Mise au point :


D’abord enthousiasmé par Spectre, j’en avais écrit une critique dithyrambique, louant ses qualités face à ses nombreux détracteurs (et d’ailleurs, un grand merci aux 639 lecteurs ayant penché leur nez sur mon travail à l’heure où je rédige ce texte). Pourtant, au terme d’un troisième visionnage (et probablement le dernier avant longtemps), le film m’a étonnamment déçu, les défauts qu’il comporte m’ayant alors sauté au visage. Il faut dire qu’en tant que fan hardcore de la franchise voyant le film deux semaines en avance au Grand Rex en présence du casting, j’avais probablement été trop indulgent avec ce dernier. Préférant jouer la carte de l’honnêteté, voici donc ma critique réactualisée de Spectre.


Auréolé du succès de son incroyable Skyfall, le réalisateur Sam Mendes reprend du service pour offrir à 007 sa vingt-quatrième aventure. L'espion se retrouve cette-fois ci opposé à une organisation criminelle de grande envergure, le mythique "Spectre". Au programme : belles voitures, courses-poursuites endiablées, scènes d'action et d'amour inoubliables, etc... Bref, tout ce qui fait de James Bond ce qu'il est depuis 1962, date de sortie du premier film, Dr. No.


Pour Sam Mendes, le pari était plus que risqué. Déjà parce qu'il avait au départ décliner l'offre des producteurs et ne souhaitait pas remettre le couvert. Ensuite, succéder dignement à Skyfall s’avérerait complexe, tant l'amour des fans pour ce film est grand et les attentes élevées. Alors, qu'en est-il ? Force est de constater que le pari est atteint malgré tout, mais au terme d’une aventure périlleuse. Le film est, en quelque sorte, un film d’équilibristes, l’œuvre d’un cinéaste et d’une équipe tentant tant bien que mal de ne pas tomber du fil sur lequel ils progressent pendant deux heures et demie. Le résultat final est une déception mesurée, un film qui laisse sur sa faim sans pour autant donner des envies de meurtres.


Commençons tout de suite par aborder le sujet qui fâche : le scénario. Classique, minimaliste dans ses enjeux, progressant avec difficulté, l’histoire de Spectre est un échec d’autant plus fort qu’elle succède à Skyfall, qui réussissait à lier développement de personnages et jeu du chat et de la souris entre Bond et le grand méchant Raul Silva. De quoi nous tenir en haleine sans trop forcer. Là, le soufflé se dégonfle trop vite et c’est assurément la première partie du film qui est la mieux gérée. Toutefois, le scénario ne manque pas d’ambitions. Sans spoiler, je me contenterais de dire qu’il amène Bond sur un terrain auquel il ne s’était plus confronté depuis un bon moment, sur le plan sentimental notamment.


Puisqu’on en parle, la relation Bond/Madeleine Swann (comprenez Léa Seydoux) est forcée et malheureusement peu subtile. Là encore, les scénaristes amènent de bonnes idées de développement de personnages, mais ces dernières sont presque immédiatement tuées dans l’œuf. N’en ressort au final qu’une amourette peu convaincante, le tout alourdi par la prestation complètement ratée de Léa Seydoux, qui semble très mal à l'aise avec la langue de Ian Fleming.


Enfin, pour en terminer avec la part sombre de ce dernier James Bond en date, le méchant s’avère lui aussi manquer de soin. Christoph Waltz semble en effet décidé à nous livrer une interprétation digne de celles de Hans Landa (Inglourious Basterds) et King Schültz (Django Unchained), ce qui engendre une prestation sympathique mais vide d’originalité. De plus, le twist le concernant fait l’effet d’un pétard mouillé. Et une fois encore, la comparaison avec le volet précédent ne pardonne pas…


Pour autant (et fort heureusement), le film assure niveau scènes d’action, nettement plus présentes que dans Skyfall. A l’exception d’une scène de course-poursuite à Rome (peut-être un peu vide), elles sont correctement orchestrées et rentrent parfaitement dans l’esprit de la saga. Mention spéciale à la scène d’ouverture, sans doute la plus dantesque jamais filmée depuis les origines de Bond au cinéma.


Mais là où Spectre est malgré tout pertinent et digne d'intérêt, c'est dans sa volonté de révolutionner encore un peu plus le personnage de James Bond. Ainsi, si l'attitude du personnage n'a que peu changé, il lui arrive encore de nous surprendre, les décisions prises par l'espion allant parfois à l'opposé de ce que nous aurions pu attendre. Enfin, Spectre entérine les quatre James Bond mettant en scène Daniel Craig comme une saga à part entière, là où tout les précédents acteurs étaient "interchangeables", la saga gardant systématiquement la même cohérence visuelle et artistique. Malgré tout, Sam Mendes et son quatuor de scénaristes (dont les géniaux Neal Purvis et Robert Wade, aux commandes depuis Casino Royale) gardent l'héritage de Bond comme fondation de l'intrigue : en témoigne cette surprenante phrase d'ouverture, "the dead are alive", qui prend ici un double-sens de lecture : elle fait bien évidemment référence à l'intrigue du film (no spoilers) tout en évoquant la saga 007 elle-même : le James Bond d'il y a vingt ans, tombeur de ces dames et bardé de gadgets semblait disparu à jamais, le voilà ramené à la vie, au moins pour un film.


Au final, Spectre n'est pas un grand James Bond ni même un grand film. Il tient la route en terme de divertissement et parvient à citer les précédents opus sans tomber dans l'écueil du "fan-service" ignare. Malheureusement, un scénario trop instable, une interprétation parfois vacillante et une longueur injustifiée viennent ternir le résultat final, chancelant et hésitant.

Bewaretheblob
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le 30 oct. 2015

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