Même le titre est lourd : on l'aura compris, qu'ils ont douze ans. Douze ans, l'âge auquel on commence à devenir adulte, auquel se jouent les destins, auquel on découvre l'amour, la mort et la responsabilité pour la première fois — et tout le tintouin. L'intrigue, toutes proportions gardées, a bien son intérêt : "12 and Holding" est précis, sombre, construit et bien rythmé, de la mort inaugurale du frère à une fin laissée ouverte sans constituer un retour au point de départ. Et puis, le thème du corps, en guise de leitmotiv, est plutôt bien traité.
Seulement, Michael Cuesta filme avec un bulldozer : le spectateur qui n'aura pas compris qu'à un moment, il y a une fuite de gaz, souffre ou de cécité, ou de narcolepsie, ou d'une irrémédiable distraction. Le reste est à l'avenant. Le film montre qu'il est tout à fait possible de bâtir une intrigue intéressante avec une équipe entièrement composée de personnages-clichés. Tout, absolument tout, tout dans ses moindres détails, y passe : chacun à sa manière, de jeunes gens lancent des signaux d'alarme passés inaperçus des milieux familiaux toxiques qui entretiennent leurs défauts ou leurs complexes ; chacun à sa manière, leurs parents leur sont devenus étrangers, obnubilés qu'ils sont par leurs soucis d'adultes ; y compris les personnages plus secondaires : le professeur de gymnastique qui croit en son élève, le beau bûcheron au cœur brisé… Les accessoires eux-mêmes sont des clichés ! Le masque de hockey du garçon complexé par son visage, le tampon hygiénique et le maquillage de la jeune fille pubère, le sachet de bretzels de l'obèse, le gant de base-ball du frère mort sorti de "l'Attrape-cœurs"…
Les vicissitudes de l'adolescence, la difficulté de faire le deuil d'un être cher, la recherche d'un appui affectif hors de la cellule familiale, la construction d'une image qui corresponde à celle que l'on veut renvoyer, les problèmes de communication inter-générationnelle dans les pays industrialisés au début du XXIe siècle : il est vrai que les thèmes brassés par "12 and Holding", psychologiques ou sociologiques, se prêtaient au cliché, et Michael Cuesta n'a pas évité de se vautrer dans la symbolique lourdaude.