Ce tome fait suite à Fathers and sons (épisodes 69 à 75) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il contient les épisodes 76 à 82, initialement parus en 2004/2005, écrits, dessinés et encrés par Stan Sakai. Ces histoires sont en noir & blanc. Elles ont été rééditées dans Usagi Yojimbo saga, volume 5 (épisodes 76 à 93). Ce tome bénéficie d'une page introduction écrite par Frederik L. Schodt.


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- Ce tome commence par une histoire courte dans laquelle Katsuichi-sensei donne une leçon de cuisine au jeune Miyamito en lui faisant plonger dans l'eau bouillante un radis, un œuf, puis des feuilles de thé. Comme toujours, Stan Sakai excelle dans ces histoires courtes (4 pages) dans laquelle les différents caractères peuvent apparaître, une anecdote est racontée et les dessins montrent ce que font les personnages, sans que les dialogues aient besoin d'expliquer les images.


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- Épisode 76 - Dans un village, à la nuit tombée, Miyamoto Usagi croise un homme qui avance en titubant. Il le voit choir et se porte à ses côtés. Avant de rendre l'âme, l'homme lui confie un petit parquet à remettre à Ayane, une femme dont il donne le nom et l'adresse. Usagi accomplit sa mission et accepte d'accompagner la jeune femme à un village proche pour remettre le mystérieux paquet au prochain destinataire. Mais ils sont poursuivis.


Stan Sakai construit son récit sur un schéma classique : un mystérieux objet qu'il s'agit de convoyer vers son prochain propriétaire, alors que les convoyeurs sont traqués par des gens en arme. Le lecteur retrouve avec plaisir la capacité de l'artiste à rendre plausible l'environnement urbain de l'époque avec les rues en terre, et les habitations à un étage. Il apprécie les costumes d'époque, simples mais évocateurs. Il se plonge dans une histoire rapide qui forme un tout et qui ne nécessite aucune connaissance préalable, ni sur l'histoire personnelle du personnage principale, ni sur le Japon féodal. La course-poursuite alimente la tension narrative du récit et entretient le suspense quant au contenu du mystérieux paquet, et à la manière dont Ayane et Usagi vont pouvoir échapper à leurs poursuivants.


Les dessins de Sakai se présentent toujours sous une apparence simple, voire simpliste. Le lecteur se rend compte que cela n'enlève rien à la qualité de la narration visuelle. Alors que les images donnent l'impression de s'adresser à des enfants, elles racontent l'histoire avec une grande force de conviction. Le jeu des acteurs est parlant sans être forcé. La progression à travers bois pour rallier le village suivant donne l'impression au lecteur de progresser sur un chemin de terre, au milieu d'une forêt assez dense. La simplicité des dessins n'obère en rien leur capacité d'évocation.


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- Épisode 77 - Dans une autre ville, un individu habillé en noir et au visage masqué dérobe de l'argent à de riches marchands pour le redistribuer aux pauvres. Il a été surnommé le rat (Nezumi en japonais). L'inspecteur Ishida enquête pour l'arrêter. Lors d'une fête en ville, il va interroger une étrange artiste de rue (Kitsune, accompagnée de Kiyoko). Par la suite il démêle le vrai du faux quant à un meurtre qui aurait été commis par Nezumi.


Comme il se l'autorise régulièrement, Stan Sakai consacre un épisode à un personnage secondaire de la série (ici, l'inspecteur Ishida), pour une histoire complète et indépendante. Il transpose l'histoire réelle de Nezumi Kozo (voleur ayant sévi dans les années 1820) à l'univers d'Usagi. C'est l'occasion pour lui de réaliser une variation sur le principe de Robin des Bois, mais en s'attachant au point de vue de l'inspecteur. C'est ainsi que l'auteur écrit un dialogue plein de sous-entendus entre Ishida et Kitsune qui a vite fait de comprendre qu'il vaut mieux pour elle qu'elle aille piéger les gogos dans une autre ville. Le cas du meurtre est résolu avec le même doigté.


L'artiste fait exister ses personnages avec une grande élégance. En observant les dessins, le lecteur voit le sérieux de l'inspecteur Ishida, sa façon posée d'examiner autour de lui, le temps qu'il prend pour réfléchir. La majeure partie de sa personnalité passe par son langage corporel. Le lecteur se rend compte qu'il retrouve avec grand plaisir Kitsune et sa protégée, même seulement pour 3 pages, séduit par son sourire et sa bonne humeur. L'enquête chez un particulier est l'occasion de pénétrer dans un intérieur et d'observer son aménagement. Il peut aussi laisser son regard s'imprégner des vêtements, et des chaussures (en particulier les geta en bois à 2 taquets de l'inspecteur Ishida).


Stan Sakai a encore réussi une nouvelle en 1 épisode, fluide et consistante, avec des personnages attachant et une intrigue bien menée.


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- Épisode 78 - Miyamoto Usagi chemine sur une route fréquentée. Il passe devant une vieille dame assise et adossée à un arbre. Elle l'interpelle et exige de lui qu'il lui serve d'escorte pour se rendre vers le nord (alors qu'il se dirigeait vers l'Est). Ne souhaitant pas la laisser voyager seule, il accepte de l'accompagner. Elle exige qu'il porte son baluchon et qu'il se tienne à 5 pas derrière elle, comme le subalterne qu'il est.


Stan Sakai propose une nouvelle phase dans les pérégrinations de Miyamoto Usagi, pour un travail d'escorte sortant de l'ordinaire. À la fois, il s'agit d'un point de départ sur la base d'une situation banale : aider une personne âgée. À la fois la personnalité abrasive et acariâtre de cette dame se prête aussi bien à la comédie (le mépris avec lequel elle traite le personnage principal), qu'au drame (l'histoire personnelle de cette dame).


Comme à son habitude, l'auteur met en scène ce cheminement avec un sens basique (simplifié) de la nature environnante, mais suffisant pour que le lecteur puisse éprouver l'impression de marcher aux côtés des personnages, de souffler avec eux en se reposant dans une auberge. Les expressions et les gestes des personnages parlent autant que les mots qu'ils expriment. Le lecteur perçoit toute détresse de cette dame quand quelqu'un s'empare de son balluchon.


Avec cette histoire touchante, Stan Sakai apporte la preuve qu'il peut raconter une histoire sur n'importe quel thème, sans rien perdre de sa sensibilité, avec une fibre psychologique très savoureuse.


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- Épisode 79 - Histoire courte de 8 pages - C'est au tour d'Inazuma de croiser la route de Jei et de Keiko, la jeune fille qui l'accompagne.


Il s'agit pour l'auteur de faire avancer la situation de 2 personnages récurrents, pour ainsi préparer d'autres histoires à venir. Ces pages se lisent rapidement, mais ne parleront qu'aux lecteurs réguliers de la série.


Deuxième histoire (16 pages) - Murakami Gennosuke (un chasseur de primes surnommé Gen) est sur la piste d'Inazuma dont la tête est mise à prix. Il arrive dans un village et prend une table à l'auberge où il délie la langue du patron à l'aide d'une pièce d'argent. Il comprend que la fuyarde n'est plus très loin, mais qu'un autre chasseur de primes est sur ses traces et l'a devancé.


Cette histoire se déroule peu de temps après la précédente, et met en scène Gennosuke, à nouveau Usagi n'apparaît pas. Stan Sakai montre ce chasseur de prime exercer son métier. Le lecteur peut voir son professionnalisme, ses relations peu amènes avec un concurrent, ainsi que le caractère solitaire de cet homme, par le biais de ses bulles de pensée.


La mission commence dans un village puis se déroule dans les bois jusqu'à arriver à proximité de la cabane où est censée se trouver Izuma. L'attention du lecteur baisse un peu dans ce récit court à l'enjeu très relatif.


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- Épisode 80 - Usagi accepte de servir de protecteur à Takenoko, un inventeur qui travaille sur une paire d'ailes pour voler de manière autonome, assisté d'Hasu, son arpète.


Stan Sakai entremêle une étude de caractère sur cet inventeur oublieux de de ce qui l'entoure (il n'est pas aussi tyrannique que le Léonard de Turk et De Groot, mais il a cette faculté de ne pas voir ce qui se passe autour de lui). L'auteur introduit une tension narrative avec un personnage mal intentionné qui ne supporte pas d'avoir été moqué par Takenoko et qui souhaite le maltraiter pour lui apprendre à vivre. L'histoire ne s'inscrit pas dans le registre de la farce du fait de la gentillesse et de la prévenance avec laquelle Sakai met ses personnages en scène.


Les dessins sont à nouveau impeccables pour raconter l'histoire, montrer que les inventions de Takenoko sont encore loin d'être au point, et pour montrer que le village est entouré par la nature, les bois et une cascade. Le lecteur ressort de cet épisode avec le sourire aux lèvres et un attendrissement pour la situation des différents personnages.


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- Épisode 81 - Tomoe escorte le seigneur Moriyuki dans une partie de chasse. Alors qu'elle s'éloigne du groupe principal, elle est enveloppée par un épais brouillard et se retrouve comme général sur un champ de bataille quelques décennies plutôt.


Deuxième histoire - Au temple, le prêtre Sanshobo reçoit Kenji, un novice qui doit bientôt prononcer ses vœux. Il est particulièrement émacié et hésite car il se rappelle encore d'Haruko, la fille du charpentier qu'il devait épouser.


Un nouvel épisode dans lequel Miyamoto Usagi est aux abonnés absents, un nouvel épisode dans lequel Stan Sakai s'approprie des morceaux de culture japonaise pour nourrir ses récits. La première partie semble gratuite, une simple aventure au cours de laquelle Tomoe occupe le temps de quelques heures le corps d'un général pendant une bataille décisive. Comme d'habitude, les dessins portent bien la narration et rendent explicites les situations même complexes, sans s'attarder sur les blessures, les blessés ou les morts au combat. Par contre, cette courte nouvelle illustre bien la connaissance très partielle et orientée que les contemporains peuvent avoir d'un moment de l'Histoire.


La deuxième histoire est entièrement immergée dans l'époque à laquelle se déroule la série, à savoir au dix-septième ou dix-huitième siècle. En 12 pages, Stan Sakai présente la situation, donne une histoire personnelle à Kenji, déroule le drame et y apporte une conclusion, en incorporant un esprit surnaturel traditionnel. L'auteur utilise cet élément surnaturel pour donner corps à la culpabilité insidieuse et destructrice de Kenji, pour donner à voir le trouble psychologique qui l'habite.


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- Épisode 82 - Sur un chemin, Miyamoto Usagi intervient pour se battre contre des malfrats qui étaient en train de dépouiller un couple de paysans. Il est superficiellement touché à l'épaule. Il suit les paysans au village, où sa plaie en pansée par le prêtre Hiroshi. Peu de temps après arrive Koyama Matabei, un samouraï dont le front est ceint d'un bandeau portant l'inscription Fukushu (Vengeance), déjà apparu dans l'épisode 53, voir tome 17.


Nouveau voyage, nouveau village : Stan Sakai décrit des villageois occupés à renforcer des toits, un prêtre apportant les bienfaits de ses connaissances médicales. Le lecteur apprécie à sa juste valeur de pouvoir visiter ce village pittoresque et de voir ses sympathiques habitants à l'œuvre. Il fait connaissance d'un prêtre au service des autres, humble et serviable. Il observe les gestes des personnages et leurs interactions, comme des individus normaux. Il vit arriver Koyoma Matabei en sachant très bien qui il vient exécuter. Stan Sakai met en scène des individus qui dépassent le clivage bien & mal, laissant le lecteur dans le doute de pour qui il doit pendre parti. L'auteur dépasse à nouveau les limites des conventions du genre qu'il a choisi pour évoquer un problème de conscience épineux, une question morale qui s'impose de manière différente à chaque personnage. Décidemment, les aventures de Miyamoto Musashi sont capables d'envolée que ne laissent pas soupçonner les apparences.


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Encore un tome de plus pour les aventures de Miyamoto Usagi, encore une série d'histoires qui utilisent le conventions d'un genre pour parler de la condition humaine dans ce qu'elle peut avoir de plus subtile. Le lecteur plus jeune y trouvera des histoires divertissantes et dépaysantes, le lecteur plus âgé sera surpris d'y découvrir des réflexions délicates d'un auteur qui s'efface derrière ses histoires.

Presence
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le 9 juil. 2019

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