100% Cachemire par Benjicoq
Aleksandra est rédactrice en chef du magazine Elle. Cyril son mari travaille dans le milieu de l’art. Ils sont très aisés, et n’ont pas vraiment tellement de temps à consacrer à leur vie privée, mais décident d’adopter un enfant, après de nombreuses tentatives ratées de conception naturelle. Ils utilisent au maximum leurs contacts, leur argent et se font attribuer un petit russe. Ils n’ont pas pris le temps d’aller le rencontrer sur place, et à la livraison du petit à l’aéroport, c’est la douche froide. Le gamin n’est pas franchement sympathique, et du coté d’Aleksandra, ce n’est pas le coup de foudre, loin de là, l’envie lui prendrait presque de demander remboursement contre renvoi à l’expéditeur.
Un nouveau film de Valérie Lemercier, après 8 ans d’absence derrière la caméra, je l’attendais avec pas mal d’impatience ! Et les premiers retours sont arrivés. D’abord les blogs cinéma que je suis, puis la presse, qui qualifie assez unanimement le film d’ « accident industriel ». De ratage complet. Arg. À ce point?
Bon, non, ce n’est pas le pire film de l’année, loin de là, mais c’est vraiment pas glorieux. Alors oui, de temps en temps j’ai ri, parfois très fort. Parce que Valerie Lemercier sait parfois très bien jouer de son physique et quand elle prend son air neuneu, je ris toujours. Parce que quand elle balance des bordées d’injures avec conviction, oui, elle est toujours très bonne. Mais bon, mis à côté des nombreuses blagues pas drôles/ringardes/limites… Les clichés pour la 1000éme fois sur les riches hors des réalités et des prolos incultes (quoi, tu ne connais pas Albert Cohen?) qui mangent des surimis périmés, c’est rédhibitoire. La mère juive hystérique, l’ado qui hurle, la baby sitter qui sniffe les slips du mari … On dirait que tous ces personnages secondaires ne sont là que pour dédouaner Aleksandra, par contraste, tellement tout le monde est répugnant autour d’elle. C’est vraiment génant, malgré les horreurs qu’elle fait pendant le film (qui sont minimisées, ou plus simplement balayées d’un revers de main), elle réussit à paraitre merveilleuse, héroïque, mère courage (la révélation d’un traumatisme enfantin apparait comme une cheveu sur la soupe au pire des moments, comme pour l’absoudre). la satire, c’est mieux quand le personnage principal n’est pas épargné. Dans Palais Royal! , Armelle devient de plus en plus monstrueuse, allant jusqu’à provoquer un vrai petit malaise chez le spectateur. Et c’était génial. Là non c’est plat.
Le tout dans une absence de rythme ou d’énergie complète. C’est complètement apathique, informe ; le film n’a pas vraiment de sujet, aucun point de vue, ça se sent. Il parait qu’il a été complètement remonté en catastrophe suite à des retours calamiteux des projections test, et je suis prêt à le croire. Parce que ca sent le truc fini en panique, il y a trop de personnages , de situations, d’arcs dramatiques évoqués et complètement abandonnés. Ou des passages complètement incompréhensibles, comme si le remontage avait été fait trop vite, et que des passages explicatifs avaient disparu, mais qu’on avait gardé d’autres passages à cause d’une blague qu’on aurait voulu garder. Le personnage de Marina Foïs me semble le plus sacrifié à ce petit jeu. Au final, elle n’est la que de temps en temps, avec rien à défendre, alors que j’ai vraiment senti qu’il y avait beaucoup plus de contenu la concernant , au moins à une étape antérieure du scénario .
Et au contraire on a des personnages qui ne font rien de tout le film. Comme l’enfant adopté. Une fois arrivé en france, il ne fait/dit rien, il ne sert que de prétexte à des situations, c’est un personnage-outil complètement mécanique , Valérie Lemercier se désintéresse complètement de lui au bout d’un moment, il disparait complètement du film assez vite. De toute façon on ne saura vraiment jamais pourquoi ils voulaient un enfant, on alterne mollement entre la piste « les enfants c’est épanouissant pour une femme, vous voyez » et la piste « c’est super trendy, un gosse, c’est swag » . Signe que ce gamin n’a pas été développé en tant que personnage, la greffe qui ne semblait pas prendre (elle le renvoie quand même dans l’orphelinat en Russie) finit par le reprendre comme par magie, on ne sait pas trop pourquoi (elle le récupère aussi facilement qu’elle l’a laissé, en cachette de son mari, des services sociaux - je ne suis pas spécialiste de l’adoption, mais ce passage me semble vraiment improbable).
Et que dire du basculage vers le drame complètement raté, l’emotion facile et factice, et ce happy end immonde, avec du vent dans les cheveux, des bons sentiments, et une résolution qui sort de nulle part, comme le père d’Alexandra qui finit avec une amie son ex femme, alors que rien de cet arc narratif n’était apparu dans le film - probablement un bout d’histoire qui a disparu au montage.
Bref , la prochaine fois que Valérie Lemercier bosse sur un film, j’espère qu’elle ne refera pas l’erreur de tout laisser en plan pour adapter un fait divers qu’elle a lu dans un magazine. Il ne lui reste qu’à reprendre le travail de l’autre film en cours là où elle l’a laissé, en espérant que ça soit mieux la prochaine fois.
Ah et si quelqu'un peut m'expliquer pourquoi le film s'apelle 100% Cachemire, je suis preneur...