Devant les notes calamiteuses des trois quarts de mes éclaireurs et l'incompréhension que ces notes ont suscité chez moi, j'ai eu envie de défendre Spectre pour lequel je me suis prise d'affection, allez savoir pourquoi. Oui tiens d'ailleurs, allez savoir pourquoi :
Peut être ma connaissance de James Bond est-elle trop faible pour pouvoir replacer Spectre dans son contexte. Je n'ai guère vu que ceux avec Daniel Craig, et je me rattraperai. J'avais préféré Skyfall, largement. Mais quand même, je n'ai pas été déçue de ce retour ! J'ai retrouvé ce que j'avais aimé déjà dans les autres : l'approfondissement psychologique du personnage, l'exploration des fêlures, le rapport de James Bond à la famille, aux femmes, à la mort. Dans la première séquence avec Léa Seydoux, cette ambition est même tournée en dérision par un interrogatoire pseudo-psychologique. Sur cela j'ai ri, comme à bien d'autres moments du film, ri oui, l'humour n'était pas absent et il était toujours bien dosé et placé au bon moment.
Et puis une seule raison d'immédiatement tomber sous le charme de Spectre : la scène d'ouverture !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! J'en ai eu les larmes aux yeux, oui mesdames messieurs, les larmes aux yeux. Les mots qui arrivent comme ça, qui tombent sur l'écran noir avec des gros "boum", "The dead are alive", la fête qui commence, les morts qui reviennent, les percussions, tout est parfaitement orchestré, tout roule. Plus encore que les autres, je trouve que Spectre explore au mieux cette thématique de la mort appliquée au personnage de Bond, celui qui ne meurt jamais, mais dont on a tout le temps peur que cette fois il échoue, dont on se demande comment il vit avec cette amie funeste au quotidien, ainsi qu'avec l'image de ceux qu'il a tués ou perdus. De fait, j'ai trouvé cela assez fort de le voir déguisé en squelette, comme si on creusait toujours plus profond en lui, comme le méchant prétend le faire à la fin en cherchant l'homme qui se cache dans sa tête. Dans le même ordre d'idées, la scène dans laquelle Bond se retrouve encerclé par des cibles avec sa tête, puis celle de ses ennemis, puis celle de ses aimés, m'a tout autant émue. Des sortes de présences fantomatiques qui resurgissent comme dans le générique. Avec tout au long du film ce fil rouge : les morts continuent de travailler. M a laissé sur cassette une mission à accomplir, le suicidé du début du film n'a de cesse de planer au dessus des personnages. Que restera-t-il de nous ?
La question de la famille est moins bien traitée, moins subtilement. On laissera cela à Skyfall.
On peut aussi y aller pour une chouette idée de décor, une base au cœur d'un trou de météorite, ce qui donne lui à une histoire émouvante de la part de Christoph Waltz : on était dans l'univers, dans une sorte de magma noir, et un jour on s'est retrouvés propulsés sur la Terre et on y a fait un trou, on y a laissé une trace.Que restera-t-il de nous ?
De plus, on a un James Bond qui évolue avec son temps (problématiques de la technologie, de l'avenir des agents secrets face aux drones, de la corruption) tout en gardant de vieilles habitudes. Et franchement, on a forcément plaisir à retrouver des vieux objets, la musique, des répliques, des personnages, ou ce tour du monde au cœur de chaque film.
Moi qui adore Christoph Waltz, j'aurais aimé qu'il soit un peu plus méchant et qu'il soit un peu plus présent aussi. Mais ça c'est un désir purement personnel.
Une grosse réserve par contre sur le personnage de Léa Seydoux. On sent les scénaristes tiraillés entre l'envie de faire d'elle une femme forte, indépendante (on va faire qu'elle sait tenir un flingue, qu'elle ait eu une enfance difficile, qu'elle ait du se défendre tôt) et la réalité qui est d'en faire une nunuche de plus. Pourtant, en dépit du peu d'épaisseur du personnage, tout m'a donné l'impression dans le film qu'on dictait à James Bond ce qu'il devait ressentir pour elle. Ils ont voulu en faire une sorte de deuxième femme de sa vie, la faire ressortir par rapport aux autres, mais plus dans les paroles qu'en donnant une réelle intensité au personnage féminin et à leur relation. Ce qui donne lieu à une impression de coup monté pas sincère, et deux images de fin successivement assez ridicules. Le début, c'est l'apothéose ; la fin, c'est les pires images. Dommage.
En dépit de cette réserve, je ne vois pas vraiment quoi reprocher d'autre à ce Spectre qui m'a fait passer 2h30 très très agréables, et quelques faiblesses, quelques scènes en dessous n'ont pas réussi à altérer mon enthousiasme sincère.