Après une guerre nucléaire qui a détruit une partie du monde, l’Angleterre qui a survécu tente de subsister tant bien que mal, malgré la famine et la pauvreté. Quand une force organisée prend le pouvoir, les gens l’accueillent à bras ouvert. Quand on embarque tous les étrangers, homosexuels et musulmans, les gens ferment les yeux et laissent faire. Surveillance totale, camp de concentration, expériences sur des êtres humains, une dystopie proche du terrifiant monde de 1984 et qui rappelle aussi inévitablement les horreurs du nazisme. Une anticipation plus proche de la réalité que de la science-fiction…
Alors que personne n’ose intervenir, un seul homme se dresse contre le pouvoir. Il se fait appeler V, au visage masqué. Il assassine plusieurs personnes dans des mises en scène cruelles. Qui est-il ? Un fou, un anarchiste ? Cherche-t-il la vengeance ou veut-il combattre pour la liberté ? Sa vengeance achevée la pièce est-elle finie pour autant ? Les dirigeants aimeraient le penser mais le doute les anime.
« [Ils] prétendent que la vie est un jeu mais lancent eux-mêmes les dés...distribuent masques et costumes sans vous dire quel rôle vous jouez, puis vous laisse improviser leur infâme cabaret. Sexe, mort…tous les défauts humains y sont offerts pour presque rien[…] mais bientôt le décor s’affaisse, les acteurs sont dévorés par la pièce. Il y a tueur à la matinée et des cadavres dans les travées. Bientôt personne n’est plus certain que le spectacle est vraiment pris fin, tous attendent un signe, sans trouver…plus qu’un sourire sous le masque figé »
Doté d’une force et d’une rapidité surhumaine, récitant des vers de Shakespeare et autres poèmes de sa composition avant ces actions, personne ne parvient à l’arrêter ni même à deviner ces intentions. Petit à petit, il met en place les pièces, qui ignorent tout de leur rôle avant la composition finale. Et ce n’est qu’à ce moment que le dessin complexe sera révélé aux yeux de tous.
Que veut-il alors ? Créer le chaos, et amener les gens à ouvrir les yeux sur leurs prisons, pour qu’ils se libèrent par eux-mêmes de leurs propres chaines.
« Il ne faut jamais dépendre des majorités silencieuses, Evey. Parce que le silence est une chose fragile… il s’efface au premier cri »
Evey est une jeune fille vulnérable sauvée par V. Par son entreprise, elle va se transformer et, dans la douleur et au-delà de la peur, comprendre qu’elle a elle-même la force en elle pour conquérir sa propre liberté.
« V pour Vendetta » est une fascinante et dérangeante réflexion sur l’autorité et le pouvoir. Pourquoi les sociétés mettent-elles elles-mêmes à leur tête des dictateurs ? Comment les citoyens se privent eux-mêmes de leur liberté ? Car l’Histoire montre bien qu’à plusieurs reprises de telles dictatures ont eu lieu à plusieurs reprises, à différents endroits. C’est une chose que des tyrans imposent de telles cruautés, cela en est une autre que d’autres hommes les accomplissent ou les laissent se produire. Quand on découvre les horreurs de la seconde guerre mondiale, impossible de ne pas se demander comment une telle chose a pu arriver. L’expérience de Milgram apporte une réponse. Cette expérience célèbre consistait à demander à des volontaires d’infliger à des prisonniers des décharges de plus en plus fortes pour les faire parler. Bien sur ces décharges n’étaient pas réelles et les prisonniers étaient des acteurs qui simulaient la souffrance. Les volontaires n’en savaient rien mais ont malgré tout obéis aux consignes et infligé ce qu’ils croyaient être des décharges douloureuses voir même mortelles. La preuve que l’obéissance à l’autorité prend le pas sur la compassion et le sens du bien et du mal. Les gens ont besoin d’être contrôlé, qu’on leur dise quoi faire et quoi penser, ils ont besoin d’être rassurés. En ce sens le Commandeur l’avait bien compris, lorsqu’il disait que les gens ne savaient pas comment utiliser leur liberté. Même les meilleurs se soumettent, préférant n’importe quel ordre même cruel à l’anarchie, trop apeurés ensuite pour changer les choses. Telle cette gentille doctoresse altruiste, qui a menée elle-même des expériences horribles sur des êtres humains.
Dans ce triste monde où l’oppression a remplacé le bonheur, même les personnes hauts placés souffrent des chaînes qu’ils ont eux-mêmes construites. Victimes eux-mêmes de la jalousie, la solitude, la folie, le mépris et la haine du monde qu’ils ont participé à construire. On n’a même pas envie de les détester, mais de les prendre en pitié.
Mais c’est une caractéristique des régimes totalitaires, tôt ou tard l’ordre crée par la force et la peur se désagrège, la voix du peuple trop longtemps réprimé s’exprime. Dans de derniers efforts pour maintenir le peu d’ordre qui reste, les dirigeants s’abaissent aux pires actes et se condamnent eux-mêmes en aggravant la colère de la population. Le système crée révèle sa fragilité et s’effondre tel une rangée de dominos. Emeutes, violences, le chaos se répand, prélude nécessaire avant la reconstruction d’un monde meilleur.
« V pour Vendetta » est parfois un peu long, mais c’est surtout que l’on ne réalise pas tout de suite l’importance de ce qui nous est montré. Pas forcément pour l’histoire, mais pour mieux comprendre le monde et les enjeux dont il est question. Les graphiques ne sont pas de ce que je préfère, mais ce désagrément s’efface devant la teneur du récit.
Un roman graphique culte signé Alan Moore, qui inspire encore aujourd’hui la rébellion contre l’oppression (comme en chine ou la diffusion du film vient d’être autorisé il y a peu), le masque de V ayant même été repris par les Anonymous. A l’heure ou la crise économique continue de sévir et les populations se tournent de plus en plus vers l’extrême droite, il est primordial de ne pas oublier les dérives du fascisme.
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