Ce tome contient une histoire complète, essentielle dans la continuité et le développement des X-Men, parue en 1986/1987. Il comprend les épisodes suivants : 210 à 214 d'Uncanny X-men (scénario de Chris Claremont, dessins successivement de John Romita junior & Dan Green, JRjr & Bret Blevins, Rick Leonardi & Dan Green, Alan Davis & Paul Neary, Barry Windsor Smith et Bob Wiacek), 9 à 11 de X-Factor (scénario de Louise Simonson, dessins successivement de Terry Shoemaker & Joe Rubinstein, puis Walter Simonson & Bob Wiacek), 46 de New Mutants (scénario de Chris Claremont, dessins de Jackson Guice, encrage de Kyle Baker), 373 & 374 de Mighty Thor (scénario de Walter Simonson, dessins et encrage de Sal Buscema), 27 de Power Pack (scénario de Louise Simonson, dessins de John Bogdanove, encrage d'Al Gordon), et 238 de Daredevil (scénario d'Ann Nocenti, dessins de Sal Buscema, encrage de Steve Leialoha). Initialement, cette histoire est parue en 1986/1987. Elle fait suite à X-Men: Ghosts (épisodes 199 à 209, et annual 10).


Cette histoire est remarquable à plus d'un titre. Pour commencer il s'agit d'un crossover construit avec une certaine dextérité. Chris Claremont joue le rôle de locomotive pour l'histoire avec la série Uncanny X-Men (en abrégé UXM), Louise Simonson (ancienne responsable éditoriale de la série UXM, sous son nom de jeune fille Louise Jones) raccroche le wagon de X-Factor pour gagner en notoriété avec cette série débutante. Elle en profite pour raccrocher sa deuxième série : Power Pack (Power Pack Classic 1, épisodes 1 à 10). Walter Simonson vient épauler sa femme Louise, avec le titre dont il est le scénariste (Mighty Thor) et en dessinant la série X-Factor. Ann Nocenti (c'est son deuxième épisode en tant que scénariste sur Daredevil, la suite sera nettement meilleure, par exemple Lone stranger, épisodes 265 à 273) s'invite également, en tant que responsable éditoriale de la série UXM. Ces considérations permettent de comprendre comment les enfants de Power pack en viennent à découdre avec le psychopathe Sabretooth, et pourquoi Thor et Daredevil se retrouvent soudain embarqués dans cette histoire de mutants.


Lors de la (re)lecture de cette histoire, ses qualités et son rôle charnière apparaissent pleinement. Chris Claremont dispose encore de plein d'idées neuves pour les personnages qu'il a fait sien et cette équipe dont il dirige la destinée depuis 1975. Au fil des épisodes, le lecteur se rappelle que Magneto est alors directeur de l'école pour surdoués de Westchester (qui accueille l'équipe des New Mutants), qu'Ororo n'a plus ses pouvoirs. Il découvre pour la première fois les Marauders et il apprend l'existence d'un certain Mister Sinister. Il découvre Malice, il apprend que Wolverine et Sabretooth (un personnage encore nouveau à l'époque, en provenance des épisodes d'Iron Fist écrits par Claremont et dessinés par Byrne) se connaissent de longue date. Il voit Betsy Braddock intégrer l'équipe des X-Men (avec son joli costume rose pâle). De son coté Louise Simonson essaye de récupérer comme elle peut le concept de départ calamiteux de la série X-Factor (les 5 premiers X-Men qui se font passer pour des chasseurs de mutants, attisant ainsi le racisme envers les mutants, ne cherchez pas, c'est aussi idiot que ça en a l'air). Contre toute attente (alors qu'il s'agit de ses débuts de scénariste), elle réussit à faire ressortir l'étrangeté de la situation par le biais de Jean Grey qui revient d'un coma prolongé (voir Phoenix rising).


Au-delà de cette phase historique de l'équipe des X-Men, la locomotive Claremont a senti le vent tourner : il sait que le lectorat vieillit et qu'il doit écrire des récits plus sombres. De ce coté là, le lecteur est servi : une épuration ethnique par le biais d'exécution de sang froid, et des héros tuant leur adversaire faute d'autre solution. En vrai scénariste, Claremont raconte une vraie histoire, pas simplement une suite de scènes de carnage. Lorsque Colossus tue l'un des Marauders, ce n'est pas une scène choc n'ayant de valeur que pour la case de l'exécution. C'est un véritable traumatisme, un reniement d'une des valeurs fondamentales de Piotr Rasputin qui est confronté à un individu dont les agissements dépassent son entendement. Lorsque des X-Men sont blessés, ils ne guérissent pas entre 2 épisodes. Le niveau de souffrance des personnages est à la hauteur de l'abomination de l'extermination mise en scène. Les époux Simonson ne sont pas en reste avec la torture infligée à Angel (Warren Worthington), ou la blessure de Thor. La violence et les blessures ne sont pas édulcorées ou réduites à l'état de ressort dramatique gratuit, il y a une vraie souffrance avec des répercussions à long terme. Dans l'épisode des New Mutants, Claremont décrit l'installation de l'hôpital de fortune, la pression subie par les New Mutants s'occupant de la logistique, et le dénuement des victimes. On est très loin de la violence glorifiée comme simple dispositif de divertissement.


Bien sûr parmi ces 13 épisodes, certains ressortent comme des pièces rapportées. Les 2 premiers épisodes de X-Factor sont assez indigestes à lire parce Louise Simonson s'applique de manière besogneuse pour tout expliquer, dans un style lourd et dépourvu d'émotion. Ça va mieux pour le troisième épisode. La présence des enfants de Power Pack semble totalement déplacée parce qu'il s'agit d'une série destinée à un lectorat plus jeune, trop en décalage avec cette épuration sadique. L'épisode de Daredevil est intéressant sur le fond avec une analyse psychologique des pulsions de Sabretooth qui en font un individu à part entière (au lieu d'une caricature de psychopathe générique), mais dans la forme il est visible que Nocenti est aussi inexpérimenté que L. Simonson pour écrire des dialogues ou des bulles de pensée digestes. Le cas de Walter Simonson est un peu différent : le rythme de son scénario est plus fluide, par contre il écrit d'une manière vieillotte (déjà pour l'époque), trop proche de celle de Stan Lee. Malgré tout l'ensemble dépeint un événement horrifiant de grande ampleur en donnant plusieurs points de vue complémentaires.


Sur le plan visuel, Sal Buscema effectue un travail à mi-chemin entre les illustrations des années 1970 (formes un peu simplistes) et une approche plus agressive qui confère un ton plus en adéquation avec le tragique des événements. Simonson semble dessiner un peu vite, avec une apparence très dynamique, mais là aussi une approche encore légèrement teintée d'une vision enfantine. Les dessins de Bogdanove transcrivent gentiment les aventures du Power Pack, pour une apparence plus douce, plus adaptée à ce lectorat plus jeune. Le meilleur se trouve donc dans les épisodes de la série UXM. La mise en page de Romita junior est très vivante et Dan Green, comme Blevins apporte une texture un peu coupante aux dessins qui illustrent bien le ton cruel du récit. L'épisode dessiné par Leonardi n'est pas très joli à regarder (comme celui de Shoemaker). Betsy Braddock affronte Sabretooth dans des dessins vifs et très jolis, tout en rondeurs, de Davis et Neary. D'un coté, c'est visuellement très mignon (et donc peu raccord avec l'animalité de Sabretooth). De l'autre, cet aspect un peu jovial retranscrit bien le refus de Claremont de se vautrer dans une narration se complaisant dans une violence facile, et préférant mettre en avant le travail d'équipe, et des valeurs humanistes. Oui, Betsy est ridicule dans sa robe rose et ses petits talons ; oui elle n'en est que plus admirable dans son courage. Le tome se clôt avec l'incroyable prestation de Barry Windsor Smith. À cette époque il réalise 1 épisode des X-Men de temps à autre ; ils ont tous été réédités dans X-Men: Lifedeath (épisodes 53, 186, 198, 205 et 214). Il ne s'agit pas du plus beau car il ne s'encre pas lui-même et il ne fait la mise en couleurs. Malgré cela, la maîtrise et l'inventivité graphique de Windsor Smith éclatent par comparaison avec les prédécesseurs. Au lieu de jouer dans le registre du réalisme sanguinolent, il met magnifiquement en valeur les superpouvoirs des mutants, mais aussi leurs émotions, un vrai régal.


D'un coté cette histoire est plombée par quelques épisodes à la narration maladroite (même pour l'époque), et par l'aspect hétérogène des différentes séries. De l'autre, Chris Claremont raconte un récit qui marque la fin de l'innocence pour les X-Men, avec une plongée dans un massacre écoeurant, et des cicatrices aussi bien physiques que psychologiques qui ne s'effaceront pas de sitôt, à l'opposé des récits où seul l'effet choc compte. Après quelques épisodes plus mineurs, les X-Men luttent contre une invasion démoniaque dans Fall of the mutants 1 (épisodes UXM 220 à 227, Incredible Hulk 340, New Mutants 55 à 61). Kitty Pride et Piotr Rasputin pansent leurs plaies dans Excalibur (The sword is drawn).

Presence
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le 18 avr. 2020

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