Dans la collection 25 images en hommage à Frans Maseerel (1889-1972), dessinateur belge inventeur du « roman sans parole », le n°6 est signé de l’Américain Landis Blair, auteur mémorable du roman graphique L’Accident de chasse (2017) qui relève le défi proposé par les Éditions Martin de Halleux.


Il s’agit d’élaborer un récit constitué de 25 images en noir et blanc et sans dialogue, ce qui n’a pas grand-chose à voir avec L’Accident de chasse à part le noir et blanc. Le récit nous montre un homme vivant dans une région isolée. L’image des pages de garde le montre sortant d’un chalet, un jour d’hiver. La neige recouvre le paysage et il se dirige, bien habillé (pull épais, bottes, chapeau), vers une clairière tout en longueur. Il porte un sac à dos dont dépassent deux fanions sur certaines images et des jumelles qui pendent à son cou. De plus, il tient à la main un piquet supportant une manche à air comme on en voit sur les aéroports ainsi qu’en bord de route aux endroits où un brusque coup de vent peut surprendre. Notre homme porte des lunettes aux montures assez épaisses et il a un peu de ventre. Comme on dit, c’est un homme mûr mais d’âge indéterminé. Dans la clairière, le sol est suffisamment enneigé pour que ses pas laissent de belles marques bien nettes. Autour de la clairière, des sapins enneigés. L’homme commence à s’affairer et bien vite on se pose des questions, car entre la première et la deuxième image, notre homme a changé de sens. Mais comme son personnage, l’auteur sait parfaitement où il va et une lecture attentive nous révèle rapidement à quoi le personnage s’active.


Interprétation


Landis Blair relève haut la main le défi proposé par les Éditions Martin de Halleux. Son récit s’avère bien construit, original, captivant, amusant, émouvant et poétique. Il nous place en plein cœur de la nature tout en s’arrangeant pour nous intriguer avec une fin qui ne peut qu’inciter à reprendre l’album pour relever tous les détails qui servent d’indices.


En effet, la chute nous place devant une petite énigme : l’homme a-t-il rêvé ou bien a-t-il été victime d’hallucinations ? Un autre homme arrive dans la clairière et le trouve allongé au sol comme s’il avait succombé à une crise cardiaque, par exemple. À moins qu’il ne soit qu’inanimé.


À la loupe


Le style de Landis Blair est une merveille, avec sa multitude de traits hachurés à l’encre. Cela nous vaut de très beaux dessins qui font honneur à la collection. L’ensemble dégage un beau naturel, sans aucune raideur du côté des personnages par exemple. Et la nature est parfaitement rendue, avec notamment la blancheur et les courbes de la neige immaculée, ainsi que la faune et la flore. On notera que le dessinateur profite de chaque coin de page pour apporter des informations précieuses, pour son personnage et pour son histoire. S’il respecte scrupuleusement le cahier des charges des 25 images (au format 20 x 13,5 cm) en noir et blanc et sans dialogue, il ne se gêne pas pour utiliser intelligemment les pages de garde. De même, la couverture (le dessin d’illustration et le titre) nous donne une indication sur le contenu, en donnant surtout envie d’ouvrir l’album. L’éditeur n’est pas en reste, avec un bandeau annonçant « Le merveilleux voyage de Landis Blair » référence justifiée au Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (1906-1907) de Selma Lagerlöf que Maaserel a pu lire. Ce détail parmi d’autres m’incite à penser que le personnage central de l’album est un grand enfant qui poursuit un rêve, ce que l’auteur s’est ingénié à sublimer.


Critique parue initialement sur LeMagduCiné

Electron
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le 5 nov. 2023

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