« 12 jours » est assez frustrant car n’exploitant jamais un potentiel réel.
Depardon nous met face à des hommes et des femmes atteints de troubles mentaux et internés contre leur volonté. En face, des juges chargés d’examiner la conformité de cette hospitalisation et de décider ou non de sa poursuite. Ces face à face donnent lieu à de réels moments d’émotions et nous interrogent.
Emotion car la folie (plus ou moins prononcée) des patients est très humaine, loin des clichés ou du larmoyant, on éprouve de la compassion pour ces cabossés de la vie et le spectateur prend conscience qu’il peut être facile de basculer.
Interrogations face à cette lourdeur administrative, parfois édifiante, où la « confrontation » absurde entre des malades et des juges qui ont dans leurs mains des décisions lourdes sans avoir d’autres éléments qu’un dossier médical. L’incompréhension des patients face à un jargon de toute façon difficilement compréhensible par qui ne travaille pas dans ce milieux. Les juges désabusés, tiraillés entre la compassion et l’aspect machinal de leur travail. Bref Depardon filme sous nos yeux un drame tellement humain, qu’il laisse le spectateur tantôt révolté, tantôt perplexe, tantôt désabusé.
En s’effaçant complétement Depardon nous laisse face à un matériau brut, mais si les émotions suscitées sont réelles et nombreuses, jamais elles ne sont fortes ni marquantes. Et c’est en ça que « 12 jours » est si frustrant. Jamais il ne donne son plein potentiel.
A force d’effacement, on a du mal à suivre Depardon, à voir où il veut aller, à comprendre le but de son film.
Dénoncer l’administration froide et écrasante ? Alors pourquoi ne pas nous en expliquer plus les rouages, pourquoi ne pas prendre parti pour un message fort en la dénonçant ?
Nous mettre face à la folie ? Alors pourquoi, au lieu de multiplier les cas sur quelques minutes, ne pas suivre que quelques-uns d’entre eux sur la durée.
A force de multiplier les instantanés, le spectateur a une sensation de zapette, on passe d’une histoire à une autre d’un claquement de doigts. Les émotions naissent mais n’ont jamais le temps de se développer, et ce qui pourrait être une rencontre marquante avec une histoire de vie ne se révèle être qu’un instantané, une fenêtre sur un instant T. Pourquoi ce patient est-il comme ça, quelle est son histoire, que va-t-il devenir, autant de questions sans réponses qui frustrent le spectateur qui a envie d’en savoir plus sur ces protagonistes.
A force d’effacement Depardon ne semble ne rien nous raconter et le film perd clairement en puissance et en impact, alors qu’il aurait pu être des plus marquants. Ajoutez à cela de trop nombreux plans interminables entre chaque face à face (à croire que Depardon a voulu combler des trous pour arriver à son une heure et demie) et vous obtenez un film qui manque de rythme et d’impact, alors que les idées sont là, que la matière y est. De quoi laisser au spectateur un sentiment d’inachevé, frustrant.