Spectre est un film un peu anti-spectaculaire. Car malgré le fait qu'il soit parsemé de plusieurs scènes d'actions comme tout James Bond qui se respecte, ces passages sont assez mollassons et sans réelle intensité. Mais la scène d'intro nous montre que Spectre est capable de tension, de spectacle. Et c'est là qu'on comprend que le film à une vraie intention de rythme. Je vois beaucoup de gens déçus par le film après une telle entrée en matière, moi je dirai qu'elle fait la force du film.
Cette introduction (plan-séquence, scène de l'hélico et générique compris) est incroyable. Une des meilleurs intros de blockbuster que j'ai pu voir au cinéma. Le carton d'entrée qui est d'une simplicité étonnante, la musique qui se cale parfaitement avec une montée en tension d'autant plus vibrante qu'on ne comprend pas ce choix de mise-en-scène de laisser tourner sur un couple qui prend un ascenseur. Et puis le reste. Je n'ai pas vu d'autres James Bond à part Skyfall mais je suis près à parier qu'il s'agit là d'une des meilleures scènes de la franchise. Vraiment c'est magistral.
Ensuite, le film se pose, montre beaucoup d'échanges, de changements de lieux, de moments de calmes et mêmes quand ces derniers annoncent une montée en tension et je pense à l'entrée en scène de Christophe Waltz que je trouve très bien réalisée pour son côté atmosphérique (genre de passages trop sous-estimés dans le cinéma d'action actuel), et bien la scène de course-poursuite qui suit n'a rien de très impactante. Son interêt réside plus dans le coup de fil que Bond passe à Q, que dans les dérapages de bolides dans la vieille Rome.
Mais pourtant avec une telle scène d'exposition (qui m'a vraiment fait beaucoup d'effets, je re-précise) bah on reste dans le film, sans même froncer des sourcils, parce qu'on sait qu'il peut se passer tout et n'importe quoi. Et là où après on pourrait commencer à sombrer dans l'ennui, après une demi-heure d'échanges et de scènes d'actions sans réels cachets, et bien il y a la scène du train. Daniel Craig qui chope l'énorme crâne granitique de Dave Bautista (provoquant une hallucination auditive de ma part) entre ses paluches de grenouille, du moins à l'échelle du colosse qu'il a en face ; j'ai frissonné. Les corps qui passent à travers des murs en contreplaqués (ressenti ; bois de chêne) et la vitesse du train qui se fait ressentir avec la vélocité des barils qui s'expulsent à toute allure jusqu'à emporter le T-800 avec eux, s'avouant vaincu avec un "shit", seul mot qui sortira de sa bouche de tout le film, le rendant bien mémorable.
Après ça, un homme et une femme qui se regardent, l'une, toute bouleversée par une situation pareille demande à l'autre ce qu'ils pourraient bien faire après tant de violence. La réponse est donnée par le montage ; faire l'amour. Ça m'a éclaté, cette spontanéité, cette logique aussi bourrine et en même temps tellement bien assumée par son personnage principal.
S'ensuit un calme, avec ces deux compagnons, maintenant amants, scrutant en silence l'horizon du désert et sa vacuité derrière leurs ray-ban ; après le volupté, le vide, l'attente de la mort, de la réalisation du destin. Presque toujours la classe se fait sentir avec le moins de mots possibles.
Pour le reste, l'histoire ne se suit pas sans grand désintérêt, on ne joue pas sur les gros coups de théâtre répétitifs à base de "en fait lui sé un trètre". Les méchants sont les méchants dès le début, même ceux qui sont présentés sous des traits familiers (je pense au personnage d'Andrew Scott). Et puis il y a un vrai petit rapport avec l'actualité (ça reste plus intéressant que Skyfall avec sa bête histoire de vengeance), tout en restant dans le classique schéma d'antagoniste qui tire les ficelles depuis le début, histoire de ne pas trop se prendre au sérieux dans un film pareil. Ce que je veux dire par là c'est que le film trouve bien son ton.
Et puis j'aime bien la fin, qui a le mérite de ne pas précéder un épilogue interminable avec le grand discours pompeux sur la société surveillée de partout, le genre de trucs à craindre dans les productions de cette taille. On a juste droit à James Bond qui fait un petit acte de coquetterie, histoire de partir avec sa nouvelle conquête féminine comme il se doit, dans les règles de la tradition "british".
Mais pendant les 2h30 du film, si j'ai autant adhéré au déroulement de l'intrigue et à la mise-en-scène, c'est bien grâce à cette séquence d'ouverture vertigineuse. Et quand un film réussi une telle prouesse, je ne peux pas m'empêcher de la souligner.