Ce tome contient une histoire complète qui nécessite d'être un peu familier de l'univers des X-Men pour pouvoir être appréciée. Il comprend les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016 (d'abord sous format numérique, puis sous format papier), écrits par Max Bemis, dessinés et encrés par Michael, Walsh, avec une mise en couleurs de Ruth Redmond.
Bailey Hoskins est un adolescent totalement insipide. Il fréquente un lycée dans lequel aucune fille ne lui accorde un regard. Il n'aime que la musique de variété, il est nul au skate, son meilleur copain est gay. Il écrit de courts poèmes d'une rare vacuité, dépourvus de tout commencement de début d'intérêt. Cette vie banale et sans espoir d'évolution est remise en question quand un soir ses parents lui demandent de descendre de sa chambre parce qu'ils ont une annonce à lui faire. Ils sont des mutants, et il est vraisemblable que lui-même soit un mutant. Pour en avoir le cœur net, ils ont pris rendez-vous dans l'établissement de Charles Xavier, une école pour enfants surdoués.
Bailey se présente au rendez-vous avec ses parents. Ils sont reçus par Hank McCoy qui réalise tous les tests possibles et imaginables. Le verdict arrive clair et net : Bailey Hoskins dispose de superpouvoirs, mais dont la nature est létale pour lui. Il ne peut donc pas les utiliser. Alors qu'il repart accompagné par ses parents, ces derniers meurent lors d'une attaque par des Sentinelles. Il est recueilli dans l'école de Charles Xavier et bénéficie des conseils de Jubilation Lee, et d'une armure conçue et fabriquée par Forge. Cependant, il est toujours aussi inutile.
Le titre de ce récit indique clairement qu'il s'agit d'une histoire de nature ironique, avec une dimension humoristique. Max Bemis est les chanteur et compositeur du groupe Say Anything. Il a déjà écrit des comics : Crossed Volume 16 pour Avatar Press, ou Evil Empire pour Boom Studios. En une séquence, il installe le personnage falot de Bailey Hoskins, de manière efficace, amusante (les problèmes de goûts musicaux trop tièdes), tout en prenant soin que le lecteur éprouve un vague sentiment de pitié pour ce jeune homme bien sous tous rapports. Tout en ayant bien compris que Bailey méritera son titre de pire X-Man, le lecteur partage son plaisir enfantin et très entier en découvrant qu'il est un mutant, enfin une qualité intrinsèque qui le fait sortir du lot. Il ressent son excitation à se retrouver sur le campus des X-Men. L'auteur prend comme approche, que l'existence des X-Men est établie et qu'ils jouissent d'une certaine renommée, ce qui explique que Bailey connaisse des détails sur l'organisation de l'école, et soit capable de reconnaître certains X-Men.
Le lecteur éprouve un choc en voyant le décès des parents de Bailey, encore plus du fait de la soudaineté de leur mort et de la forme idiote qu'elle prend. Il se dit que le récit va être vraiment irrévérencieux et un peu satirique. Mais en fait, le scénariste se cantonne aux mêmes dispositifs comiques. Bailey Hoskins est un chic type sans réel défaut si ce n'est de vouloir être quelqu'un sans avoir à faire d'effort. Son niveau d'espoir augmente du fait des circonstances, puis il est réduit à néant du fait de la réalité. Ayant compris qu'il ne serait jamais un X-Man d'envergure, il se dit que sa rencontre avec Mystique lui permettra d'accéder à une autre forme de reconnaissance, mais bien sûr tout ne se passe pas comme prévu.
Max Bemis parsème son récit d'autres gags. Il joue sur l'exagération des traits de caractère de certains X-Men. Logan apparaît comme effrayant et imprévisible en tant que professeur, et en tant que X-Man. Hank McCoy se lance dans des explications complexes, avec des mots très compliqués. Bemis connaît bien les X-Men, mais ce type d'humour a déjà été utilisé par d'autres scénaristes, avec plus de conviction. Il raille doucement l'organisation des X-Men avec leurs différentes équipes, évoquant rapidement X-Force, X-Factor, New Mutants, Alpha Flight. Là encore le gag est très léger et peine à faire sourire. Il règne donc tout au long du récit une bonne humeur vaguement sarcastique qui fait sourire, sans réussir à passer au niveau au-dessus.
D'un autre côté, Max Bemis ne se contente pas d'aligner les scénettes pour mettre en place une chute comique, et de passer à la suivante ; il raconte aussi une histoire. Il a construit une intrigue à l'échelle des 5 épisodes. Cette intrigue se déroule en toile de fond, le scénariste la reléguant au second plan, le premier plan étant réservé aux petites vexations du personnage principal, et aux situations propres à l'humour. En conséquence de quoi, le lecteur éprouve une forme de détachement vis-à-vis de cette intrigue qui n'a l'air d'être là que pour servir de support au reste. L'apparition de Mystique ne semble justifiée que pour attirer Baley Hoskins du côté obscur, sous l'influence d'une femme fatale. L'arrivée d'une nouvelle jeune mutante au pouvoir énorme donne surtout l'impression de pouvoir tricoter le dénouement de l'histoire. Le virage dans un futur alternatif arrive comme parachuté sans signe annonciateur dans les épisodes précédents, produisant une rupture de ton importante. L'événement qui provoque cette divergence temporelle est artificiel et manichéen.
Au cours du récit, le lecteur repère 2 thèmes inattendus. Le premier est développé par Hank McCoy, après avoir analysé la nature des pouvoirs de Miranda. Il se lance dans un monologue surl a continuité, expliquant pourquoi les mutants les plus puissants préfèrent dominer la situation plutôt que de réellement refaire le monde. Le sens du discours apparaît bien en l'appliquant à Miranda et ses pouvoirs, par contre il reste fumeux en ce qui concerne la continuité dans les comics (or l'usage d'un mot comme Continuité n'est pas anodin dans un comics avec un second degré de lecture). En arrière-plan, le récit montre comment Bailey Hoskins reste un paria, qu'il soit dans la société normale ou dans celle des mutants. Cette caractéristique évoque la solitude de l'individu, sa différence quel que soit le milieu dans lequel il se trouve.
Michael Walsh a déjà illustré plusieurs histoires, dont les mémorables Secret Avengers d'Ales Kot, 3 tomes à commencer par Let's have a problem. Il détoure les formes avec des traits un peu lâches, pas forcément jointifs, ce qui apporte une forme de spontanéité aux dessins. Il représente les objets et les silhouettes de façon un peu grossière, plus attaché à l'impression d'ensemble qu'au menu détail. Cela donne une apparence un peu flottante qui va très bien avec la forme de dilettantisme mou incarnée par Bailey Hoskins. L'artiste a bien fait son travail de référence et les apparences des différents X-Men sont conformes aux séries régulières, jusqu'au détail de leur costume. Les traits un peu épais donnent un air d'excités du bocal aux superhéros, avec Logan mal dégrossi (ce qui correspond bien à sa personnalité), Psylocke complètement déchaînée lorsqu'elle débite de l'homme de main (tout à fait dans sa personnalité d'assassin ninja), Mystique avec des courbes bleues de femme fatale, Sasquatch avec un air idiot de bestialité, etc. Cette approche met en avant une vision caricaturale des superhéros, en phase avec le ton du récit, mais presque plus méchante que celle conçue par Max Bemis.
L'approche un peu mal dégrossie de Michael Walsh fonctionne très bien pour les situations humoristiques. Les expressions du visage de Bailey Hoskins expriment parfaitement son état d'esprit (impossible de résister à son expression de joie lorsqu'il annonce son nom de superhéros plein d'emphase et sans une once de modestie, à savoir X-ceptionnel, ni à celles décontenancées de Jubilee et Forge). L'artiste s'avère tout aussi convaincant dans les séquences normales, avec la position des personnages, à commencer par la consternation de Jennifer Walters (She-Hulk) lors de l'audience avec l'avocat d'un homme de main que Bailey a violenté. Il peut également se montrer moqueur dans les scènes d'action en mêlant humour noir et violence (la mort des parents de Bailey), ou moquerie et violence (l'homme de main avec la tête enfoncée dans les toilettes).
En refermant ce tome, le lecteur reste décontenancé avec la fin, assez abrupte et renforcée par une courte lettre de l'auteur avec la réponse de son responsable éditorial. Il se dit qu'il a souri à plusieurs reprises, mais que l'histoire est un peu légère et que l'humour hésite en premier degré et absurde. Les dessins racontent bien l'histoire, un peu trop dans le ton de la dérision.