Parce qu'il comporte des défauts trop importants ou gênants pour y parvenir.
Comme d'habitude, on peut reprocher à SPECTRE sa trop longue durée, vu que c'est le défaut de tous les "James Bond" depuis les années 1990.
Les rôles féminins ne sont pas convaincants et ça, c'est beaucoup plus embêtant. Monica Bellucci joue vraiment très mal ses trois scènes, et on oublie très vite qu'elle était dans le film. Léa Seydoux est autrement plus présente, mais malheureusement n'est pas tellement plus crédible que sa collègue italienne. Vue la place qu'elle occupe dans le scénario, c'est bien plus ennuyant. Elle parvient cependant à s'en tirer, mais difficilement. Ce n'est pas une Bond-girl qui marquera les esprits.
Pour le reste de la distribution, si l'équipe du MI6 est désormais plus dynamique et intéressante que dans la série historique, le choix d'Andrew Scott pour interpréter le rôle de C n'est pas forcément des plus judicieux tant c'est marqué sur sa figure qu'il est faux. Beaucoup l'ont vu auparavant en Moriarty dans SHERLOCK et dès qu'il apparait à l'écran on suppose déjà qu'il est louche. Il aurait peut-être mieux valu l'interpréter différemment, ou le diriger autrement, ou lui écrire des dialogues plus ajustés. Plus embêtant : Daniel Craig qui, avec ses cheveux ras, me pose vraiment un problème depuis Skyfall. J'ai souvent l'impression de revoir le Grant de Bons Baisers de Russie, et pas Bond.
Dernier défaut, et pas des moindres : Blofeld.
Christoph Waltz est un fabuleux comédien - personne n'en doute - et encore une fois il donne une performance de qualité. Le problème ne vient pas de l'acteur qui est encore très bon, mais du scénario. Qu'est-ce que c'est que cette foutue manie de toujours vouloir donner des explications à tout !? Dans la série classique, Blofeld était un dangereux mégalomane qui aspirait à diriger ou terroriser le monde. Point. Ses raisons, ses origines, on s'en foutait et ça n'a jamais gêné personne de ne pas les connaître. C'était un archétype. Celui du méchant. Le mal contre qui doi(ven)t lutter le(s) gentil(s). C'est tout. Dans ce genre de film c'est suffisant. Maintenant, on se croit obligé de nous expliquer pourquoi il est méchant ; quelles sont les raisons qui ont fait de lui ce qu'il est. Car il doit avoir une excuse pour être ainsi, le pauvre petit. Hein ? Et là, il faut s'accrocher quand on entend la réponse des scénaristes : parce que "pendant deux hivers, mon papa a appris le ski, l'escalade et la chasse à James au lieu de s'occuper de moi." Voilà. Blofeld détruit le monde parce qu'on lui a piqué son BN à la récré, en gros. Il était jaloux de ce vilain orphelin de James Bond quand il était gamin, le pauvre petit. (ou parce qu'il n'a pas trouvé un bon psy depuis). C'est ridiculement idiot et grotesque. Voilà comment flinguer la crédibilité d'un personnage majeur de son récit. Les scénaristes qui ont pondu ça et la production qui l'a validé sont des imbéciles.
Dans le genre grotesque, peu de temps après, Bond se fait forer le crâne à la perceuse des deux côtés, et à peine échappé (même pas mal), grâce à sa copine qui fait tout le temps la gueule, il court partout, canarde, mitraille et fait péter le repaire du vilain-pas-beau (la plus grosse explosion de tous les temps au cinéma, enregistrée par le Guinness Book of records. L'ironie, c'est qu'elle est mal réalisée et n'est pas particulièrement inoubliable). Et pour finir avec les points vraiment négatifs, on a une base secrète à peine montrée qui se fait détruire en trois secondes et une chanson de générique abominable (une des trois pires avec Die Another Day et Quantum of Solace).
Pour le reste, les aficionados retrouveront avec plaisir le schéma classique d'un "James Bond" historique : gunbarrel sequence / prégénérique (encore une bagarre trop longue en hélicoptère - Bond n'a rien à foutre de la foule qui peut crever) / générique / film incluant des poursuites, des bagarres, un gros vilain, un chat blanc, un autre vilain, du tourisme, des jolies femmes, un méchant et des explosions / générique / James Bond will return. Ils seront donc comblés par le fan-service parfois trop appuyé (la séquence de fin, aux limites de la stupidité), les moments qui évoquent Dr. No (les chambres dans la base et le costard de Blofeld), Bons Baisers de Russie (bagarre en train, chat), Opération Tonnerre (réunion du SPECTRE, chat), On ne vit que 2 fois (cratère, Blofeld, chat), Au service secret de Sa Majesté (Piz Gloria, chat) ou encore L'Espion qui m'aimait (Requin, pas chat).
Le film a beau être encore très long, il le paraît moins que le précédent. Sans doute parce que les poursuites sont plus réussies et regardables (Rome et Autriche) et que l'ensemble est mieux rythmé. SPECTRE reste donc bon malgré ses faiblesses qui ne lui permettent pas de se hisser au niveau de Casino Royale. Et c'est bien dommage, car il aurait vraiment pu y parvenir sans ces écueils trop évidents. On n'appréciera le film qu'après avoir vu les trois précédents car, si Skyfall peut se voir indépendamment des deux premiers de la nouvelle série, il faut tout de même l'avoir vu pour comprendre tout ce qu'il s'y passe.
P.S : Au fait, Sens Critique, le film s'appelle bien SPECTRE et pas "007 SPECTRE". C'est un non sens complet. Le 007, c'est le logo de l'affiche (revoir le générique). Dans ce cas-là, pourquoi ne pas aussi dire "Skyfall 007" ou "GoldenEye 007". C'est totalement idiot. L'équipe de com' française fait n'importe quoi, alors vous faites pareil.