Vingt-trois prostituées par Chro
Par Sylvain Quément
Réservé, poli, gentiment monstrueux : voilà le témoignage d'un client ordinaire. L'histoire même de l'auteur qui, face à l'échec d'une relation amoureuse, décide d'enterrer ses illusions romantiques pour basculer dans le monde des relations tarifées. Vingt-trois prostituées, autant de coups de téléphone, de lits peu engageants, d'appréhensions et de débats entre proches au sujet de cette facette de sa vie qu'il ne cherche aucunement à dissimuler.
Si l'ouvrage s'en était tenu au témoignage, on aurait parlé style. Magistral, pour tout dire, malgré le poids d'une traduction plus que discutable. Mais en s'aventurant sur le terrain du pensum militant, le livre s'expose à une critique autrement plus lourde : car à son corps défendant, ce petit bréviaire illustré résume, sous des abords indiscutablement bien intentionnés, tous les errements d'une morale libertaire surprise en plein coït avec les formes les plus sauvages de libéralisme économique.
On ne contestera pas l'argument fort du livre: l'idéal du couple romantique possède sa part d'ombre, toute aussi grande que celle des relations tarifées. Ce qui dérange ne relève donc guère des pratiques du client Brown, mais de son entreprise de justification théorique d’une situation banale et séculaire par des arguments d'autant plus pernicieux que parfaitement adaptés à l'air du temps. Passionnant, le livre l'est donc aussi malgré lui. Symptomatique, il témoigne à la première personne de cette propension qu'ont les bonnes intentions libérales à camoufler sous les atours du bon droit la violence de la réalité vécue. (...)
Lire la suite sur : http://www.chronicart.com/bandes-dessinees/chester-brown-23-prostituees/