Un exercice de style parfaitement maitrisé, voilà ce que je me suis dit en sortant du ciné hier soir. Très intelligemment façonné, ce film nous montre, en séquences alternées, les faits et gestes d'une dizaine de personnages, au cours d'un intervalle de temps très court, à savoir entre 17h et 17h11. Personnages qui n'ont a priori pas tous de rapports directs les uns et avec les autres, mais dont les destins et trajectoires finiront par converger, à 17h11 bien sur.
Je crois comprendre que "11 Minutes" nous parle du l'accélération du temps dans notre monde; c'est un film dont le rythme est pour le moins effréné. Ou dit autrement, voyez tout ce qui peut se passer en aussi peu de temps. Mais il introduit également une idée de distorsion temporelle, car le temps s'y voit dilaté : le film dure plus d'une heure vingt, et pourtant tout se passe au cours des 11 minutes fatidiques. Certains séquences mettent en avant la vitesse (moto, ambulance), alors que d'autres, découpées, s'étalent sur la totalité du film et laissent le spectateur dans l'attente. Evidemment, tout cela est soutenu par de fréquents plans sur des horloges, des montres, ainsi que sur des chiffres 11 et 17. Temps comprimé à l'extrême pour devenir une sorte de concentré d'unité de temps, au point que tout explose à la fin. Une métaphore nihiliste ?
Car "11 Minutes" est sombre, angoissant. Le spectateur pressent très vite que ça mal finir. La bande son, très travaillée, fait ressortir cela, avec de la musique industrielle et, en outre, certains bruitages qui sont mixés très forts : halètements d'un personnage essoufflé, bruit d'un avion qui passe...Le tout avec énormément de gros plans, sur des visages ou parfois au ras du sol. Bref, un style peu usuel, qui atteste de la prise de risques du réalisateur. Et les personnages suscitent peu l'empathie et sont, à des degrés divers, à peu près tous impliqués de près ou de loin dans des histoires d'escroquerie, de sexe, de drogues.
Et s'il a été tourné à Varsovie, le film pourrait se dérouler dans quasiment n'importe quelle grande ville d'Europe, son seul marqueur véritablement polonais étant la présence parmi les protagonistes d'un groupe de bonnes sœurs. Il nous renvoie l'image d'une société globalisée, dont les habitants sont engagés dans une course perpétuelle pour satisfaire leurs appétits individuels les plus grossiers. Un chaos dans lequel, l'humanité, ballotée, n'échappe pas à l'implacable machinerie du destin. Et, ainsi que nous le rappelle la très belle séquence finale, une fractale au sein de laquelle nous ne sommes que poussière ou - pour le dire en langage numérique - pixel.