mettre sa vie en danger pour les tuer.
Dans un premier temps, Usagi n'est qu'un spectateur, puis il accompagne et aide Matabei. Le lecteur apprend qu'à l'époque le shogun pouvait écrire une lettre de passage pour autoriser ce genre de vengeance. Arrivé à l'issue de cet épisode, le lecteur comprend qu'il s'agit d'un prologue pour mettre en place le duel contre le quatrième rônin qui ne viendra pas tout de suite, mais sûrement dans un futur épisode.
Comme d'habitude, le lecteur apprécie la mise en scène de Stan Sakai : aérée, avec un bon sens de la profondeur, et une bonne gestion de l'espace, assurant une lisibilité parfaite à chaque scène. Comme d'habitude, il regrette le choix de l'auteur d'édulcorer la violence, en ne représentant ni les blessures, ni les plaies. D'un côté, ça permet que cette série reste tout public. De l'autre côté, ça diminue l'impact de la pratique du sabre dont le seul but est de donner la mort à son adversaire. Koyoma Matabei bénéficie d'une morphologie et d'une prestance remarquable, imposant sa présence dans chaque scène.
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- The return of Lone Goat and kid (épisode 54) - Gogoro (le fils de Lone Goat) est tout seul dans les bois, poursuivi par un malandrin. Il est sauvé de cette mauvaise passe par Miyamoto Usagi. À la suite de quoi, ce dernier l'emmène prendre un repas dans l'auberge du village voisin. Gorogoro se laisse convaincre de l'accompagner.
Bien sûr, Lone Goat & Kid est un hommage aux personnages du manga Lone Wolf & Cub de Kazuo Koike et Goseki Kojima : Ogami Itto & son fils Daigoro. Ces 2 personnages sont apparus pour la première fois dans l'épisode 23 de la série initiale publiée par Fantagraphics, réédité dans Usagi Yojimbo tome 5. Stan Sakai s'amuse avec le comportement de Gogoro, tout en défiance et en indépendance. Il le représente buté comme un enfant, farouchement déterminé, une représentation très juste et très convaincante, et assez touchante. L'intrigue en elle-même est linéaire et sans surprise, mais la narration est irrésistible.
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- Images from a winter's day (épisodes 55) - Le seigneur Yoshikawa a fait mander Miyamoto Usagi. Le rendez-vous se déroule dans une auberge à l'écart, en toute discrétion. Le seigneur, très malade, demande à Usagi de retrouver son fils Yoshikawa Rokuo qui a dû fuir suite à un duel au sabre.
Stan Sakai utilise une intrigue linéaire pour faire mener un travail d'enquête à Yojimbo sur plusieurs mois. Le lecteur peut donc ainsi voir passer les saisons, et il suit le héros dans ses pérégrinations. Il y a une surprise de taille en fin de récit. L'artiste fait preuve d'une sensibilité pertinente pour montrer les déplacements de Yojimbo et pour l'évolution des conditions climatiques. Le lecteur est charmé par ce rythme différent et cette intrigue qui prend son temps.
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- Koji (épisode 56) - La première scène montre Usagi Yojimbo sa déplaçant en chaise à porteur, avec un effet inattendu. Il se rend au rendez-vous fixé un an plus tôt par Nakamura Koji qui a lancé un défi en duel à Katsuichi Sensei, le mentor d'Usagi. Sur la route, il arrive devant un groupe d'élèves d'une école de sabre barrant l'accès à la ville. Ils savent que Nakamura Koji est dans les parages et veulent éviter qu'il ne passe par la ville. En effet le code l'honneur exige que s'il vient à traverser la vile, il doive se mesurer au maître escrimeur du dojo.
Le lecteur peut estimer que le hasard (où les coïncidences artificielles de la narration) fait bien les choses puisque Nakamura Koji et Miyamoto Usagi se retrouvent de manière bien pratique au même endroit. Il peut aussi estimer qu'il s'agit de la conséquence logique du rendez-vous pris des mois auparavant. À sa manière éloignée de tout gore, Stan Sakai aborde la question de l'honneur du samouraï, de la finalité du bretteur. Le savoir-faire de Nakamura Koji n'a de sens que s'il prouve sa valeur à l'épée de manière systématique, sans pouvoir choisir ses combats, sans pouvoir les éviter. L'auteur reprend un thème classique des romans de sabre japonais.
Sous des dehors de dessins inoffensifs, la narration visuelle est impeccable. En choisissant d'alterner des prises de vue plus ou moins éloignées en fonction de la séquence (des plans taille pour les dialogues, des plans plus panoramiques pour les déplacements), l'artiste donne à voir ce que font les personnages, laisse une grande place au langage corporel, et laisse le temps au lecteur de s'imprégner de l'environnement. De fait, le lecteur ne ressent jamais l'impression qu'il n'y a que des personnages dessinés dans des cases sans arrière-plan, même si c'est le cas le temps d'un ou deux tiers de page. À nouveau sous la naïveté apparente de la représentation se trouve une narration fluide, efficace et agréable, tout autant que discrète.
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- A lesson in courtesy (4 pages couleurs) - Le jeune Usagi agresse verbalement un samouraï parce qu'il se trouve à l'endroit où il va chercher de l'eau. Des années plus tard, Usagi adulte retrouve ce même samouraï.
Stan Sakai réalise des planches dans le format paysage, bénéficiant d'une mise en couleur. L'histoire est simple, avec une morale à la fin, présentée de manière adulte. Un intermède aussi léger qu'agréable.
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- Crows (épisodes 57 à 59) - Jotaro (un personnage apparu dans le numéro 10 de la série Critters, réédité dans le premier tome de la série Usagi Yojimbo) accompagne Katsuichi Sensei dans son voyage vers le duel fixé un an plutôt. Il assiste à un affrontement entre un autre élève de Katsuichi et un d'Isao Sensei dans une école. Puis ils font route vers le village du rendez-vous.
Stan Sakai continue de développer le thème de l'apprentissage du sabre, de son maniement, et des conséquences inhérentes au maniement d'une arme, c’est-à-dire un outil fait pour tuer. Il développe une intrigue d'un village subissant les attaques de pillards, une fois par an. Comme à son habitude, il donne l'impression de raconter une histoire linéaire et simple. Le fond de l'histoire brasse des thèmes comme les valeurs morales, l'oppression des faibles par les forts, la pérennité d'un peuple assurée par les paysans, la possibilité des faibles de reprendre l'avantage grâce à leur nombre, la nécessité pour une population de disposer d'un chef pour s'organiser, etc.
Outre les qualités graphiques déjà évoquées à propos des épisodes précédents, le lecteur reste sous le charme d'une narration visuelle qui montre l'environnement encore peu touché par la main de l'homme (montagne et forêts), et qui donne une forte identité à chaque personnage. Stan Sakai est aussi à l'aise pour montrer l'entrain et la vivacité de Jotaro (enfant d'une dizaine d'années), que le rythme posé et réfléchi de Katsuichi, le visage fermé et dur de Nakamura Koji, ou encore celui fatigué et accablé de responsabilités de l'ancien du village.
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- Duel at Kitanoji (épisode 60) - Cet épisode est consacré au duel inéluctable entre Katsuichi Sensei et Nakamura Koji.
Tous les épisodes précédents ont permis d'établir le contexte de ce duel à mort. À nouveau, le lecteur constate que l'auteur sait exposer le caractère implacable de l'art du sabre qui conduit des gens qui s'estiment à se battre à mort, avec la même habileté que le fait Takehiko Inoué dans la série Vagabond, le manga qui raconte l'histoire de Miyamoto Musashi de la vie duquel Stan Sakai s'est inspirée pour son propre personnage. La mise en scène du duel est classique et percutante (malgré l'aspect de doudous des personnages), à la fois du fait de sa rigueur, mais aussi parce que le lecteur a eu tout le temps d'apprendre à connaître ces individus et que quelle que soit l'issue du duel, il ne pourra que regretter la perte d'une vie humaine. L'auteur atteint son objectif en plein dans le mille : des personnages proches du lecteur, des environnements dépaysant et agréables, des intrigues sympathiques, des thèmes adultes.