1917, est un étonnant mélange de poésie et de barbarie. Il alterne avec justesse des balades champêtres à l'aspect bucolique et des charges guerrières haletantes. Ou devrais-je plutôt dire, fuite guerrière ou course pour la paix, puisque peu des élans dramatiques de nos héros sont portés par une envie belliciste. C’est d’ailleurs le thème principal du film, une épopée pacifiste sous les tirs ennemis. Même si toutefois, de si de là, s’immisce des moments où la guerre semble finie, des moments de courtes durées où le calme, la nature et le lyrisme reprennent leur droits, les explosions de nouveaux assauts nous font vite comprendre que malheureusement c’est un film de guerre.
Que ce soit pour ces moments de calme évanescents ou ces brusques fracas de la découverte d'ennemies, la réalisation reste excellente. Ces scènes et ces moments sont magnifiquement portés par des choix de plan, de cadre et de lumière qui rendent grâce aux intentions du réalisateur. Le film est bourré d'images magnifiques qui ne laissent pas indifférent. Quel que soit le film on aimerait d’aussi belles images, malheureusement c’est un film de guerre
Enfin techniquement, le film se démarque évidemment par sa multitude de longs plans séquences, dont les contours sont habilement camouflés. Ces longues séquences qui semblent sans fin, rendent d'autant plus justice à cette épopée grandiose qu’est 1917, nous faisant ressentir toute l’urgence et l’impossibilité d'arrêt de nos héros dans cette tâche qui leur est confiée.
Cette prouesse technique a de quoi donner le tournis, mentalement déjà, quand on pense au travail qu’il a fallu pour la mise en place, mais surtout quand on se figure la minutie qu’a requis une scène de marché dans les tranchées de plus de 20 minutes, avec énormément de monde et des points de passage récurrents ou chaque acteur attend avec sa tirade et sa scène à jouer.
Mais ce n’est pas qu’en se projetant qu’on a la tête qui tourne, c’est aussi physiquement que l’on peut être étourdi. En effet, filmer un plan séquence d’action va demander de suivre les acteurs tout au long de leurs scènes et d’user voir abuser de rotation régulière pour se mettre dans le sens de l'événement suivant. Dis comme cela, on peut avoir l’impression d’un film nauséeux, mais pas du tout. C’est un tournis enivrant que je décris, une sorte de balai cinématographique ou la caméra danse sans soubresaut, sans mouvement inutile et avec une incroyable douceur. Un travail d'orfèvre qu’on peut admirer, mais malheureusement c’est un film de guerre.
Le cinéma est bourré de genres divers et variés, alors pourquoi parmi cette multitude de thématique, celle de la guerre me pose problème ?
Et bien parce que la guerre c’est mal… et c’est tout ce qu’il a à dire sur elle… Elle n’est qu’un amas de violence complètement absurde, une scène ubuesque où des gens qui ne se connaissent pas s'entre-tuent, sans nul autre raison que les intérêts privés de gens qui, très loin de là, eux, ne se connaissent que trop bien.
Le problème c’est que cette horreur et cette bêtise sont tellement importantes, tellement écrasantes qu’elles s’imposent comme le centre névralgique du film, le point de convergence et de gravitation des émotions et surtout des thématiques abordées.
Et même si 1917, va s’essayer à nous parler d’autre chose, comme de renouveau, de cycle ou de filiation, par plusieurs métaphores florales et autres scènes. Des scènes très poétiques, où l’on pardonne les incongruités parce qu’on sait qu’elles existent au profit du message. (pour avoir du lait dans un seau il faut bien que quelqu’un ait traie la vache…)
Et bien toutes ces métaphores se retrouvent broyées dans cette boucle infernale, cette quête de paix qui ne fait que ramener au point de départ des individus qu’il n’aurait jamais dû le quitter. un message des plus grands et des plus nobles qui rend impossible l'épanouissement des autres réflexions.
Émotionnellement réussi, techniquement grandiose, visuellement époustouflant et thématiquement riche, 1917 est un grand film qui malheureusement est un film de guerre.