Alors là, mes amis, c'est la hchouma. Figurez-vous que l'ambassadeur, pour les réceptions qu'il organise, il n'offre même plus une pyramide de Ferreros, ce gros radin ! Et après, on s'étonne que les Libyens filmés par Michael Bay dans 13 Hours soient vénères et prennent les armes ?
C'était évident qu'avec un tel sujet, notre ami cinéaste post-moderne et gourmand serait dans son élément. Et il s'en donne à coeur joie, l'animal, toujours au coeur de la bataille, caméra tremblotante au poing, derrière ces soldats dont il est manifestement tombé amoureux depuis le début de sa carrière. Jusqu'à même se débarrasser de la plupart de ses tics de mise en scène. Bon allez, pas totalement, je le concède, puisqu'il s'auto-cite en nous refaisant le plan de la bombe de Pearl Harbor. Mais dans l'ensemble, dès qu'il s'agit d'emballer le film, Michael n'a pas son pareil. Que ce soit à l'occasion de la prise de la mission temporaire ou dans une course poursuite menée avec punch et efficacité, on le sent qui exulte et qui trépigne, comme un gosse de quatre ans qui a retrouvé les jouets qu'il affectionnait. Et cela fait plaisir, assurément, car le spectacle est là et ne trompe pas sur la marchandise.
Mais vous vous doutez bien, avec presque deux heures et demi au compteur, que l'on touche aussi à l'un des points faibles du film qui aurait gagné, à l'évidence, à se ramasser sur lui-même, à se dégraisser au maximum en se concentrant sur l'affrontement, la confrontation entre militaires US et insurgés Libyens. Car il y avait matière à faire quelque chose d'ultra tendu, d'immersif à chaque instant et de prenant, comme, par exemple, La Chute du Faucon Noir ou, plus près de nous, le mésestimé Du Sang et des Larmes. 13 Hours, en effet, prend le temps de s'installer. De nous expliquer l'atmosphère qui règne à Benghazi, qu'il ne faut faire confiance à personne et que chacun peut se transformer en ennemi potentiel. Mais le film, il prend aussi le temps de nous expliquer que le militaire, il a une famille, que sa femme doit choisir entre faire intervenir quelqu'un pour couper un arbre (et cela coûte les yeux de la tête) et payer la prime de l'assurance-vie. On dit que son épouse est enceinte, histoire de le caractériser et de l'inscrire dans un enjeu émotionnel, alors que le film n'en n'a pas trop besoin. On en profite enfin pour lancer une sous-intrigue totalement inutile ou garder un silence assez incompréhensible sur la destinée de l'ambassadeur... Et pour critiquer les décisions forcément imbéciles de la hiérarchie qui n'a jamais mis les pieds sur le champ de bataille.
En résulte un film avec un rythme en dents de scie, tout aussi prenant qu'il peut, parfois, traîner en route en s'attardant sur des choses pas super utiles au récit, ou pire, un peu neuneu, tournant autour de la sacro-sainte cellule familiale américaine de celui qui se sacrifie pour le pays. A l'image de ce remake de Fort Alamo, construit tout en tension lors de vagues successives entrecoupées de moments de calme, permettant à certains personnages de digresser un tantinet. C'est un petit peu dommage, car avec, allez, vingt minutes de moins, 13 Hours aurait été aussi exaltant que paranoïaque, tant l'ennemi anonyme et multiplié s'infiltre et se cache, alors que les alliances incertaines avec les locaux volent en éclats.
En l'état, même si le film n'est "que" pas mal, il propose cependant un bon divertissement assez conscient de sa nature doublé d'une certaine forme de "critique" quant à l'attitude américaine actuelle visant à mener une guerre à l'économie. Effectif minimal, sécurité rudimentaire, sous traitance de la protection avec des locaux peu fiables, quasi absence de renforts, soutien aérien attendu en vain, le film dénonce la volonté US de se mêler de l'ordre mondial sans en avoir réellement les moyens, dans une certaine forme de "Aide toi, le ciel t'aidera" assez hallucinante à l'heure des frappes chirurgicales, des drones et d'une image de toute puissance encore aujourd'hui persistante dans l'inconscient collectif.
La bannière étoilée noircie, flottant dans une piscine entre d'autres débris, n'est que l'image la plus évidente d'une influence passée et d'une terrible déroute idéologique, celle d'une Amérique à l'économie qui laisse mourir ses enfants qui l'ont pourtant tatouée sur le coeur. Signe des temps, ceux qui ont pris part, dans la vraie vie, à ce siège, ont tous aujourd'hui démissionné.
Dieu n'est plus la patrie.
Behind_the_Mask, Benghazi-gouillez-les tous.