L'idée de réadapter 12 Hommes en colère est apparue à William Friedkin alors qu'il suivait avec grand intérêt le procès O.J. Simpson à la télévision, s'interrogeant sur la manière de remettre au goût du jour ce classique indémodable des années 50. Un coup de fil à Reginald Rose - le scénariste original - puis à Showtime - la chaîne qui se chargera de la diffusion de ce téléfilm - plus tard, 12 Hommes en colère version 1997 naissait sur le petit écran.
L'idée de Friedkin n'était effectivement pas de refaire le chef d'œuvre de Sidney Lumet à l'identique, mais de conjuguer la pièce de Rose au présent. Sans en modifier la structure originale, le scénario voit donc la question raciale être placée très justement au centre de ce téléfilm et des débats. Ainsi, si la diversité ethnique du jury témoigne bien du bond en avant effectué par la société américaine depuis le premier film, ce bond ne supprime pas pour autant les préjugés et les discours communautaires clivants, voire même les renforce. Une situation qui, à l'écran, produit des dissensions plus franches entre les différents jurés, ainsi que de l'ambiguïté, notamment par l'intermédiaire du juré n°10 interprété par l'acteur afro-américain Mykelti Williamson. Ainsi, dans cette petite salle de délibération, vétuste et insalubre, s'y rejouent les conflits sociétaux d'une Amérique visiblement abîmée. Et globalement, cette version est beaucoup plus ombrageuse que la précédente, avec un final qui laisse cette fois un goût amer en bouche.
Il est alors logique que la réalisation de William Friedkin se démarque de celle de Lumet par son urgence et son impulsivité. Le réalisateur fit ici le choix d'un tournage à deux caméras mobiles, en laissant à ses cadreurs une relative liberté pour capter les échanges, souvent brutaux, entre les acteurs, qui ont par ailleurs chacun l'occasion d'exprimer leur talent. Si les vétérans Jack Lemmon et George C. Scott sont égaux à eux-mêmes, tout comme Ossie Davis et Armin Mueller-Stahl, d'autres en revanche, comme Tony Danza, Edward James Olmos ou James Gandolfini - dans sa période pré-Soprano - se montrent étonnants.
Cette mise à jour de 12 Hommes en colère possèdent donc d'indéniables qualités d'écriture, de mise en scène et de jeu. Quasiment autant que la version de 1957. Ce qui en fait œuvre importante est ensuite une affaire personnelle : le spectateur peut raisonnablement lui préférer l'optimisme de Lumet à la noirceur de Friedkin, ou penser à raison que le costume du jurée n°8 convient mieux à Henry Fonda qu'à Jack Lemmon. Chacun est juge.