Sauf cinq planches, cet album est entièrement consacré à la moto et à ses passionnés. Le récit-titre domine tout l’album (35 planches sur 46). Disons tout de suite qu’il faut être branché motos – et motos d’un âge très certainement révolu depuis un moment – pour s’intéresser à certaines répliques techniques, à des descriptions de mécanismes ou à des noms de marque. Manque de bol, la moto, ce n’est pas du tout mon truc, surtout depuis que je me suis rendu compte que l’assurance pour un engin de ce genre me coûterait plus cher que les assurances cumulées de mon appart’, de ma voiture, et du modeste deux-roues à moteur que je possédais. L’arnaque, ça va bien un moment...
Il reste le récit, très linéaire, de cinq copains qui, en partant de Paris, vont assister aux 24 heures du Mans moto pendant un week-end. La saveur du récit vient de son côté « pris sur le vif » : c’est du vécu, pas de problème, avec l’énumération des galères, aléas et rencontres diverses qui surviennent sur l’itinéraire des cinq copains. A commencer par l’acquisition d’une moto : celles dont on rêve (avec évidemment la Harley Davidson au sommet du Panthéon) étant beaucoup trop chères, on se prend des occasions non dépourvues de défauts divers.
Les situations exploitées par l’auteur pour en tirer des effets humoristiques épousent la chronologie de cette « virée » Paris-Le Mans :
• la prétendue « courtoisie » entre motards
• l’excédent de bagages
• les erreurs stupides de débutant (ne pas mettre le contact, panne d’essence...)
• les problèmes de confort sur le trajet (selle dure, froid, pluie à laquelle on remédie par des sacs poubelle...)
• problèmes d’orientation (on n’avait pas encore des GPS greffés dans le cerveau et espionnés par la CIA, à l’époque...)
• faire sécher les vêtements mouillés sur un barbecue improvisé...
• les nuits sans sommeil, entre les fiestas hurlantes et les fous du « burn » (faire cramer sur le sol les « peneus » arrière des motos...)
• la diversité des rencontres effectuées : le baba-cool en Deux-Chevaux qui s’incruste dans la bande, les filles sympa qu’on drague, mais qui s’en foutent un peu, les gros « virils » qui « ne veulent pas être des lopettes », et qui lèvent au rang de mythe la concentration motocycliste des « Eléphants » en Bavière ou au Nürburgring, généralement en campant dans la neige... (http://www.motomag.com/Concentration-hivernale-moto-des-elephants-europeens-mais-sans-neige.html), les jeux « musclés » en marge des 24 heures...
Le récit final narre encore les aventures d’un passionné de moto, assez victime de la mode, qui louvoie entre motocrottes et side-car...
Margerin rend bien les situations, les bruits (les pétarades des pots d’échappement hantent encore mon oreille), les puanteurs diverses (fumées de moteurs, dessous de bras échaudés, moisissures des terrains de campings pluvieux...). Son côté rétro lui colle aux basques (qui dit encore « les passages cloutés » (page 5), alors qu’il y a des décennies qu’on ne voit plus de clous sur les passages pour piétons ?) ; on chante « La tribu de Dana » (planche 12), qui est bien de 1998, date de publication de l’album...
Pour nostalgiques éventuels, archéologues de la moto, et amateurs des rondeurs bonhommes des copains tels que sait les dessiner Margerin.