En 2015, Sam Mendes faisait démarrer "Spectre" avec un (faux) plan-séquence assez habile et inattendu. Visiblement attiré par le procédé, le réalisateur nous livre 5 ans plus tard "1917", film conçu pour donner l'illusion d'être tourné en un seul plan séquence (ou presque).
Le pitch est simple : en pleine Première Guerre Mondiale, deux soldats britanniques doivent traverser en quelques heures des zones dangereuses. Afin d'apporter un message critique à un autre corps qui s'apprête à tomber dans un piège. On pouvait craindre que le procédé du plan séquence ne soit qu'un gadget marketing masquant une histoire simpliste, mais il n'en est rien.
Le plan séquence (ou plutôt les plans séquences, astucieusement raccordés) permet ici une immersion totale et maintient une tension permanente. Dans un univers guerrier réaliste, rempli de figurants, et aux décors impressionnants.
Déambulations dans les tranchées, le no man's land, ou les ruines : la caméra évolue avec une ingéniosité, une fluidité, et une maîtrise hallucinante. Que l'on doit en bonne partie à Roger Deakins, chef opérateur quasi légendaire. Les images du film laissent penser que les mouvements de caméra ont été particulièrement complexes à penser et à réaliser, et le making-of vaut le coup d'oeil à ce sujet ! Exploitation de nouveaux modèles de caméras numériques de petites tailles, Steadicam à toutes les sauces, grues & systèmes de câbles : c'est un énorme travail logistique !
Sans parler des jolies images, souvent pleines de symbolisme, et de certains éclairages étonnants (le passage nocturne, notamment). Avec en prime une BO de Thomas Newman plutôt inspirée.
Quant à l'intrigue, si elle est relativement simple, les personnages présentés apportent une réflexion sur l'héroïsme et le sens du combat dans un conflit ultra meurtrier. Les deux protagonistes sont incarnés par des jeunes acteurs très impliqués, immédiatement attachants. Tandis que Sam Mendes s'est adjoint les services de nombreuses stars, qui viennent ajouter de la gravité le temps d'une scène, sans pour autant s'accaparer l'attention du spectateur.
"1917" est donc un très beau moment de cinéma. Qui a fait démarrer en trombe une année 2020, ensuite malheureusement rapidement estropiée par le coronavirus...