Not any Moore
Cette fois, c'est la dernière, j'en peux plus moi, votre dégénéré barbu végétarien que vous idolâtrez comme c'est pas permis, je vous le laisse, étouffez-vous avec si vous voulez, mais arrêtez une...
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le 29 juin 2012
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Avec Watchmen (1986), Alan Moore et Dave Gibbons ont pris les comics par les épaules, les ont regardés droit dans les yeux et leur ont dit : "Et si on cassait tous vos jouets ?" Ce n’est pas une histoire de super-héros comme les autres. Ici, les capes volent bas, les idéaux s’effritent, et les masques cachent des visages aussi cabossés que leurs âmes.
L’histoire se déroule dans une version alternative des années 80, où les super-héros, fatigués et désillusionnés, se retrouvent mêlés à une conspiration qui pourrait changer le monde. Mais pas de panique, ce n’est pas un "simple" whodunit : Moore et Gibbons décomposent chaque personnage pour explorer leurs failles, leurs névroses, et la question qui brûle les pages : "Qui surveille les surveillants ?"
Chaque personnage est une figure marquante, mais pas toujours pour de bonnes raisons. Rorschach, par exemple, est un détective masqué à la morale aussi rigide que son masque est mouvant : fascinant, mais franchement flippant. Le Comédien incarne le cynisme absolu, un joker cruel dans un monde sans règles. Et Dr. Manhattan, avec sa peau bleue et son cerveau à mille années-lumière des préoccupations humaines, représente une réflexion glaçante sur le pouvoir et la déconnexion. C’est une bande de héros qui donne envie de relire des contes de fées pour se réconforter.
Visuellement, Dave Gibbons livre un chef-d’œuvre. Chaque case est une mini-symphonie de détails, parfaitement orchestrée pour guider l’œil et renforcer le poids de chaque moment. Le découpage, en particulier, est un exercice de style qui transforme la lecture en une expérience immersive. Les couleurs de John Higgins, avec leurs tons froids et leurs contrastes, ajoutent une atmosphère à la fois rétro et angoissante. Bref, tout est calculé au millimètre… ce qui peut être un peu étouffant pour les amateurs de chaos visuel.
Narrativement, Alan Moore ne laisse rien au hasard. Tout, des dialogues aux inserts de journaux, est une pièce d’un puzzle plus grand. C’est brillant, mais c’est aussi dense, au point que certains passages peuvent donner l’impression de lire un manuel de philosophie politique. Et pourtant, c’est précisément cette profondeur qui fait de Watchmen une œuvre incontournable. Les thèmes explorés – le pouvoir, la responsabilité, la moralité, et l’illusion du contrôle – restent aussi pertinents aujourd’hui qu’ils l’étaient dans les années 80.
Mais soyons honnêtes : Watchmen n’est pas une lecture légère. C’est une œuvre qui exige patience et attention, et son ton sombre et cynique peut parfois peser. Si vous cherchez des explosions et des punchlines, passez votre chemin. Ici, les batailles se jouent autant dans les dialogues que dans les rares scènes d’action.
En résumé, Watchmen est une déconstruction audacieuse du mythe du super-héros, une œuvre qui transcende le genre pour devenir une réflexion puissante sur l’humanité et ses contradictions. Alan Moore et Dave Gibbons créent une bande dessinée qui ne se contente pas de raconter une histoire, mais qui invite à la décortiquer, à la digérer, et à y réfléchir longtemps après avoir tourné la dernière page. Un classique qui, malgré son poids, mérite chaque seconde d’attention.
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il y a 5 jours
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