Act Up-Paris est une association militante contre le sida, issue de la communauté homosexuelle créée en 1989, afin d'éveiller les consciences face à l'épidémie du sida. Cette mise au point est faite par un de ces membres aux nouveaux arrivants et par extension au spectateur. Cela va nous permettre de mieux comprendre l'événement qui va nous être relaté.


L'ambiance est électrique dans l’amphithéâtre. L'action d'Act Up-Paris lors d'une conférence sur le sida a été perçu différemment par ses participants. Au contraire de Max (Félix Maritaud), Sophie (Adèle Haenel) est contrariée par le déroulement de l'action et des possibles répercussions sur l'image de l'association auprès du public. On assiste à ce débat enflammé et au déroulement de cette opération selon la perception des faits par chacun. Les deux scènes s'entrechoquent, comme les mots et leurs gestes. La parole est libre, comme les esprits. Les personnalités s'expriment et s'affirment . Toutes les idées sont les bienvenues, tout comme les slogans. Ils ne s'aiment pas forcément, mais font en sorte d'avancer ensemble pour le bien de la communauté et de la société.


C'est un film choral, du moins dans sa première partie. Les scènes se déroulant dans l’amphithéâtre sont les plus passionnantes. On se déchire, on rit, on assiste au début d'une romance entre Sean (Nahuel Perez Biscayart) et Nathan (Arnaud Valois) et on participe à une nouvelle action dans un laboratoire pharmaceutique. L'ennemi n'est pas seulement le virus, mais ceux qui minimise ses conséquences, tout en voulant se faire de l'argent sur le corps de ses victimes. Ils n'ont pas peur de bousculer le pouvoir en place, ni la police. Certains ont une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. Les différents traitements contre le sida ne sont pas efficaces et ne font que repousser l'échéance. Les sorties en boite de nuit sont des parenthèses enchantées, permettant à leurs corps d'exulter et de soulager leurs esprits. Ces pauses musicales sont également salvatrices pour le spectateur, elles nous permettent de souffler au rythme de la house music.


Le basculement de l'histoire dans l'intimité du couple de Sean et Nathan est moins passionnante. Avant cela, le film avait réussi à éviter le pathos. On a été parfois secoué, comme lors de la chute de sa chaise d'un jeune militant annonçant sa fin proche. D'une scène à une autre, le ton était différent et offrait une foule d'émotions diverses. La première nuit dans la pénombre entre les deux amants était déjà annonciatrice d'une certaine crudité dans leurs rapports. Elle est suivie par le défilé lumineux de la gay pride où les slogans, les chorégraphies et la sono nous mettent des paillettes plein les yeux et les oreilles. Mais la romance prend le pas sur le reste. Elle devient envahissante et convenue. L'histoire perd de sa force, à l'image de Sean dont l'état se dégrade. Le film s'étire, se perd dans sa romance, devient pesant et à la fin, on sort de la salle en silence. Les yeux des spectateurs sont humides, des mains sur les épaules tentent d'apaiser la tristesse de certains et malgré quelques timides applaudissements, on a le sentiment d'avoir assisté à un enterrement.


Le casting est hétéroclite, à l'image des différentes personnalités œuvrant au sein d'Act Up. Nahuel Perez Biscayart est une énorme tête à claques avec un fort potentiel à taper sur les nerfs avec sa voix nasillarde et pourtant, on s'attache à lui. Il dégage une telle énergie, qu'on finit par se laisser séduire par ce jeune homme. Son couple avec Arnaud Valois fonctionne bien, ils sont si différents qu'ils en deviennent complémentaires. Adèle Haenel apporte aussi sa belle énergie. Antoine Reinartz est le presque sosie de Jimmy Somerville, mais en moins sympa et dont le morceau Small Town Boy période Bronski Beat va nous offrir un bref moment de répit au sein d'un film sombrant dans le pathos.


La célébration de la vie, le militantisme, le sexe et la mort se côtoient devant la caméra de Robin Campillo avec plus ou moins de réussite. Certains plans marquent notre esprit, comme la Seine en sang, mais d'autres donnent l'impression d'être dans un clip où la forme prend le pas sur un fond qui était intéressant dans sa première partie. Le grand prix de Cannes 2017 ne m'a pas convaincu, cela manque de consistance et de puissance émotionnelle pour avoir l'étoffe d'une oeuvre majeure.

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le 3 sept. 2017

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Laurent Doe

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