Il y a à peine un an, Quentin Tarantino abordait l'esclavage dans Django Unchained et parvenait à le renverser par la simple force de son Cinéma. Cette année, celui de Steve McQueen délivre une œuvre qui sera sans doute considérée comme définitive sur le sujet. Adaptée des mémoires de Solomon Northup, 12 Years a Slave impose deux vérités: il s'agit du plus grand film de McQueen, et il est également évident qu'il fera partie de ce que l'année 2014 nous a offert de plus impressionnant.
Northup a eu la chance de pouvoir vivre libre dans l'état de New York dès 1841, avec sa femme et ses deux enfants. Une chance qui va rapidement lui être reprise, quand il est abordé par deux prétendus artistes qui, en réalité, vont le droguer et le revendre comme esclave à la Nouvelle-Orléans. Peu enclin à se laisser traiter de la sorte, Northup va vite se rendre compte que la moindre tentative pour réclamer sa liberté pourrait le conduire à une bien cruelle destinée.
Tel qu'il l'avait fait pour traiter le combat mené par Bobby Sands en prison dans Hunger, ou bien alors l'addiction sexuelle de son héros dans Shame, Steve McQueen affronte l'esclavagisme de la manière la plus frontale possible. En résulte un choc proprement traumatisant, absent de tout pathétisme auquel un thème pareil pourrait facilement mener. Nul manichéisme ou simplification primaire, juste le plus honnête témoignage sur l'esclavagisme. Le metteur en scène parvient en quelques séquences à en résumer toute l'horreur. En particulier cette scène de pendaison, qui prend une tournure vertigineusement complexe par sa simple réalisation.
Ses personnages présentent également tous une densité absolument incroyable, chacun dévoilant une profondeur inouïe. Où l'ambigüité partage même le martyr des plus meurtris, et où on décèle une humanité bien vivace dans le regard ou le comportement des bourreaux. Et McQueen a pris le soin de confier les rôles à des acteurs qui font la différence. Chiwetel Ejiofor est prodigieux en Northup, Michael Fassbender bluffant de sauvagerie dans le rôle du glaçant maître Edwin Epps. On retiendra également la révélation Lupita Nyong'o, poignante en Patsey. Et Benedict Cumberbatch qui apporte subtilité à son personnage de William Ford, premier "propriétaire" de Northup.
Certains films ont peut être osé aborder cet horrible chapitre de l'Histoire des États-Unis (Amistad, Beloved, Amazing Grace, et le dernier Tarantino donc). Certains ont même su marquer le Cinéma. Mais aucun avant 12 Years a Slave n'aura su le faire de manière si indélébile.