4ᵉ volet craigien de 007. Sam Mendes garde la main à la réalisation, ce qui est une bonne chose et nous donne droit à des images superbes avec des tons variables au gré de l’évolution de l’histoire (teintes chaudes au Mexique et à Tanger, froides dans les Alpes).
Le début hallucinant lors de la fête des morts à Mexico avec un plan séquence très maîtrisé est un modèle d’introduction, ce qui en fait le morceau de bravoure derrière lequel le film va courir.
Là où SKYFALL nous parlait de la déconstruction totale du mythe, SPECTRE nous parle de la reconstruction.
Découverte de sa Némésis avec un Christopher Waltz intéressant, même si Javier Bardem avait mis la barre très très haute, et toute la dernière partie dans cette imbrication de ruines avec les affiches des personnes mortes lors des épisodes précédents est une vraie introspection dans la tête de Bond. Dans les scènes finales, lorsque Blofeld et Bond se regardent à travers le miroir, le visage de Blofeld vient se superposer sur celui de Bond
Mendes s’appuie très nettement sur les Bond des années 70 (clin d’œil à VIVRE ET LAISSER MOURIR, et AU SERVICE DE SA MAJESTÉ, entre autres).
Il faut néanmoins reconnaître une baisse de tempo par rapport aux opus précédents donnant parfois au film une impression de faux-rythme lancinant.
On est dans un entrelacement de références 70’s (ou antérieures, comme Madeleine Swan, allusion proustienne s’il en est) et actuelles (l’empoisonnement de White au thallium, comme les opposants russes), empêchant ce film de pouvoir se caler historiquement. Le personnage joué par Dave Bautista, en sidekick de Blofeld, est un hommage à Odd-jobb dans GOLDFINGER. On voit également arriver le chauffeur de Blofeld à bord d’une Rolls Royce de 1948, semblable à celle utilisée dans ce film. Bond repart à la fin du film avec sa DB 5 traditionnelle. Et la mort du personnage de Bautista est un clin d’oeil aux DENTS DE LA MER.
Mais le vrai thème central du film est annoncé dans l’incipit du film : « The dead are alive » (les morts sont vivants). Et tout va tendre à le montrer.
Le film débute sur la Fête des Morts, au cours de laquelle on fête les défunts comme s’ils étaient encore parmi nous. Bond lui-même participe à ce principe. Après la mort de M, dans SKYFALL, il va tenter de revivre. Il commence le film en squelette pour tomber cet accoutrement afin de revenir parmi les vivants. Plusieurs fois dans le film, on le voit tomber. Il se réceptionne à chaque fois (sur un canapé, dans un filet). D’ailleurs, paradoxalement, et c’est M (Mallory) qui le fait remarquer, le « double 00 donne le droit de tuer, mais aussi le droit de ne pas tuer ». De mort, et de vie donc.
Monica Bellucci est devenue une femme en sursis (« Vous me donnez 5 minutes de sursis ») après que Bond ait tué son mari lors du début du film.
Nombre des personnages que Bond a croisés dans les volets précédents et qui sont dans la liste des morts sont présents malgré tout (sous forme de vidéo, de fichiers, de photos). White, pas encore mort (mais pas en forme), laisse à Bond le soin d’assurer le reste de sa vie (sa fille).
Le monde actuel se meurt parce que construit sur les ruines de l’ancien (toute la dernière partie est très symbolique de ce côté-là). D’ailleurs le nouveau siège du renseignement n’est-il pas désigné comme « un fantôme numérique ».
Après tout, on aurait dû se douter de tout ça. Le titre (désignant l’organisation secrète) désigne aussi les fantômes du passé.
Au final, Bond se retrouve à épargner Blofeld et le livrer à la prison, faisant de lui un mort vivant. Il se retrouve également au milieu du pont (littéralement) à choisir entre le devoir (Mallory) et l’amour (Madeleine).
Un volet moins abouti que le précédent, mais laissant toutefois une impression de travail soigné.