Ce tome fait suite à Usagi Yojimbo T27 (épisodes 124 à 131) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il contient les épisodes 132 à 138, initialement parus en 2010/2011, écrits, dessinés et encrés par Stan Sakai. Ces histoires sont en noir & blanc. La version originale en anglais comprend une introduction rédigée par George Takei, l'acteur incarnant Hikaru Sulu dans la série télévisée originelle de Star Trek.
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Taiko (épisodes 132 & 133) - Ayant repris ses vagabondages, Miyamoto Usagi se rend compte qu'il est déjà passé par ce chemin dans cette forêt. Il se souvient que la fois précédente il s'était arrêté devant un souche, reste d'un arbre énorme frappé par la foudre. Un peu plus en hauteur, il avait fait connaissance avec Minakata, un artisan fabriquant des tambours. Ce dernier avait pris la décision de travailler la souche pour en faire un énorme tambour. De retour au présent, Usagi décide d'aller voir Minakata pour savoir s'il a pu mener à bien son projet. Il croise un groupe d'hommes peu aimables, puis il se retrouve face à Goroku, l'apprenti de Minakata, qui le menace de son sabre, devant la demeure de son maître.
Dès la première page, le lecteur se retrouve en terrain familier. Les dessins s'avèrent toujours aussi faciles à lire du fait de leur caractère épuré et des formes simplifiées. En même temps, le lecteur retrouve Miyamoto Usagi avec sa silhouette si caractéristique de lapin anthropomorphe, avec une cicatrice au-dessus de l'œil gauche, et se tenue vestimentaire conforme à la réalité historique que l'époque. Il se rend compte qu'il peut facilement se projeter sur ce chemin dans cette forêt, car l'artiste utilise des hachures pour donner de la texture et de la consistance aux arbres, et le plan de prise de vues ainsi que les cadrages permettent de jeter un regard aux alentours pour se rendre compte de l'implantation des arbres et des déplacements du personnage. À l'opposé d'un décor en carton-pâte sans rien derrière, Stan Sakai conçoit et représente un endroit pensé dans la profondeur avec un réel sens de la spatialisation. Usagi exprime quelques pensées à voix haute, dans de brèves phrases, un procédé spécifique à la narration en bande dessinée. Cela donne une indication sur son état d'esprit, tout en apportant quelques éléments d'information de manière douce. Le lecteur ne ressent pas cela comme une narration enfantine, mais une narration tout public, apparaissant naturelle dans le contexte de ce récit.
Égal à lui-même, Stan Sakai représente chaque scène avec simplicité, comme si tout était naturel et lui venait aisément. À la fin des 2 épisodes, le lecteur peut prendre la mesure de la diversité des scènes représentées, et de leur densité narrative, même si tout apparaît simple et évident à la lecture. Il sait aussi bien mettre en scène une conversation tout en faisant en sorte que la lecture reste vivante, qu'un affrontement impliquant une dizaine de personnes, tout en agissant en sorte que le lecteur puisse suivre les déplacements de tous les personnages, et distinguer le mouvement d'ensemble d'un groupe. S'il y prête attention, il se rend compte que les visages sont expressifs, et que le langage corporel est adapté aux caractéristiques (âge, occupation) de chaque personnage. Il montre également comment Minakata travaille la souche évidée pour y inscrire de minutieux motifs à l'intérieur, en transcrivant les gestes de ce métier.
Cette première histoire met en scène la conviction d'un artisan sur la manière de d'implorer les dieux afin qu'ils accèdent à une requête. Il s'agit d'une croyance cohérente avec l'époque, que ce soit dans sa nature, ou dans la manière d'implorer les dieux. Le lecteur constate que le registre du récit reste dans le drame, comme c'était déjà le cas dans le tome précédent. Avec ces animaux anthropomorphes grossièrement représentés, l'auteur met en scène la comédie humaine, dans ce qu'elle a de tragique, mais aussi de combative, le lecteur oubliant vite l'apparence des personnages, se retrouvant dans leurs émotions, dans leurs espoirs, dans leurs comportements.
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Toad Oil (épisodes 134) - En arrivant sur la place d'une nouvelle ville, Miyamoto Usagi se joint à une foule qui observe Kitsune en train de vanter les mérites d'une huile guérissante. Elle s'entaille l'avant-bras avec un couteau puis y applique de l'huile et la blessure guérit en quelques secondes. Un individu dans la foule la traite de menteuse et de charlatan et avance menaçant pour s'en prendre à elle. Usagi s'apprête à la défendre, mais il est retenu par la manche, par Kiyoko, la jeune protégée de Kitsune.
Le lecteur sourit d'avance en découvrant la présence de Kitsune, car il sait bien qu'elle est en train de se livrer à une entourloupe dont elle a le secret. Cette huile de de crapaud évoque une autre mixture aux vertus miraculeuses, les élixirs qui étaient vendus dans le far West, par exemple L'Élixir du docteur Doxey. Effectivement, Stan Sakai fait plaisir au lecteur avec un récit moins sombre que le précédent, et un boniment bien troussé mettant en scène une arnaque sophistiquée. Le jeu des acteurs s'avère aux petits oignons, faisant vivre ces personnages de papier sous les yeux du lecteur. Comme Usagi, il se montre indulgent à l'égard de Kitsune du fait de sa capacité de séduction, de sa gentillesse, alors même qu'il sait très bien qu'elle est en train de l'embobiner. Il regarde avec plaisir la joie de vivre et l'énergie de Kiyoko. Il n'éprouve aucun regret pour les pauvres acolytes de Kitsune qui se montrent trop avides, et qui méritent bien leur sort. Il remarque quand même que l'histoire met en scène une arnaque mettant à profit la crédulité de la foule, et la cupidité des comparses, c’est-à-dire des comportements bien réels et peu reluisants.
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The return of the lord of the owls (épisode 135) - Dans une autre ville, un groupe de samouraïs se retrouve obligé de quitter une taverne, étant à cours d'argent. Ils apostrophent un individu avec un chapeau dans la rue, espérant qu'il accepte de leur payer à boire. Il déclare s'appeler le seigneur des hiboux, et les tue tous sauf un. Il s'agit d'une histoire que lui raconte son compagnon de voyage à Miyamoto Usagi. Ils cheminent ensemble dans une région où sévit un groupe de brigands appelé Red Scorpion.
Après cette respiration plus légère, mais pas frivole pour autant, le lecteur retrouve un personnage déjà croisé par Miyamoto Usagi dans le tome 11. En que propriétaire des droits intellectuels de sa création, Stan Sakai se permet régulièrement de réaliser des épisodes sortant du moule habituel de l'aventure. En particulier il intègre des éléments surnaturels, en provenance directe de la mythologie du Japon. Le lecteur découvre un récit étrange dans lequel un personnage (le seigneur des hiboux) est l'incarnation d'une forme de fatalité, une incarnation d'une des facettes du destin, que rien ne peut faire dévier de sa route. Comme toujours la narration visuelle est impeccable, l'artiste donnant l'impression au lecteur, avec la même facilité, de faire partie du groupe de samouraïs en train de s'amuser, de se retrouver face à un individu dont le visage reste masqué par son couvre-chef, ou encore de devoir s'expliquer aux cavaliers représentant l'autorité, sur une situation dont les apparences sont particulièrement compromettantes.
Ce récit revient à un ton plus sombre. En effet le vieil homme porte le poids d'une sorte de faute, ou tout du moins d'un traumatisme que les années passées n'ont pas réussi à atténuer, et qu'il n'a pas réussi à dépasser. La qualité surnaturelle du seigneur des hiboux matérialise le caractère arbitraire des coups du sort qui accablent certaines personnes et pas d'autres, sans aucune forme de justice. Le jeune samouraï sortant de la taverne avec ses amis a eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, ce qui a pesé sur toute sa vie à venir, sans possibilité de s'y soustraire. Derrière les apparences d'une histoire de lutte contre un ennemi surnaturel, se trouve le constat que tous les hommes sont soumis aux aléas du hasard et de la mauvaise chance.
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Those who trail on the scorpion's tail (épisodes 136 à 138) - Miyamoto Usagi arrive à proximité d'une ville et il est agressé par un groupe de jeunes bretteurs. Il s'avère qu'il s'agit d'élèves de l'école de sabre, tenue par Suzuki. Ce dernier apparaît et leur demande d'arrêter. Il s'excuse auprès d'Usagi. Reconnaissant le nom de Suzuki, Usagi lui explique qu'il est lui-même l'élève de Katsuichi qui a appris l'art du sabre dans la même école et aux côtés de Suzuki. Ce dernier lui propose donc l'hospitalité de son école et organise des combats amicaux entre lui et ses élèves. Peu de temps après, un autre élève vient leur apprendre que le gang du Scorpion Rouge a encore frappé. Cette fois-ci, ils ont enlevé le fils du magistrat Maeda, ce dernier étant en attente de leur demande de rançon. Suzuki demande à ses élèves de se mettre à la recherche du disparu et Usagi se propose pour les aider.
Stan Sakai réalise une histoire en 3 épisodes, avec une intrigue plus développée, sur la base d'un enlèvement et des agissements d'une bande de malfaiteurs organisés. Il met également en scène les rivalités sous-jacentes présentent au sein d'un école, les obligations morales découlant de l'amitié, et à nouveau l'avidité de certaines personnes se rendant alors coupables de crimes abjects. Le lecteur fait également le constat que ce choix de recourir à des expédients illégaux est également généré par une impossibilité de s'en sortir honorablement autrement, du fait du mode de fonctionnement de la société et de ses règles. Cette histoire est l'occasion d'admirer l'aisance et la fluidité avec laquelle Stan Sakai met en scène des combats au sabre (en particulier les affrontements amicaux au sein de l'école), les prises de vue pour suivre le déplacement d'un personnage en particulier les cavalcades dans la forêt, l'interaction entre de nombreux personnages. Comme dans les autres épisodes, le lecteur oublie, en 3 pages, qu'il s'agit d'animaux anthropomorphes avec 4 doigts à chaque main, une vague ressemblance avec un animal et des visages simplifiés, car il n'y voit que des individus se comportant comme des adultes, animés d'émotions et de réactions naturelles, comme de véritables personnes de chair et de sang.
Cette lutte contre le gang du Scorpion Rouge se termine sur une sinistre histoire sous forme d'enquête policière dans le Japon féodal, avec une intrigue solide, des personnages étoffés, des motivations réalistes et une fin dramatique.