Pour le coup me voilà bien embêté, que vais je pouvoir écrire sur 1917 vu que le scénario tient en quelques lignes maintes fois écrites, maintes fois lues, maintes fois rabâchées. Comment dire beaucoup tout en ne disant rien ? Comment montrer beaucoup tout en ne montrant pas grand chose ou l'inverse c'est selon. Evidemment, bien évidemment je n'ai pas le talent d'un Sam Mendes pour exceller dans un tel exercice.
Bon vous le savez deux soldats anglais doivent en prévenir 1600 autres pour que ces derniers ne se fassent pas massacrer par l'ennemi teutonique.
Il ne faut pas regarder 1917 comme on regarde un film, un film présumé de guerre qui plus est, mais de la façon dont on admire un tableau. C'est beau, c'est coloré, c'est lumineux, c'est subtilement nuancé à part que la guerre n'est ni belle ni lumineuse, colorée peut-être si on considère que le sang est rouge et qu'un obus qui explose est jaune teinté d'orange. Quant à la nuance, les seules qui comptent, en sortira-t-on mort ou vif, unijambiste, défiguré ou indemne. Rien de subtil.
Ici point de boue, point de misère, point de salissure, point de puanteur, point de corps en décomposition, point de tragédie. C'est avec outrance que Mendes esthétise la guerre.
La tranchée est bien ordonnée, bien rangée, bien balayée, la barbe n'a pas le temps de pousser sur les joues glabres du soldat, la coiffure reste soignée, l'habit bien repassé, la chaussure bien cirée et la baïonette bien astiquée, la ruine se pavane, prend la pose. Le rat est bien dodu, propre sur lui, le poil siogneusement lustré. Ah que oui ils sont magnifiques les rats de Mendes ! De véritables dandies, une mention spéciale pour les rats.
En deux heures de temps on aura largement le temps d'apercevoir une gentille vache broutant paisiblement l'herbe verte dans les ruines d'une ferme dévastée. Au passage on remplit sa gourde militaire de lait ça servira au bébé que tient dans ses bras une femme éplorée lors d'une prochaine séquence. On aura largement le temps de voir un aviateur allemand, peu reconnaissant, poignardant celui qui l'avait sauvé des flammes de son biplan, écrasé pile poil à l'endroit où nos deux soldats en goguette se trouvaient. On verra les corps, les membres arrachés, les visages des soldats figés pour l'éternité dans la glaise de l'argile telles de glorieuses sculptures. On verra le Première Classe Schofield se jeter dans les eaux déchaînées d'un fleuve en furie lors d'une magnifique séquence, peut-être le plus beau moment du film. Quoi que celle des soldats qui chantent à la lisière de la forêt avant l'assaut est superbe aussi. D'ailleurs en ce qui concerne la musique c'est toute celle du film qui est excellente je le reconnais volontiers, une belle oeuvre, sombre et rayonnante. Un bon point pour Thomas Newman. Et pour clore le débat on aura tout loisir d'admirer les douces larmes chaudes qui coulent sur le visage du Lieutenant Blake frère du Première Classe Blake bien vite disparu des radars.
Pffff on nous avait promis deux héros il n'y en a qu'un et demi. En fait c'est la seule surprise d'un film sans suspense, sans émotion. Sam Menes en quête perpétuelle d'oscarisation s'est fait plaisir, un plaisir égoïste.