Ce tome fait suite à Usagi Yojimbo, tome 20 (épisodes 76 à 82). Il contient les épisodes 83 à 89 (parus en 2005) qui forment une histoire complète. Ayant lu ce tome sans lire les précédents, je n'ai pas été perdu dans les personnages, ni l'histoire. Il est donc possible de lire uniquement ce tome.
Il y a quelques années, Tomoe Ame s'entraînait au sabre de bois contre Norika sa cousine, une partenaire sans pitié. Il y a 2 mois, un braconnier découvre des plans de grémil (Lithospermum) dans les bois. Maintenant, une épidémie s'est répandue dans cette région boisée, un territoire éloigné, propriété du clan Geishu. À la tête de ce clan se trouve le seigneur Noriyuki. Il est aidé dans ses tâches par 2 conseillers : Tomoe et le seigneur Horikawa qui jalouse la position de Tomoe. Il réussit à persuader Noriyuki d'envoyer Tomoe enquêter sur cette épidémie soudaine. Avant de partir, elle fait ses adieux à Motokazu, en lui demandant de garder un oeil sur Horikawa. Par un phénomène de synchronicité romanesque, les pérégrinations d'Usagi Yojimbo l'amène dans cette région reculée du fief Geishu.
Usagi Yojimbo est un personnage créé, écrit et illustré (en noir & blanc) par Stan Sakai dont l'autre titre de gloire est d'être le lettreur attitré de la série Groo de Sergio Aragones. Il a créé ce personnage en 1987, et ses aventures ont été publiées régulièrement depuis. Le premier tome de la série est Ronin. En japonais, le terme "usagi" signifie lapin, et le nom complet du héros est Miyamoto Yojimbo. Le qualificatif de lapin renvoie au fait que cette série met en scène des animaux anthropomorphiques, des animaux en formes d'humain dotés de conscience.
D'un point de vue graphique, le style de Sakai apparaît simpliste. Il s'attache à délimiter des formes simples, sans fioritures, sans recherche esthétique pour séduire le regard. Les silhouettes des personnages manquent de précision, Stan Sakai visant une ressemblance de forme, pas une reproduction photographique, loin s'en faut. Les expressions faciales sont le plus souvent exagérées, avec une bouche rapidement dessinée et déformée pour accentuer l'émotion ressentie, 2 points, ou 2 ronds en lieu et place des yeux, et des sourcils aux formes exagérées pour plus d'expressivité. De la même manière, les formes des objets composant le décor sont simplifiées et parfois amplifiées pour se rapprocher de l'idée générique, plus que d'un élément spécifique. Par exemple, les feuillages sont souvent figurés par leur contour, sans aucune texture dans la forme blanche délimitée, ou aucune feuille de dessinée. Les troncs des arbres sont grossièrement hachurés sans souci de transmettre une sensation de bois, ou une apparence d'écorce.
Toutefois, en parcourant les cases, le lecteur constate que cette simplicité va de pair avec un souci du détail juste et authentique, que ce soit dans les vêtements, dans les bâtiments ou dans les aménagements intérieurs. Stan Sakai a effectué ses recherches sur l'époque (à peu près le début du dix-septième siècle au Japon). Il constate également que les éléments culturels et historiques sont exacts. En fonction de l'âge du lecteur, il peut donc soit apprendre sans en avoir l'air, tout en s'amusant du récit, soit passer outre le simplisme des formes en appréciant la justesse et l'authenticité des décors et de l'environnement.
Le même constat s'applique à la description des combats. Stan Sakai ne donne pas dans le réalisme, il ne décrit avec luxe détails les blessures, les éviscérations, ou les mutilations lors des affrontements au katana. Il décrit le mouvement des armes, sans montrer l'endroit de leur impact. Lors des scènes plus tendues, il peut ajouter une ou deux tâches noire figurant une giclée de sang, mais rien de plus traumatisant, ou de plus graphique. Par contre, il prend grand soin de chorégraphier ses combats, non pas dans le but d'en faire des ballets époustouflants, mais plus dans le but de les rendre plausibles. Cette dichotomie entre un style enfantin et une conception adulte et intelligente permet aux lecteurs de tous âges d'apprécier les aventures d'Usagi Yojimbo.
Au fur et à mesure des pages, le lecteur découvre un récit bien construit, sophistiqué sans être compliqué, avec plusieurs niveaux d'enjeux parfaitement intégrés à une aventure premier degré prenante. De plus, les personnalités des héros se révèlent au fur et à mesure. Sans relever du portrait psychologique élaboré, Usagi, Tomoe et Morika finissent par acquérir quelques caractéristiques psychologiques qui les rendent moins lisses, moins passe-partout. Même le lecteur plus âgé finit par se laisser prendre par l'intrigue et les enjeux à plusieurs niveaux, et par succomber au charme de ces animaux anthropomorphes, et à supporter les mignons tokagés (des sortes de mini-dinosaures faisant partie de la faune locale).
Avec ces caractéristiques atypiques (noir & blanc, Japon médiéval, visuels aseptisés), les aventures de ce lapin vadrouilleur recèlent des surprises propres à séduire les petits comme les grands. Ce tome présente l'avantage de proposer une histoire complète d'une certaine ampleur, compréhensible, sans avoir besoin de lire un autre (ou plusieurs autres) tome(s) pour s'y retrouver. Usagi poursuit sa route dans L'histoire de Tomoe (épisodes 90 à 93, et "Color special" 1 à 3).