DVD trouvé pour quelques petits euros. À ce prix, je m'étais dit que je ne prenais pas un risque inconsidéré d'autant que le réalisateur, Sam Mendes, n'est pas un inconnu ni le dernier de la classe.
Il s'agit d'un premier visionnage et donc d'un avis à chaud (ce que je ne fais pas souvent). Le film méritera d'être revu d'ici quelque temps (temps compté en années …).
Force est de constater que je ne me suis pas ennuyé pendant les presque deux heures du film. Le scénario est inspiré de l'expérience du propre grand-père de Sam Mendes pendant la 1ère guerre mondiale sur les champs de bataille du nord-ouest de la France (Pas-de-Calais pour être précis). Il s'agit d'une mission à hauts risques confiée à deux soldats britanniques de transmettre un ordre d'annulation d'une offensive vouée à l'échec.
La mise en scène de la "course" des deux soldats est assez spectaculaire car la caméra donne l'impression assez angoissante d'ouvrir le chemin tandis que des tas d'obstacles restent à franchir pour les deux soldats que ce soit dans les interminables tranchées ou à découvert à travers les barbelés ou des ruines.
Le démarrage du film sur un paysage bucolique et fleuri (on est en avril 1917) avant d'être ramené aux dures réalités de la guerre, de la malbouffe, des ordres absurdes pour qui n'est pas dans le secret des dieux … Le tout est "so british" avec les deux trouffions, propres, qui parlent un langage poli et courtois qui ferait presque croire que "nos" grands-parents (britanniques) étaient quand même mieux "well educated" que nos braves poilus (français) …
Commençant comme ça, l'attention du spectateur est mise en éveil avec une pointe d'amusement dans l'oeil : attendons donc la suite …
Puis c'est la course éperdue, la boue, les trous d'obus, les barbelés, les mouches sur les cadavres, les pièges laissés par l'ennemi, les rats, la peur… Bienvenue en enfer … Le spectateur, amorcé comme une truite sur son hameçon, suit les images, fasciné.
De la rencontre dramatique avec l'aviateur allemand aux instants de grâce avec la jeune femme et le bébé ou encore avec le concert a cappella, improvisé dans un bois, la tension dramatique est savamment distillée par Sam Mendes. Peu importe d'ailleurs que ces instants de grâce soient réels ou imaginaires, ils font du bien. Je rapproche d'ailleurs ces scènes de certaines scènes apaisées dans d'autres films de guerre, par exemple la chanson "Marjolaine" chantée par la chanteuse allemande à la fin des "Sentiers de la Gloire" de Kubrick.
Je pense surtout qu'il importe de transcender les éléments factuels du film.
Qui peut croire en ce seau de lait incongru avec la vache à l'arrière-plan et personne à l'entour ? A mon humble avis, il ne s'agit pas d'une erreur grossière de Sam Mendes… Au contraire, ce seau de lait prend tout son sens dans la reconstitution éphémère de la Famille avec le soldat qui amène le lait, la femme qui s'occupe d'un bébé qui n'est pas le sien ; même si l'homme et la femme ne parlent même pas le même langage ! L'homme, le guerrier, vient d'entrouvrir une porte sur autre chose que la guerre.
Qui peut croire dans la course solitaire et déjantée du caporal qui craint d'arriver trop tard pour délivrer son message et qui croise, littéralement, les troupes montant à l'assaut ?
Là encore, la course déjantée prend tout son sens dans le fait qu'il s'agit d'une mission sacrée : bien sûr, sauver 1600 personnes mais bien plus important, préserver la mémoire du copain mort pour le ftère. Il s'agit de sauver les souvenirs de ces morceaux de vie trouvés dans des photos tachées de sang dans les affaires des morts de cette guerre.
Et Sam Mendes ne s'illusionne pas pour autant. Aujourd'hui, on sauve 1600 personnes parce qu'un général prend conscience du piège tendu et donne l'ordre de repli. Demain, dans huit jours, le même général donnera l'ordre au colonel de monter à l'assaut à l'aube.
Et le film termine par la même scène – bucolique – qu'au début, comme si finalement, il ne s'était rien passé. Heu, pas tout-à-fait. Des deux copains, un est tué et le survivant sait maintenant qu'il veut désormais rentrer à la maison.
Au final, c'est un bon film qu'il me faudra certainement revoir pour en découvrir d'autres aspects car je suis certain qu'il ne m'a pas encore tout livré.