14 Heures est un thriller minimaliste. Un drame psychologique et familial qui se contente d’une histoire très simpliste pour déborder sur un point de vue d’envergure. Pendant sa ronde quotidienne dans les rues de New York, l’agent de police Charlie Dunningan est interpellé par les cris d’une femme qui a repéré un homme, Robert Cosick, perché sur le rebord d’une fenêtre au 18è étage d’un hôtel. Comprenant qu’il s’agit d’un suicide potentiel, le policier alerte son commissariat et part à la rencontre de l’homme pour tenter de le raisonner. S’ensuit alors une longue tension avec la ville comme public pour savoir comment cette situation s’achèvera. A l'image du film, le suicide n’est d’abord repéré que par une seule personne pour terminer avec les projecteurs braqués sur la victime. L’histoire quant à elle semble développer une simple tentative de suicide au premier abord, avec une question des plus simples mais au combien angoissante : sautera-t-il ou non ? Alors que le sous-texte est bien plus éloquent et s’adresse à la société toute entière, à ce public qui regarde sans rien faire, presque en se moquant de ce pauvre homme qui hésite encore à mettre fin à ses jours.
Avec ce film Henry Hathaway est souvent comparé à Billy Wilder dans les thèmes abordés, la satire en moins du fait de son humanisme profond. Ce qui apparaît flagrant dans cette histoire c’est la dualité entre l’intime et le public, et c’est la plus grosse partie de la critique du réalisateur. La vision la plus innocente et simple du film est de montrer à quel point la mélancolie d’une personne peut affecter beaucoup de monde, et ici de renouer avec son passé, de pardonner et de recommencer. C’est une triste poésie qui se joue devant nos yeux de constater tous les éléments pouvant influencer la psychologie d’une personne et d’aboutir à ce résultat. On peut donc voir basiquement le film comme un drame familial où chacun va prendre conscience de ses erreurs et essayé de pardonner tout le mal qui a été fait. Mais on peut également y voir cette satire ponctuelle, plutôt simple et peu approfondie mais bien présente et pesante. Notamment par les écarts de conduite des différents passants, les interventions éphémères et parsemées durant tout le film qui influenceront plus ou moins fortement la décision du héros. Que ce soit cette personne à la fin qui mime le grand saut, ou cet homme qui alerte Robert que les policiers manigancent quelque chose pour faire durer le plaisir, ou encore ce journaliste particulièrement inconscient et sans gène qui se rue au milieu de la route, à terre, pour prendre des photos. Toutes ces pastilles distillées durant le film sont tant de mini-critiques envers la société, ce désir de voyeurisme malsain, cette attente funeste qui ne s’assouvit qu’au passage à l’acte. Une forme d’excitation morbide que le cinéaste met en avant, ces moments sont subtils et concis mais leur éloquence est suffisamment acerbe pour remettre en question cette mentalité plutôt étrange.
Mais il y a cette dernière vision que l’on peut avoir du film, beaucoup plus joyeuse et optimiste. Le malheur des uns peut permettre à d’autres d’accéder au bonheur. Peut-être est-ce là pour nuancer la vision pessimiste du film. Ou bien est-ce juste là pour contrasté avec l’idée qu’on se fait d’un homme suicidaire qu’il est fou, en montrant que même les actes d’un « fou » peuvent faire réfléchir. Toujours est-il qu’il y a cette femme (très belle femme, qui n’est autre que Grace Kelly) en instance de divorce que la tragique situation de Robert remet en question. Ou encore ce couple naissant qui ne se serait jamais formé si Robert avait décidé de continuer à subir la pression qu’il ressentait sans agir. 14 Heures est certes un film noir, un thriller psychologique intense, mais il offre surtout une vision humaniste et joyeuse malgré la fin alternative qu’il subit. En fin de compte, même si cet homme menace de se donner la mort et que tous semblent occupés à connaître le dénouement de l’histoire comme si le temps s’était arrêté sur lui, le monde continue malgré tout de tourner et de faire profiter aux gens qui le suivent. Henry Hathaway signe donc peut-être un film moins dure que ses paires l’auraient fait, mais tout aussi intéressant et complet. Sa vision n’a rien de moins attirante que celle d’un autre sur le sujet et tant que le suspens est maintenu tout au long du film, il ne reste que peu d’éléments sur lesquels se plaindre.
Critique disponible sur Retro-HD