Des lacs, les uns à la suite des autres, emplissent l’écran. Bien que le cadrage et la ligne d’horizon soient similaires pour chaque plan, chacun d’eux amène avec lui une atmosphère qui lui est propre. Un paysage se forme. L’eau, parfois immobile, parfois en mouvement, se fond dans le ciel ou s’en détache. Il peut y avoir du passage, un silence qui se trouble, le début d’une vague. Le film expérimental de James Benning, 13 Lakes (2004), semble nous proposer une lente représentation. Cette représentation tend vers l’image photographique, et ce pour différentes raisons. Nous ne sommes pas guidé par un quelconque fil narratif. Il s’agit d’un enregistrement brut, qui ne dit pas plus que ce qui nous est montré. Le sens du film, tout comme le sens de l’image, se crée dans son rapport au spectateur, selon son propre affect. Ce sens n’a donc comme limite que celle de l’imagination de l’homme et n’est pas restreint par les intentions de l’artiste. Il est retourné, reconstruit, ne cesse de se renouveler à chaque œil nouveau qui le regarde. L’œuvre établit donc un certain rapport dans la continuité de par sa confrontation avec l’extérieur. Ce serait comme si James Benning, en nous montrant ces lacs, nous invitait à nous en détacher, à voir davantage. Le film ne nous imposant aucune réelle piste de lecture, nous sommes de ce fait confrontés à plusieurs façons de le lire. Nous pouvons réinterpréter librement l’image. Nous sommes incités à dépasser l’image, à prolonger le paysage. S’instaure, dès lors, une notion de hors-champ. Ainsi l’eau sort de l’écran, l’horizon s’étire. Des bruits extérieurs au cadre nous laissent supposer la proximité d’une route, le déplacement d’un bateau, une baignade d’enfants. Le son représentant donc plus que ce que le visuel ne nous propose, il déborde sur celui-ci et constitue en lui-même un visuel fictif. Il est source de divagation.
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