- Je ne suis pas autorisé à agir sur le territoire indien. C'est maintenant du ressort d'un policier fédéral.
- Quel est le meilleur policier, selon vous ?
- Bill Wathers est le meilleur enquêteur. Le plus méchant s'appelle Rooster Cogburn. Un type sans pitié. Il n'a pas peur de grand-chose. Je dois vous dire que L. T. Quinn est le plus correct. Il ramène ses prisonniers vivants.
- Où je peux trouver Rooster ?
Tom Chaney brûle en enfer !
Cent Dollars pour un shérif est un western réalisé par Henry Hathaway sur un scénario de Marguerite Roberts adapté du roman True Grit, de l'auteur Charles Portis. Une grande aventure au service d'un trio de personnages bien assorti avec le shérif Rooster Cogburn (John Wayne), Mattie Ross (Kim Darby) et Texas Ranger La Boeuf (Glen Campbell), qui vont vivre un périple obstiné et naïf au cours d'une chasse à l'homme articulée autour de Tom Chaney (Jeff Corey), un assassin. Un récit qui met en avant la bravoure et la ténacité à travers une intrigue réfléchie qui va offrir une belle description ainsi que du relief et de la personnalité aux personnages, tout comme à l’histoire et ses décors. Une élaboration spirituelle et ironique qui propose des dialogues formidables où on se régale de la répartie sarcastique de Mattie Ross. Une oratrice de caractère qui apporte des discussions savoureuses pleines d'énergies et d'entrains, notamment lors de ses nombreux échanges croustillants avec le shérif Rooster. L'un des instants les plus appréciables étant situé à Fort Smith lors de la négociation musclée autour des poneys mustang pour 300 dollars, avec une Mattie entêtée qui ne lâche rien. Une histoire haut en couleur qui se déguste avec nostalgie pour une traversée somptueuse de l'Ouest gorgée de poétisme, de pittoresque, de bienveillance, de tragique, de réflexion et d'humanité.
Cent Dollars pour un shérif est une histoire que l'on traverse telle une balade composée de belles chevauchées entrecoupées de petits tant de pauses. Un rythme saccadé au service d'une conception dramatique efficace qui va à chaque fois tenter de combler les trous laissés après une situation mouvementée. Une construction suffisamment solide pour conserver l'intérêt du spectateur. Les actions bien que peu nombreuses offrent de jolis moments de bravoures comme lors du guet-apens autour de la cachette du gang. Mais aussi de la tension avec la fosse aux serpents. Et même un affrontement culte où Rooster à dos de cheval brandit un fusil Winchester 1892 d'une main, et de l'autre un revolver Colt 1873 SAA, le tout avec les rênes en bouche, face à quatre bandits. Un grand moment pour John Wayne qui nous offrent l'une de ses confrontations les plus emblématiques. Une superbe épopée avec une dose judicieuse de violence et d'humour. La réalisation d'Henry Hathaway donne matière à éblouir le spectateur qui est absorbé dans un environnement sauvage magnifique. Les décors extérieurs tournés au Colorado et en Californie constituent une toile de fond spectaculaire pour le récit. La photographie de Lucien Ballard est sublime. La direction artistique de Walter H. Tyler est de premier ordre. La mise en scène soignée. Jusqu'à la partition d'Elmer Bernstein, qui renforce l'expérience à travers une conduite musicale vivante qui instaure un climat aventurier dont on se délecte sans se faire prier. Une technicité qui s'additionne subtilement avec la trame scénaristique offrant une conclusion autant bouleversante qu'attachante avec une corrélation délectable entre le fond et la forme.
Cent Dollars pour un shérif c'est aussi une pléiade de personnages attachants :
John Wayne pour le shérif Rooster Cogburn
On n'exécute pas un mandat contre un rat, petite fille. Où on le tue, où on le laisse partir.
Duke sous les traits de Rooster propose un personnage atypique et décalé venant contraster avec les figures héroïques du genre. C'est un shérif méchant, gros, borgne, colérique, mal habillé, alexithymique avec des difficultés d'élocution, et par-dessus tout un "alcoolique", ou comme on aime dire autour de lui « il aime tirer un bouchon ». Sous ses airs rustres, sommeille un cœur tendre et bienveillant qui va venir briser sa carapace au contact de Mattie, avec qui il forme un beau duo. Un protagoniste explosif auquel le comédien apporte une personnalité de premier ordre en tirant des tronches hilarantes. La famille de Rooster m'a bien fait rigoler entre son soi-disant père, ''Chen Lee'', et son soi-disant neveu, général ''Sterling Price'', qui n'est autre qu'un chat. Une performance qui aura valu à John Wayne l'Oscar du meilleur acteur.
Kim Darby pour Mattie Ross
Si vous croyez que vous allez me rouler vous vous trompez. Vous allez entendre parler de moi et même de mon avocat, maître Daggett !
Kim est rayonnante en tant que Mattie. Elle apporte beaucoup de fraîcheur et d'énergie à travers une performance captivante et attachante. Une fille de caractère qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Une patronne autoritaire. Je dois dire que je suis réellement surpris par certains retours négatifs à l'encontre de la jeune actrice, qui pourtant incarne le sel de cette aventure. Des critiques lancées au départ par John Wayne lui-même, qui ne cessait de dire à qui voulait l'entendre qu'il était déçu par le casting de Darby. John, je t'aime bien, mais quelle hypocrisie de ta part. On sait que c'est parce que tu avais initialement promis le rôle de Mattie Ross à ta fille Aissa Wayne, proposition que Henry Hathaway a refusée, que tu l'as eu mauvaise auprès de celle-ci. Je te rappelle que dans l'histoire c'était toi l'adulte.
Glen Campbell pour Texas Ranger La Boeuf
Je décide toujours de faire qu'un seul pas à la fois. C'est pour ça que j'ai deux pieds.
Glen Travis Campbell en tant que chanteur, musicien de country qui se voit offrir son premier rôle cinématographique avec La Boeuf. Un choix de casting imposé à Henry Hathaway qui détestait la performance de Campbell si bien que sur le tournage il y avait des tensions. Il fut initialement choisi par le studio pour qu'il puisse promouvoir le film avec une chanson thème entièrement consacrée au long-métrage. Une chanson d'introduction pas du tout dégueulasse. La Boeuf est un personnage qui m'amuse avec son côté sûr de lui ignare qui se la raconte beaucoup alors qu'il transpire l'inexpérience. Avec Wayne et Darby, Campbell forme un trio très appréciable.
Les méchants
Tu es rudement culotté pour un type obèse et borgne !
Robert Duvall, en tant que Lucky Ned Pepper ''Le Veinard'', fait un excellent travail en incarnant le chef du groupe de hors-la-loi que Rooster, Mattie et La Boeuf doivent arrêter. Petite déception du côté de Tom Chaney incarné par un Jeff Corey que je trouve platonique. En tant que fil scénaristique principal, j'imaginais une construction dramatique plus marquante autour de celui-ci.
CONCLUSION :
Cent Dollars pour un shérif réalisé par Henry Hathaway est un western attractif symbolisé par un appel à l'aventure taillé telle une immense balade empreinte de lyrisme, d'émotion, d'humour et de violence. Un beau film avec de superbes paysages appuyés par des dialogues finement ciselés ainsi que des personnages truculents auxquels on offre un développement soigné. Un western divertissant et bienveillant efficacement porté par un John Wayne oscarisé pour l'occasion, ainsi qu'une Kim Darby qui livre une performance rayonnante.
Un spectacle distrayant pour un périple envoûtant : « un beau western ».
Monsieur le Rat, j'ai en ma possession un arrêt qui stipule qu'il vous est interdit de bouffer notre grain. J'ai fait ratifier mon mandat pour avoir le droit de ratiboiser un rat légalement.