Plus qu'un film, un documentaire se doit d'avoir une raison d'être. Raymond Depardon, grand parmi les grands du cinéma français et photographe de renom, a choisi, avec "12 jours", de filmer les courts entretiens entre les juges des libertés et les différents patients hospitalisés sous contrainte suite à des manifestations plus ou moins violentes de troubles psychiatriques.
Ce qui dérange, tout d'abord, c'est que dans un tel contexte, on s'attend tout de même à une certaine prise de position de la part du cinéaste français, Seulement voilà, les agents de l'Etat qui défilent devant nos yeux, se révèlent vite, de par l'uniformité des réponses qu'ils apportent aux gens en souffrance qui leur font face, de simples coquilles vides. D'ailleurs, l'un d'entre eux, d'un ton cynique certes mais tout de même, le dis très bien, ils ne servent à rien. Alors quel intérêt de filmer une personne en détresse qui semble s'adresser à un mur tantôt souriant, tantôt moqueur, tantôt grave voir inquiet mais jamais investi ni réellement empathique? On frôle le voyeurisme mais heureusement, le talent de Depardon pour capter de belles images sauve un tant soit peu l'entreprise.
La galerie de personnages , à la fois pris dans les rouages de leur propre esprit mais aussi dans ceux, tout aussi maladifs, des institutions (à l'image de ces longs travellings dans les couloirs froids et peu accueillants de l'hôpital psychiatrique), suffit à elle seule de rendre l'oeuvre intéressante. On se retrouve très vite suspendu au bout des lèvres de chacune de ces personnes, tentant vainement de justifier leur mal-être et les actes, parfois terribles, qui en ont découlé. On est parfois aussi effrayé par le monde imaginé par certains d'entre eux où il est, d'un côté impossible d'écouter le juge à cause des voix dans la tête et, où, de l'autre, un père assassiné devient béatifié aux yeux d'un fils bourreau qui se voit visionnaire et créateur d'un nouveau courant politique. Malheureusement, la caméra de Depardon n'est là que pour capter leur détresse et même si on se prend à se questionner sur la décision que l'on prendrait à la place du juge, on se rend vite compte que l'on est bien trop humain pour faire ce genre de choix et que humain, le système tend à ne plus l'être. Des choix comme approuvés par une caméra qui capte de belles images mais qui n'a pas vocation à faire évoluer les choses ni devenir un intermédiaire pour transmettre des idées. Incroyablement figé, le film de Depardon manque cruellement d'humanité.