Documentariste multi-primé, le cinéaste slovaque Péter Kerekes a nourri sa première fiction des témoignages des détenues du centre pénitentiaire d'Odessa, en Ukraine. Il a ensuite tourné dans cet établissement, avec de vraies prisonnières dans les scènes d'interrogatoire de même que leur surveillante principale. Seul le premier rôle est tenu par une actrice professionnelle, dont la justesse est remarquable. Le scénario est d'une rare intelligence, partant sur une vue d'ensemble de ces mères dont les enfants restent à leur proximité durant trois ans, avant de se concentrer sur une détenue en particulier, sa relation avec son bébé qui risque de lui être enlevée et avec la surveillante, femme seule et compatissante. Que ces femmes soient pour la plupart des meurtrières (pour des raisons qui sont parfaitement expliquées) et expriment peu ou prou leur culpabilité a évidemment une importance capitale mais le film parle d'elles avec une grande humanité et délicatesse en s'intéressant à elles en tant que mères qui se reconstruisent tant bien que mal et dont l'avenir s'inscrit en pointillés. Le monde que nous montre 107 Mothers est celui de l'enfermement et de la douleur mais le film laisse passer de beaux moments de tendresse et de solidarité qui suscitent une émotion toujours discrète. Quelque temps après le tournage, la prison a fermé et les détenues ont été dispersées dans toute l'Ukraine. Le réalisateur comptait faire une "tournée" des établissements pénitentiaires mais la guerre rend malheureusement le projet difficile à concrétiser.