Voir un film de James Benning, c'est surtout tenter de le connaître. De le savoir, intimement. Cinéaste de la rémanence Benning offre généreusement ses plans s'appréhendant par, pour et dans leur durée. Et aucunement dans leur compréhension intellectuelle.
Et d'ailleurs se doit-on d'appréhender un spectacle en l'expliquant à renfort de tenants et aboutissants ? Comprend-on rationnellement un morceau de musique, la toile d'un grand maître, une envolée lyrique ? 13 Lakes est un film de poses. De pauses. Il ne s'y passe rien et, de fait, il n'y a rien à comprendre. Ce qui ne veut pas dire en revanche qu'il n'y a rien d'intelligible...
On peut s'exercer à analyser l'image dans tous ses codes esthétiques et cinétiques ; parler du mouvement centripète des treize tableaux proposés par James Benning, de cet horizon imperturbablement fixé au centre du cadre, vecteur unidimensionnel rendant réversibles ciels et étendues d'eau ; parler des variations nuageuses, des remous et de la captation sonore prise sur le vif ressemblant étrangement à une litanie hypnotique.
13 Lakes, comme beaucoup de films contemplatifs, est un film à prendre simplement. A contrario il ne doit pas être pris pour ce qu'il n'est pas : un film simpliste. Du reste la contemplation n'a que très peu de rapports avec le simplisme : cela reviendrait à dire que le lâcher-prise ou les exercices méditatifs ne requièrent aucune forme d'exigence. Accepter ce qui est demande au contraire énormément de notre personne de spectateur.
Certains plans offrent de rares visions morganatiques tandis que d'autres exposent davantage le dispositif de James Benning face à lui-même... D'égales durées les 13 plans réinventent en permanence le regard que l'homme peut porter sur la surface d'un lac, avec tout ce que cela implique en termes de détachement, d'accalmie et parfois de tumulte. Un film magnifique, mais qui pourtant se mérite.